"> - Indiepoprock

Visual Music
Steve REICH – Pendulum Music
John ZORN – Cat O’ Nine Tails (Tex Avery rencontre le Marquis de Sade)
Scott JOHNSON – Three Movements from How it happens
Mark GREY – Bertoia I
Bernard HERRMANN – The Day the earth stood still
Conlon NANCARROW – Boogie Woogie #3A
Krysztof PENDERECKI – Quartetto per archi
Terry RILEY – One earth, one people, one love from Sun Rings
Mark GREY – Bertoia II
SIGUR ROS – Flugufrelsarinn (The Fly Freer)

Cette première date était complète depuis déjà un certain temps et pour cause, le Kronos Quartet, est l’un des quatuors de musique contemporaine les plus en vogue depuis une dizaine d’année, pour ne pas dire plusieurs décennies. Sans aucun doute grâce à leur permanente volonté d’innover de rechercher. C’est dans cet état d’esprit qu’a eu lieu leur prestation intitulée Visual Music au Théâtre de la Ville.

Le quatuor pénètre sur scène, tout de noir vêtu, s’approchant chacun d’un support métallique de 3 à 6 pieds, du haut desquels pendent des micros. Chaque membres s’emparent d’un micro, le lâche permettant à chacun d’avoir un mouvement pendulaire. S’enchaînent alors cinq à dix minutes d’une musique répétitive mais évolutive comme sait si bien la créer Steve Reich, basée sur des larsens, la rencontre du micro et de son haut-parleur? Un début de concert étrange d’autant que le quartet quitte la scène dès la mise en route du processus. Le public ne sait pas s’il doit en rire ou non et demeure perplexe?

Le groupe réapparaît et se lance dans l’interprétation de Cat O’ Nine Tails de John Zorn, sorte de medley où s’entrechoquent en 15 minutes pas moins de 51 moments distincts, musique contemporaine expérimentale et dissonante avec un classique boléro, de la country voire le générique Bugs Bunny. C’est d’ailleurs à ce moment qu’apparaît le lapin géant sur l’écran qui se trouve juste derrière les musiciens.

La suite semble se dérouler dans un univers connu, puisque ce sont trois mouvements de How it happens de Scott Johnson, que l’on retrouve sur deux albums du Kronos Quartet, « Short Stories » et « Howl, U.S.A. ». La voix du journaliste I.F.Stone s’élève dans une salle en suspend. Les thèmes abordés, et issu d’une conférence qui a plus de vingt ans, sont pourtant d’une triste actualité. Guerre, religion et leurs dangers, leurs interdépendances.

S’en suit le premier volet du diptyque de Mark Grey, Bertoia I, qui voit l’utilisation des sculptures sonores de Harry Bertoia, toutes de cuivre et de bronze? Sonorités que l’on peut regrouper par familles : carillons, gongs, grésillements et chocs métalliques. D’une main, la sculpture est activée, de l’autre les couleurs harmoniques et dynamiques sont contrôlées. Le public applaudit un peu froidement, mais c’est la première fois qu’il se permet de donner cours à son enthousiasme qui pour le coup a été un peu calmé?

Le quatuor en profite alors pour passer derrière l’écran et apparaît en transparence pour The Day the earth stood still de Bernard Herrmann. Sur l’écran : le Kronos Quartet en train de jouer. Derrière l’écran : le Kronos Quartet en train de jouer. Moment d’incertitude, une projection en directe ? Un léger décalage, mais l’effet est là, envoûtant hypnotique, une musique pour cordes, Thereminvox et clavier.

La vidéo d’un piano vu de l’intérieur pour un incroyable Boogie Woogie joué à un rythme endiablé. Alors prévu pour un piano mécanique, c’est bien un quatuor à cordes que l’on entend même si parfois les sonorités portent à confusions. Ils jouent en effet certaines parties du morceau sur leurs propres sonorités samplées. Pièce qui, s’il fallait encore le prouver, nous montre la grande qualité technique du Kronos.

Les applaudissements sont plus francs et les musiciens reprennent place sur le devant de la scène mais dos au public? Une nouvelle défiance aux conventions ? Loin s’en faut, car tout d’un coup sur l’écran apparaît une étrange partition, celle du Quartetto per archi. Krysztof Penderecki a composé un bien étrange quartet puisque tout n’est que pincement, grattement, frottement, coup sur les cordes, au mieux des harmoniques. Et l’on se surprend à suivre la musique sur le « papier », pour une partition qui est loin de nos traditionnelles notes de musiques.

Terry Riley a composé une ?uvre à partir des sons récoltés dans notre système solaire, il est un peu triste de savoir que Sun Rings dort dans les archives du Département de Physique de l’Université de l’Iowa? Pourtant c’est bien une partie de cette ?uvre que le Kronos Quartet joue en cette soirée déclenchant les paysages sonores grâce à un ordinateur interactif.

Enfin, après le deuxième volet de Bertoia, le quatuor américain nous surprend encore, prouvant qu’il n’est pas enfermé dans la musique contemporaine en réalisant un cover d’une des chansons de Sigur Ros. Une nouvelle approche qui ne perd rien de son sens originel, mais qui se voit respectueusement et affectueusement embelli, ou tout du moins différemment.

Salué par des applaudissements nourris, le Kronos Quartet nous prouve encore, que son succès est mérité et que ces trente ans de carrière n’ont été que mises en danger et recherches mais finalement pour atteindre une reconnaissance de plus en plus large et sans aucun doute mérité.

Chroniqueur
  • Publication 355 vues6 mai 2003
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