Dans le cadre du festival « Couleurs printemps », organisé conjointement par la Cité de la musique et le Printemps de Bourges, Yann Tiersen a reçu carte blanche pour réchauffer le public parisien pendant trois soirées de février, dans le cadre feutré de la salle des concerts de la Cité de la musique. C’était l’occasion pour lui de convier les nombreux invités ayant participé à son dernier album, « L’Absente ». Etaient donc annoncés aux côtés du multi-instrumentiste breton, les Têtes Raides, Dominique A, Lisa Germano, Claire Pichet, Natacha Régnier, et surtout l’orchestre Synaxis de Vienne. Seul manquait à l’appel Neil Hannon, en tournée aux Etats-Unis. On attendait donc beaucoup de cette soirée : alors que les compositions du dernier album sont pourtant très orchestrées, Yann Tiersen ne s’était encore jamais produit en concert entouré d’un véritable orchestre.
Peu après 20 heures, alors que les musiciens viennent de s’installer au fond de la scène, Yann Tiersen fait une entrée discrète, une bouteille de bière à la main. On va ainsi naviguer pendant toute la soirée entre un certain classicisme et la recherche d’une rupture avec ce dernier, entre les influences classiques et rock du compositeur. Ainsi l’orchestre ne sera pas sollicité sur tous les morceaux. Yann Tiersen et ses musiciens alternent en effet les titres entraînants auxquels les cordes de l’orchestre donnent beaucoup d’ampleur, et les interludes intimistes et émouvants joués en formation réduite voire en solo. Pour donner encore plus de variété à son répertoire, Tiersen se lance même parfois dans des tentatives expérimentales intéressantes comme pendant le dernier rappel ou bien lorsqu’il débute un titre en frottant les lames d’un carillon avec un archet. Mais les morceaux les plus appréciés par le public sont les « chansons » ou les titres faisant intervenir les invités. Ainsi on peut noter dans ces moments forts les prestations au chant de Dominique A ou Claire Pichet, et surtout la participation des Têtes raides, ovationnés par la salle à l’issue du titre « Le jour d’avant ».
Au bout de près de 2h30 de concert et après trois rappels, Yann Tiersen a démontré l’étendue de son talent de compositeur et d’interprète virtuose (il jongle pendant toute la soirée entre le violon, le piano, l’accordéon, la guitare, le vibraphone…). Enfin il a réussi à séduire le public par sa discrétion attachante, n’hésitant pas parfois à en jouer, par exemple lorsqu’il a répondu à l’apostrophe amusante d’un spectateur au moment du premier rappel.
On ressort donc de la salle, charmé par l’univers du musicien. Chez Yann Tiersen, les valses succèdent aux berceuses, l’euphorie côtoie la mélancolie, mais toujours avec raffinement et douceur, loin de toute grandiloquence.