Adult Jazz

Ne cherchez pas plus longtemps la nouvelle sensation indé du royaume britannique. En provenance de Leeds, le quatuor Adult Jazz et ses tribulations alternatives pourraient mettre tout le monde d'accord...

On connaît Leeds pour son architecture du XIXème, son équipe de rugby à XIII, sa qualité de vie et ses universités hautement réputées. Un peu plus proche de nos débats, la troisième ville du territoire anglais regorge de groupes contemporains aussi talentueux les uns que les autres: I Like Trains, Eagulls, Wild Beasts & Alt-J en tête.

Les filiations entre ce dernier, bientôt de retour avec un deuxième album prometteur, et l’un des nouveaux venus répondant au nom d’Adult Jazz sont, du reste, sans équivoques. Les deux cités partagent le même penchant pour les sonorités déstructurées, la même dépréciation pour les codes de la musique pop moderne, élevée à contre-courant avec une insolence et une liberté d’exécution tutoyant l’extatique. Autant dire que ce jeune quatuor, qui a créé son propre label pour éditer ses grands débuts, attisait la curiosité d’un grand nombre de musicophages en quête de sensations.

S’il faut tout d’abord se résoudre à s’armer de patience pour apprivoiser la bête, « Gist Is » laisse dévoiler son éloquence au fil des lectures. Le terme pourrait même s’avérer faible quand à la richesse de son contenu, déployé dans un entremêlement des genres et d’un freestyle auditif parfois déstabilisant mais ô combien enjôleur. Bercés par d’improbables variations rythmiques, chaque piste dépeint l’imagination trépidante des quatre Anglais, renvoyant en premier lieu à son auditoire le sentiment d’avoir affaire à un recueil aux improvisations vulgairement « fourre-tout ».

Pourtant, la recherche constante du patchwork sonore, les instruments exploités hors de leur fonctions primitives, le timbre aussi flexible que trafiquée de son leader Harry Burgess, le tout ajouté à une dose expérimentale aussi fastueuse que maîtrisée, montrent à quel point la formation britannique sait intelligemment placer ses billes, et ainsi mettre en exerce ses prédispositions pour le moins atypiques.

À base de guitares sèches, rythmes tribaux, bandes vocales inversées et autres agréments de cuivres, Adult Jazz met sa créativité au service d’actes incantatoires (Idiot Mantra), malaxe du R’n’B en réinventant son langage par des bridges de cordes irrégulières et autres percussions impromptues (Am Gone, Springful) ou encore se mettre dans la peau de promoteurs d’une pop cérébrale et, pour l’occasion, délicieusement bancale (Spook, Be a Girl).

Au-delà de toute cette effusion, Burgess et sa bande savent aussi apporter leur lot de délicatesse à un ensemble jusqu’ici (déjà) rayonnant. Preuve en est avec Pigeon Skulls et l’ultime bijou Bonedigger, deux morceaux tout en retenue à la beauté indicible, où des chœurs subliminaux doublés de légères célérités s’accommodent en parfaite harmonie…

Si son principal défaut reste la rudesse de son accessibilité, « Gist Is » est un album estampillé du sceau de la modernité. D’un de ces groupes à l’ambition mesurée qui évitent sciemment les pièges de la commercialisation en conservant, dès leurs premiers pas, leur authenticité originelle. Rien qui ne pourrait lui permettre de grappiller des places dans les charts du berceau européen de la pop-music, préférant laisser libre cours à leur étonnante liberté artistique, quitte à toucher un public restreint. Et rien que pour cela, Adult Jazz et leurs airs de bobos nonchalants méritent déjà notre plus grande considération…