"> Antony and the Johnsons - Turning - Indiepoprock

Turning


Un album de sorti en chez .

9

Antony, discret ces dernières années, revient avec un enregistrement live de... 2006.

Antony & the johnsons, c’est un nom qui, il y a quelques années, aura déchaîné les passions. Personnage androgyne dépositaire d’une musique atypique, entre pop baroque, blues et cabaret expressionniste, affublé d’une voix hors-normes, souvent secouée de trémolos qui hérissent le poil, de plaisir ou d’agacement, c’est selon, et pas avare de l’exposition d’états d’âme que certains trouvent bouleversants, d’autres exclusivement pleurnichards et insupportables, il ne laisse pas indifférent. Suite au succès surprise de « I Am A Bird Now », son second album, en 2005, Antony s’affichait un peu partout, là un duo avec Boy George, là un autre avec Björk, une invitation à poser sa voix sur le projet Hercules & Love Affair… pour le plus grand plaisir de ses admirateurs, au grand dam de ses détracteurs. Mais quoi qu’on ait pu penser de lui, petit à petit, le temps donne sa vérité, à savoir qu’Antony n’est certainement pas fait pour le succès de masse et, depuis quatre bonnes années, se fait diablement discret. Même la parution de « Swanlights » son dernier album en date, fin 2010, s’était faite en catimini. Aujourd’hui, s’il nous revient, c’est avec « Turning » un live qui a déjà huit ans…

« Turning » est en fait le versant sonore d’une performance artistique captée au Barbican Center de Londres puisque, pendant qu’Antony jouait, en fond de scène défilaient des images signées Charles Atlas d’hommes et femmes illustrant l’identité, la lutte pour la tolérance et l’égalité des droits, et l’album fait d’ailleurs l’objet d’une édition spéciale avec DVD, qui permet de se faire une idée complète de la chose. Mais ici, c’est bien la musique qui nous intéresse. Le premier constat, c’est que les chansons demeurent. Bien sûr, on peut bloquer sur la voix très particulière d’Antony et ne pas aller plus loin mais il faudrait en revanche faire preuve de très mauvais esprit pour ne pas reconnaître que Spiralling, Everything Is New, Cripple And The Starfish ou Daylight And The Sun ne sont pas avant tout de très belles pièces parfaitement écrites qui défient modes et genres, et totalement intemporelles. Ensuite, Antony est un chanteur à part entière et, en live comme en studio, son timbre entre fragilité et lyrisme ne flanche jamais. Dès Everything Is New, qui ouvre l’album, il se lance d’ailleurs dans des vocalises tempétueuses qui n’ont rien d’outrancier mais au contraire donnent un souffle inédit à son univers, qu’on voudrait trop souvent cataloguer comme de la sensiblerie musicale. Sur le reste de l’album, il se montre d’une justesse qui ne se dément jamais, sans emphase, sans tirer la couverture à lui, et un morceau comme Cripple And The Starfish, très chargé en arrangements dans sa version initiale devient ici un modèle de concision.

Il faut également parler du versant instrumental de l’album. En effet, Antony, en plus d’assurer le chant, tient le piano qui donne sa trame principale à tous les morceaux avec un aplomb superbe et son jeu se révèle à la fois puissant et subtil. Derrière, c’est un orchestre qui donne toute son ampleur au projet mais avec là encore un équilibre consommé entre souffle et discrétion. Pas d’envolées de cordes dégoulinantes ou envahissantes mais une présence du meilleur effet, qui offre onirisme et poésie à Where Is My Power avec violon et instruments à vent qui se déploient crescendo, un raffinement digne d’une symphonie classique à Daylight And The Sun ou Twilight. Tout cela fait de « Turning » un objet évidemment indispensable pour les fans, mais qui va bien plus loin. Car c’est aussi une belle porte d’entrée pour tous les néophytes désireux de découvrir Antony & The Johnsons, et également le disque idéal pour tous ceux qui ont pu saturer quand on nous rabattait un peu trop les oreilles avec le phénomène mais auront la curiosité de s’y frotter de nouveau. « Turning » est d’autant plus important qu’on ne sait pas de quoi le futur ni même le présent d’Antony Hegarty sont faits mais l’album nous rappelle salutairement qu’il serait fort dommage qu’un artiste de cette trempe s’efface pour de bon.

Rédacteur en chef

Tracklist

  1. Everything Is New - Live
  2. My Lord, My Love - Live
  3. Cripple and the Starfish - Live
  4. For Today I Am a Boy - Live
  5. Where Is My Power? - Live
  6. Spiralling - Live
  7. Find the Rhythm of Your Love - Live
  8. I Fell In Love with a Dead Boy - Live
  9. Bird Gerhl - Live
  10. Kiss My Name - Live
  11. Daylight and the Sun - Live
  12. One Dove - Live
  13. Hope There's Someone - Live
  14. Twilight - Live
  15. You Are My Sister - Live
  16. Whose Are These
  17. Tears Tears Tears