"> Arcade Fire - Reflektor - Indiepoprock

Reflektor


Un album de sorti en chez .

7

Arcade Fire est un groupe très exposé depuis le succès surprise de son premier album, c'est entendu. Depuis, les faits et gestes des Canadiens sont scrutés à la loupe et relayés un peu partout.

Toutefois, jusque-là, le groupe avait su garder la tête sur les épaules et se concentrer avant tout sur sa musique, ce qui est bien ce qui nous intéresse avant tout. De ce point de vue, leur parcours ne souffre d’aucune tache et la grande qualité de « The Suburbs », leur dernier opus en date, était d’être un album très centré sur l’écriture, introspectif sans être répétitif. En bref, c’était l’album d’un groupe qui s’inscrivait dans la durée, soucieux de la cohérence de son oeuvre. Arcade Fire avait donc toutes les cartes en mains pour se lancer dans une nouvelle direction avec confiance et certitudes. Mais l’annonce d’un nouvel album s’est alors transformée en jeu du chat et de la souris entre le groupe et son entourage d’un côté, les fans de l’autre, avec énigmes et infos plus ou moins confirmées lancées dans tous les sens, et là, on a commencé à se poser des questions, voire à se lasser de ces pratiques qui, quand on aime vraiment un groupe pour les bonnes raisons (sans prétention), émoussent plus qu’elles ne stimulent l’intérêt qu’on peut lui porter. L’interrogation s’est enfin muée en perplexité avec la divulgation de Reflektor, le premier extrait. Le titre révèle en effet bien la volonté du groupe d’explorer de nouveaux territoires, de livrer un disque enlevé et dansant, mais l’instrumentation figée au profit d’un son standardisé, l’écriture poussive ont clairement constitué une déception. Sans compter que le titre fait sept minutes mais qu’on peut facilement en enlever deux ou trois sans rien perdre.

Ce dernier aspect est d’ailleurs révélateur de la volonté du groupe de voir grand à tout prix  avec « Reflektor », proclamé double album, rien que ça. Et là, n’y allons pas par quatre chemins, Arcade Fire nous rejoue la fable du boeuf et de la grenouille. D’abord, « Reflektor » compte « seulement » treize titres. On ne trouve rien à y redire, sauf que pour un double album, c’est peu. Ensuite « Reflektor » dure un peu plus de soixante-dix minutes, mais les cinq dernières de Supersymmetry ne sont qu’une longue plage de vide et, à l’image de Reflektor, d’autres titres n’auraient rien perdu à être un peu rabotés en longueur. Au final, disons qu’on obtient entre cinquante et soixante minutes « utiles ». Enfin, la volonté du groupe de scinder l’album en deux répond peut-être à une logique pour eux, mais pas forcément pour l’auditeur. « Reflektor » gagne donc plutôt à être considéré comme un album à la forme classique, et c’est très bien ainsi, il ne faut pas confondre ambition et surenchère.

D’un point de vue formel, l’album tarde à décoller et connaît quelques trous d’air. Ne revenons pas sur le cas Reflektor, qui ouvre le disque, mais We Exist, qui lui succède, s’il est de bien meilleure facture, n’a rien de bouleversant. Surtout, encore une fois,  le morceau souffre de cette satanée obstination à faire long, près de six minutes cette fois-ci, sans que cela ne se justifie, le groupe se livrant à des reprises de vocalises en choeur vite lassantes. Beaucoup plus loin dans l’album, on retrouve le même écueil avec Afterlife, titre pas désagréable, pas transcendant non plus et qu’on a envie d’écourter. Finalement, quand on entre réellement dans l’album, près d’un quart d’heure s’est déjà passé, et c’est avec Flashbulb Eyes (qui n’atteint pas les trois minutes, cherchez l’erreur), qu’Arcade Fire convainc enfin. Surtout, c’est quand le groupe redevient lui-même qu’il fait mouche. Attention, pas de méprise, ne pas entendre par là qu’ils reviennent à des ambiances rappelant leurs précédents albums. Mais Arcade Fire, c’est tout de même la réunion de musiciens formidables, qui ont déjà fait leurs preuves ensemble ou dans des projets parallèles, et c’est quand on a la sensation d’entendre ce que chacun fait que leurs morceaux sont réussis, pas quand ils s’effacent au profit d’un son et d’une ambiances impersonnelles. Sur Flashbulb Eyes, la guitare métronomique, la rythmique en écho, les percussions en contrepoint, le petit gimmick de guitare et la voix de Win Butler impressionnent. Sur Here Comes The Night Time, ils livrent un titre plus identifiable, la rupture en milieu de morceau qui lance un crescendo n’étant pas sans rappeler Wake Up, mais là encore ça fonctionne. Sur Normal Person, puis sur You Already Know, sans renoncer au côté groovy de l’album, les Canadiens reviennent mine de rien à une base plus blues et livrent deux titres aériens, limpides, impeccables. Sur Joan Of Arc, c’est toujours une guitare incisive qui mène la danse, mais adoucie par les interventions de Regine Chassagne.

Sur la seconde moitié du disque, l’ambiance se fait un peu plus langoureuse, l’écriture plus racée, et on comprend mieux pourquoi Bowie, en entendant l’album dans le studio, avait dit en plaisantant avoir menacé le groupe de leur voler ce disque pour le sortir lui-même. Car sur le planant Awful Sound, réhaussé de discrètes lignes de violon, puis sur les très aboutis (et à la longueur enfin justifiée) It’s Never Over et Porno, qui oscillent entre pop, soul et funk, on jurerait avoir affaire au Bowie de la fin des années ’70, à l’aise dans tous les styles. Sur ces titres, il faut également relever le numéro de chanteur de Win Butler, plus encore sur Porno, qui déploie une palette vocale qu’on ne lui connaissait pas jusque-là. Du coup, même si la fin d’album n’est pas tout à fait à la hauteur, on préfère rester sur cette impression. Car globalement, « Reflektor » est un album qui offre largement de quoi combler les attentes. On préfère aussi rester positifs et croire que le groupe saura analyser les quelques « couacs » de ce disque et les mettre sur le compte de leur générosité, de leur envie d’aller de l’avant qui les a emportés un peu trop loin. Mais, dans un petit coin, on guette quand même qu’ils ne prennent pas le melon pour de bon.

 

Rédacteur en chef
  • Publication 1 541 vues31 octobre 2013
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Tracklist

  1. Reflektor
  2. We Exist
  3. Flashbulb Eyes
  4. Here Comes the Night Time
  5. Normal Person
  6. You Already Know
  7. Joan of Arc
  8. Here Comes the Night Time II
  9. Awful Sound (Oh Eurydice)
  10. It's Never Over (Hey Orpheus)
  11. Porno
  12. Afterlife
  13. Supersymmetry

La disco de Arcade Fire

70%

Reflektor

Everything Now5
50%

Everything Now

0%

The Suburbs

90%

Funeral

EP
0%

EP