Premier album des jeunes Anglais pour remettre à l'honneur la pop affectée.
Il y a dans « That’s Your Lot », premier album du jeune trio Blaenavon, autant d’évidences que de faits atypiques. Les trois compères publient leur premier long format alors qu’ils ont à peine dépassé la vingtaine, et pourtant leur premier single est paru il y a cinq ans déjà. C’est Jim Abbiss, connu pour son travail avec Adele et nombre de groupes en quête de succès (Arctic Monkeys, Kasabian), qui officie à la production, mais le groupe se distingue autant sinon plus par la recherche d’un certain raffinement que par celle d’une efficacité à tout prix. Bref, Blaenavon a tout du groupe bien (trop ?) encadré lancé sur les rails d’un succès programmé mais qui refuse de se laisser tracer un destin à la Icare. Cette dichotomie se retrouve jusque dans leur musique et leur identité. Avec Blaenavon, la pop affectée et précieuse est de retour, mais le trio a peut-être conscience qu’on ne repasse pas les plats deux fois et que le public n’est pas forcément prêt à replonger dans les affres de la brit-pop après en avoir soupé au milieu des années ’90. L’élément le plus immédiatement identifiable quand on entend Blaenavon, c’est incontestablement la voix de Ben Gregory, mais là encore, l’atout peut vite se retourner en bâton pour se faire battre quand une intonation trop appuyée convoque l’esprit de Morrissey ou Martin Rossiter.
« That’s Your Lot » est ainsi tout entier marqué de cette volonté d’assumer des influences vite identifiées sans tomber dans des écueils qui les plomberaient durablement. Ainsi, au riff bien troussé et au refrain « à la Smiths » de My Bark Is Your Bite répond juste après la modestie et la simplicité de Lonely Side puis le piano et le chant fragile de Let Me See What Happens Next avant que des guitares vitaminées et fières éclatent au beau milieu du tortueux Alice Come Home. Evidemment, cet entre-deux permanent peut être pointé du doigt comme la limite d’un groupe qui, à trop se chercher, à trop tergiverser, finit par ne pas (ou plus) se trouver. Ce serait néanmoins injuste dans la mesure où, même quand on les sent appliqués, ou alors hésitants, les trois compères sont capables de s’en sortir fort honorablement (Ode To Joe). Surtout, Blaenavon révèle un désir d’explorer des dynamiques qui s’échappent des standards de la pop avec des titres qui bousculent le format trois minutes trente imposé (Alice Come Home, Swans). Alors « That’s your Lot » n’est certes pas l’album qui, après une longue gestation, va jeter tout le monde aux pieds de Blaenavon. Ce n’en est pas moins un premier album intéressant et, de toute façon, qu’imposer son empreinte soit aussi difficile pour un groupe de pop en 2017 est une preuve en creux du véritable bouillonnement créatif de notre époque.
- Publication 1 184 vues12 avril 2017
- Tags BlaenavonTransgressive
- Partagez cet article