Clogs est souvent présenté comme le projet parallèle de Bryce Dessner, membre de The National, ces derniers bénéficiant d’une notoriété supérieure. Cette dénomination est pourtant réductrice et quelque peu trompeuse. Dabord parce que Clogs offre une musique bien différente, souvent instrumentale, influencée aussi bien par la musique classique que par la pop. Ensuite parce que […]
Toutefois, le risque, dans de telles conditions, est comme toujours d’avoir affaire à un bel écrin qui renferme un enchaînement de bons numéros sans grande cohérence entre eux. Pris individuellement, Last song, chantée par Matt Berninger, est par exemple une très belle chanson, épurée, parfaitement ciselée pour le grain de voix de son auteur, à l’aise dans son registre, sans fioritures. Mais elle est d’autant plus réussie qu’elle s’inscrit au sein d’un album sur lequel Clogs n’a en rien renié ses ambitions. Paradoxalement, c’est même en nous prenant un peu à rebrousse-poil qu’on le comprend, et par l’entremise des morceaux chantés par Shara Worden. En effet, on connaît les vastes capacités vocales de la demoiselle, ainsi que la passion qu’elle nourrit pour le classique. Ici, sur des pièces qui évoquent Brahms ou la musique baroque, elle s’en donne à cœur joie, développant comme jamais un chant qui monte souvent très haut, plus lyrique que pop dès On the edge et avec encore plus d’intensité sur The owl of love. Alors on peut s’agacer, trouver que c’est un peu trop, qu’un peu plus de mesure n’aurait pas fait de mal.
Mais ce serait oublier que Clogs n’a jamais fait dans les albums "faciles", même si un instrumental comme I used to do aurait pu nous laisser penser que le groupe s’orientait vers une approche plus directe. Il faut donc se débarrasser de ses idées préconçues et accepter d’entrer vierge dans ce jardin aux créatures bien singulières. Alors seulement on peut se laisser porter par les notes de harpe célestes, les mélodies tortueuses, habitées, s’abandonner complètement à leur beauté, exacerbée par la voix de Shara Worden à laquelle on finit par céder sans restrictions, et ce jusqu’au final We were here, sur lequel Sufjan Stevens nous chuchote doucement à l’oreille et nous ramène lentement sur un terrain plus familier, mais pas moins beau. "The creatures in the garden of Lady Walton" s’impose donc dès à présent comme un des plus beaux albums de cette année, et il ne sera pas facile de venir s’aligner à côté.
Tracklist
- Cocodrillo (feat. Shara Worden)
- I Used to Do
- On the Edge (feat. Shara Worden)
- Red Seas
- The Owl of Love (feat. Shara Worden)
- Adages of Cleansing (feat. Shara Worden)
- Last Song (feat. Matt Berninger)
- To Hugo
- Raise the Flag (feat. Shara Worden)
- We Were Here (feat. Sufjan Stevens & Shara Worden)