"La nuit est déjà bien avancée, et on est encore en train de boire... N'avons-nous aucun but dans la vie ? Bien sûr que si mais en attendant qu'il se réalise, on picole". (The Nights Of Wine And Roses).
« La nuit est déjà bien avancée, et on est encore en train de boire… N’avons-nous aucun but dans la vie ? Bien sûr que si mais en attendant qu’il se réalise, on picole ». (The Nights Of Wine And Roses).
Avec les Japandroids, ça a tout de suite été un coup de foudre, un truc irrationnel, une histoire d’amour en quelque sorte. Une histoire d’amour aussi belle que pathétique, ou l’inverse, de celles qui se décident entre chien et loup, dans ces instants interlopes ou l’alcool, la fatigue, les clopes te font perdre le contrôle, balancer des phrases que tu voudrais tout de suite rattraper. « Post-Nothing », c’était un album de mégots fumés jusqu’à l’extrême limite du filtre, de bières rances sirotées autant par dépit que par envie, un album où les rêves de grandeur se sont déjà écrasés contre les briques d’un quotidien trop terne mais où, la frustration aidant, on se dit qu’une petite fois encore, ça vaut le coup de refaire le monde, de s’imaginer plus beaux, plus forts, moins gros, plus courageux.
Après ça, pour tout dire, on n’aurait pas été surpris que les Japandroids n’aient été qu’un « groupe d’une nuit ». Peut-être par habitude, après un premier disque aussi essentiel, aussi vital, aussi excessif surtout, on n’attendait paradoxalement pas beaucoup de ce « Celebration Rock ». C’est peut-être aussi ça, le message des Japandroids, à supposer qu’ils en aient vraiment un : autant ne rien attendre, les surprises n’en seront que meilleures (souvenons-nous que le groupe avait décidé de se séparer à la veille de la sortie de « Post-Nothing »…). Et quoi de meilleur, actuellement, que cette fureur sonique, mieux captée mais certainement pas canalisée, jamais domptée ? En réussissant à garder leur rage intacte, en parvenant à distiller la même excitation, le duo livre un second très grand disque de rock.
D’abord un changement de taille : les Japandroids ont maintenant des textes. Là où les paroles de « Post Nothing » n’excédaient qu’occasionnellement la demi-ligne, le duo propose des couplets qui traduisent parfaitement la difficulté de choisir entre un quotidien morne qui attise la rage et la conscience de l’inanité d’une colère qui ne peut plus rien avoir d’adolescent, la difficulté aussi de vieillir, peu à peu (« Give me younger us »)… Et puis il y a toujours un son, moins brouillon, plus net que sur le précédent disque mais toujours aussi percutant, une espèce de mur qui t’arrive brutalement sur la tronche, une déferlante violente et magnifique de guitares exsangues portée par les rafales de batterie de David Prowse.
Personne n’a jamais chanté, hurlé, ces rêves fous qu’on essaie de préserver en sachant que c’est déjà trop tard, qu’ils ont déjà dépassé leur date de péremption. Personne n’a jamais chanté, hurlé, la détresse d’un quotidien de routine ne continuant sa route que par la perspective d’un brutal exutoire de fin de semaine. La grandeur des Japandroids est là, dans cette rébellion consciente de sa propre vacuité, dans cette vacuité grande de rêves de rébellion qu’on aimerait maintenir en vie. Les Japandroids te foutent la gueule devant un miroir réfléchissant ta trogne en plus jeune (Younger Us, encore), t’obligent à faire l’inventaire de ce que tu as pu laisser de côté en chemin. Ca ne fait pas forcément plaisir, en même temps ça réveille. Les Japandroids chantent la détresse et l’ennui de leur vie à Vancouver mais ça pourrait être ta ville, ça pourrait être ta vie. Plus tard, demain, la routine reprendra ses droits, cela ne fait aucun doute, mais au moins, l’espace de 8 morceaux et quelques dizaines de minutes, tu auras pu y échapper. Ces instants là, il faut en profiter, ici et maintenant. Tu ne sais pas combien de temps tu pourras encore le faire.
- Publication 808 vues26 octobre 2012
- Tags JapandroidsPolyvinyl Records
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Tracklist
- The Nights of Wine and Roses
- Fire's Highway
- Evil's Sway
- For the Love of Ivy
- Adrenaline Nightshift
- Younger Us
- The House That Heaven Built
- Continuous Thunder