L'album bucolique d'un troubadour folk londonien : une belle surprise !
On aimerait parfois pouvoir librement parler de vieux pots et de meilleures soupes pour faire nôtre un adage, maintes fois vérifié dans le domaine de la pop. Néanmoins il faut bien convenir qu’assimiler un artiste à un vieux pot s’avère modérément valorisant. Quant à parler de soupe, en matière de musique, l’effet obtenu ne sera probablement pas celui escompté. Il n’en reste pas moins qu’en musique comme ailleurs (peut-être plus qu’ailleurs), le classicisme a parfois du bon. La recherche acharnée de l’innovation peut trouver un pendant réconfortant et agréable dans le respect d’une longue tradition, bien maîtrisée, exécutée avec respect et application.
Le songwriting folk anglais, par exemple : voilà une tradition à laquelle on aime à se ressourcer. De Nick Drake à Bert Jansch, nombreux en sont d’ailleurs les héros à figurer dans notre panthéon personnel. Bien entendu, inutile d’espérer un nouveau « Pink Moon » ou « Rosemary Lane » mais ce nouvel album de Johnny Flynn, à cet égard, fournit une écoute très agréable. Artiste aux multiples facettes (outre la musique, il pratique régulièrement le théâtre), Johnny Flynn est à placer aux côtés de Laura Marling ou Mumford & Sons dans la liste des artistes du folk londonien d’aujourd’hui. Il est d’ailleurs assez surprenant d’imaginer qu’une musique aussi peu citadine nous provienne de la capitale anglaise…
Sur « Country Mile », Johnny Flynn propose un agréable mélange d’influences : les racines traditionnelles et médiévales sont sensibles sur certains morceaux, et font immanquablement penser aux génies du Pentangle (Bert Jansch et John Renbourn), sans naturellement en égaler les recherches formelles extrêmes. Par ailleurs, les influences country-rock sont présentes et l’on entend à plusieurs reprises une lap steel adoucir de ses élégantes notes glissées la sécheresse des guitares acoustiques (After Eliot). De même, on croisera un violon bucolique, un orgue au charme un rien désuet et quelques cuivres mélancoliques : ainsi, si les instrumentations placent la guitare très en avant, elles fourmillent de détails qui donnent du relief et de la profondeur à des chansons de facture très classique.
Le léger reproche que l’on pourrait formuler à l’égard de cet album très réussi concerne l’uniformité des compositions. Le splendide Murmuration se retrouve ainsi cloné presque à l’identique sur Einstein’s Idea et l’on a à plusieurs reprises un sentiment de déjà entendu sur la fin du disque… Un peu plus de variété aurait permis à Flynn de mieux affirmer sa personnalité de compositeur : dommage car lorsqu’il se risque à s’éloigner des canons country-folk, comme sur Fol-De-Rol, le résultat montre que l’Anglais pourrait élargir son répertoire avec une belle pertinence.
Malgré cette petite tendance à la redite et sans forcément tutoyer les cimes, Johnny Flynn nous offre un album au charme persistant et qui se bonifie même avec les écoutes.
- Publication 576 vues8 février 2014
- Tags Johnny FlynnTransgressive
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