"> Khruangbin - Con Todo El Mundo - Indiepoprock

Con Todo El Mundo


Un album de sorti en chez .

8

La soul dans la peau, le funk dans les doigts, le groove dans le sang et la world music pour étendard...

Pour introduire cette chronique, refaire l’historique de la world-music exercée par des artistes occidentaux en mal d’exotisme sonore n’aurait sans doute aucun intérêt. Cela dit, on pourrait tout de même se permettre d’honorer l’avant-gardiste « Graceland » de Paul Simon, paru il y a plus de trente ans en plein apartheid mais ayant eu le cran de déplacer la pop de son propre confort, et qui inspire encore de nos jours la création (très récemment Air Waves et son Morro Bay). Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, bien que ce style ne se soit jamais essoufflé, permettant au contraire l’émergence d’artistes du cru qui ont soigné par la suite leur réputation, tous continents concernés (pokes à Eliades Ochoa ou Tinariwen, sans objectivité aucune…). Non, l’unique question qui inspirerait notre intro serait la mesure dans laquelle les jeunes pousses occidentales tomberaient, très tôt, dans la marmite des richesses musicales du globe pour ensuite les propager à peine le premier instrument en main, voire les marier avec leurs cultures natales. C’est exactement en lieu et place du point d’interrogation qu’intervient le trio Khruangbin.

Texans d’origine, rien ne prédisposait Laura Lee (basse), Mark Speer (guitare) et Donald Johnson (drums) à téléporter leurs inspirations hors des frontières. L’open-mind en ligne de mire, le groupe a voulu tracer sa destinée en choisissant symboliquement le terme « engin volant » (traduit en thaï) pour se faire (re)connaître. La Thaïlande et son funk des sixties ont d’ailleurs la primeur de leurs influences revendiquées, inspirant un premier album sorti il y a trois ans et qui nous renvoie fissa dans les cordes du paragraphe précédent, à savoir si les parents de ces trois charmants esprits leurs ont fait apprécier les sillons d’un funk exotique à l’heure du goûter ? Plausible, ou pas. Ou alors par le biais d’un concours de circonstances digne d’une série sci-fi, où des foyers aux étranges comportements auraient bouleversé le sort des platines.

Plus raisonnée, la seconde hypothèse voudrait que, comme nombre d’entre nous, la construction d’une culture musicale s’érige sans intervention familiale, encore moins divine. Les cassettes de thaï-funk, de soul proche-Méditerranée et du Moyen-Orient qu’ils dévorèrent sans limites sont aujourd’hui les fondements de Khruangbin, un melting-pot au groove saisissant qui contemple de lointains paysages sans omettre ses racines. Dénuée de lyrics, exceptant quelques voix spectrales, la musique du trio texan se suffit à elle-même et laisse libre l’auditeur d’y poser quelques gimmicks, quelle que soit la langue employée, puisque l’universalité est un mot d’ordre qui ici ne trompe guère. La constante s’impose également d’un point de vue stylistique, que l’on pourrait croire trop centrée sur les genres propres au patrimoine de l’oncle Sam, comprenant rythmiques soul, sérénades funkadéliques ou slows r’n’b, parfaitement supportés par les tonitruantes lignes d’heavy-bass de Laura Lee, ou encore dans les références évidentes aux bandes sonores défrichées par Tarantino. Pour s’exiler un peu, il faut surtout aller puiser dans le remarquable jeu de cordes de Speer, ses réverbérations orientales, son flow mécanique et ses solos psyché/dub mécaniques qui se chargent de sublimer l’atmosphère et d’imprégner à juste densité chaque composition d’une touche dépaysante, à l’instar du clin d’oeil rendu à l’Iran des années ’70 sur Maria También, avant que la révolution n’en décide autrement.

L’ultime explication possible, qui est en réalité la source de cet album, résiderait dans les origines d’un ou de ses membres qui pourrait justifier, au passage, des titres hispanophones donnés à des compositions aux accents plus éloignés. Un lien du sang tenu du grand-père mexicain de Laura Lee, qui régulièrement lui répondit par Con Todo El Mundo (avec tout le monde) à sa question Cómo Me Quieres? (comment m’aimes-tu?), seule réponse qu’il acceptait pour inculquer à sa petite-fille la paix des peuples et l’amour universel. Bien lui en a pris, puisque de cette relation s’extirpe un ton attendrissant et des couleurs mélancoliques ressenties aux quatre vents durant l’écoute. Une écoute qui en devient vite plusieurs, et qui ne cesse de nous rappeler à notre endroit que la Terre est un diamant infiniment précieux. Avec tout le monde, de préférence…

 

 

Community Manager

Tracklist

  1. Cómo Me Quieres
  2. Lady and Man
  3. Maria También
  4. August 10
  5. Cómo Te Quiero
  6. Shades of Man
  7. Evan Finds the Third Room
  8. A Hymn
  9. Rules
  10. Friday Morning

La disco de Khruangbin