« Une Saine Méfiance » : ainsi s’intitule le second opus de Sage Francis, sur lequel le MC américain donne en quinze morceaux et moins de cinquante minutes (une concision hélas trop rare dans le rap) un remarquable aperçu de son talent. Et l’on s’aperçoit bien vite que l’on a affaire à un maître en […]
« Une Saine Méfiance » : ainsi s’intitule le second opus de Sage Francis, sur lequel le MC américain donne en quinze morceaux et moins de cinquante minutes (une concision hélas trop rare dans le rap) un remarquable aperçu de son talent. Et l’on s’aperçoit bien vite que l’on a affaire à un maître en la matière. Le phrasé de Sage Francis réussit le tour de force d’être à la fois techniquement irréprochable et impressionnant d’expressivité. Le morceau d’ouverture du disque, The Buzz Kill, est emblématique de cette puissance : le débit toujours sur le fil de l’américain y semble alternativement se débattre contre le rythme et lui imposer sa marche, le tout dans une atmosphère d’urgence à couper le souffle.
Si sa maîtrise technique et la variété de son flow peuvent parfois évoquer Eminem (sur le virtuose Escape Artist par exemple), Sage Francis se distingue de l’enfant terrible de Detroit par une propension nettement moindre à la provocation, et par des paroles plus volontiers introspectives ou abstraites. La production s’écarte elle aussi du gros son calibré Dr Dre ; Dangermouse, Sixtoo et Reanimator offrent au Sage des boucles originales, souvent splendides, comme sur Crumble, et des rythmes efficaces. Il y aurait également à dire sur les paroles de Sage Francis, basculant sans relâche entre propos explicites et tirades plus symboliques parfois absconses ; difficile toutefois pour les pauvres petits français que nous sommes d’en saisir toute la substance, d’apprécier toutes les nuances de la plume acérée du maître, même si le livret offre une transcription salutaire de l’intégralité des textes.
Enfin, Francis n’hésite pas à explorer des jonctions possibles entre le hip-hop et d’autres musiques populaires américaines (folk, country). En témoignent ici l’intervention de Will Oldham sur Sea Lion, un des sommets de l’album ou le dernier morceau, hommage vibrant, un brin naïf mais touchant, à Johnny Cash.
Entre intégrité old school et innovations bienvenues, et grâce à la maestria d’un MC d’exception, « A Healthy Distrust » s’impose d’emblée comme l’un des meilleurs albums de cette première partie de l’année.
- Publication 753 vues1 juillet 2005
- Tags Sage FrancisEpitaph
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