Troisième album après une éclipse de plusieurs années pour l'Autrichienne.
Privilège d’avoir débuté très jeune, on peut disparaître (du moins en surface) des radars pendant six ans et revenir pour un troisième album du haut de ses 28 ans, comme Anja Plaschg, alias Soap & Skin, sans que ce retour soit vu comme un come-back de vétéran. Il est vrai aussi que ceux qui la suivent depuis ses débuts savent sans doute que l’Autrichienne n’a pas passé ce hiatus discographique à ne rien faire mais s’est simplement ouverte à d’autres disciplines artistiques et a également composé pour le cinéma et la télévision. Il n’en reste pas moins que, comme chaque fois qu’un artiste fait un pas de côté puis revient au premier vecteur qui nous l’a fait connaître, on se demande logiquement si on aura droit à une inflexion, un nouveau départ ou à un retour en terrain connu.
Dès This Day, qui ouvre ce nouvel album, c’est la seconde option qui se dessine. On retrouve la voix puissante et profonde d’Anja Plaschg au grain néanmoins fragile et à fleur de peau, soutenue par son instrument de prédilection, le piano. Tout juste notera-t-on, conséquence peut-être d’avoir travaillé pour le cinéma, la présence en sus d’arrangements plus étoffés, avec cordes et cuivres. A mesure que l’album avance, on notera également que « From Gas To Solid/You Are My Friend » poursuit le cheminement discret mais néanmoins évident vers un apaisement des émotions, sachant qu’avec « Lovetune For Vacuum », l’Autrichienne avait signé un manifeste presque gothique malgré son dépouillement, aux dissonances coupantes, avant de glisser vers une mélancolie plus « douce » sur « Narrow », son second album paru en 2012.
Certes, dire que ce troisième opus respire la joie de vivre serait exagéré, mais on sent Anja Plaschg dans une humeur plus sereine, au minimum contemplative, et désireuse d’offrir à ses morceaux un climat onirique et soigné. Par conséquent, « From Gas To Solid/You Are My Friend » peut s’avérer déceptif, Soap & Skin nous ayant, davantage que séduits, frappés par sa capacité à transcender son mal-être via des morceaux à fleur de peau, à la beauté noire et portés par son chant puissant. Mais, à ce jeu, on ne peut pas tricher, ou alors on tombe dans une grandiloquence et une fausseté qui ne tromperont pas grand monde. Anja Plaschg n’est clairement pas de ceux-là et son troisième album est, comme les précédents, à l’image de ce qu’elle vit et ressent. Si certains morceaux flottent dans un entre deux parfois monotone, petit à petit, l’ensemble trouve sa cohérence et certains titres se détachent, notamment Heal, guidé par une instrumentation ambitieuse entre piano, synthés et trompette et une mélodie libérée superbement servie par la voix d’Anja Plaschg, l’étonnant instrumental Falling, synthèse audacieuse entre un orgue d’église et des arrangements électro ou encore l’intriguant Palindrome aux atours de chant liturgique moderne. Pour terminer l’album, on a même droit à une brève reprise de What A Wonderful World, néanmoins toute en retenue, comme pour mieux expliciter encore l’état d’esprit d’Anja Plaschg aujourd’hui. Conclusion, à une tentative de retour fracassant qui ne lui correspond pas, Soap & Skin préfère s’inscrire dans le temps long et faire de « From Gas To Solid/You Are My Friend » une nouvelle étape d’un parcours à coup sûr destiné à revenir croiser notre chemin.
- Publication 1 826 vues7 décembre 2018
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