Yo la tengo ne prendra jamais assez de risques pour commettre la faute de goût...
Fermez les yeux, plongez-vous dans une soirée de l’ambassadeur : robes de soirées, smoking et cocktails aux noms littéraires, « Stuff Like That There » est alors la bande son qui passe dans votre inconscient… L’ambiance est feutrée, suave, avec une précision chirurgicale les mots et les sons s’écoulent en toute fluidité sans forcer. Cotonneux comme une dégustation de earl grey premium au Rotary club, l’enchaînement de la tracklist vous plonge dans un confort, celui où l’on n’est pas avachi.
Cette même tracklist se constitue de reprises, d’anciens titres du groupe ré-arrangés et de quelques nouveaux morceaux. Vont se rencontrer les Cure, Hank Williams, The Parliaments, Sun Ra, The Lovin’ Spoonful, Darlene McCrea et Yo La Tengo, versions adolescente et vieille branche. Au prix d’un sens aigu de la composition et d’une maîtrise frappante du travail de production, le groupe, du haut de ses 30 ans d’expérience, enrobe tout ce petit monde comme la crème sur un irish coffee. Force est de reconnaître la réussite totale de l’entreprise, tant « Stuff Like That There » a tout d’un album original. Sans connaître d’avance Friday I’m In Love ou avoir un tant soit peu de curiosité, nous serions passés à côté de l’aspect cover qui domine l’album.
Au rayon « étiquette », les 14 titres oscillent entre lo-fi, country et folk. La batterie semblerait n’être jouée qu’aux balais (pour les non initiés, voir la définition 5) pour renforcer la distance toute jazzy des morceaux. Les voix, elles, toutes en légèreté, précision et sans une once de puissance viennent souligner le flot général. Les guitares, sèches ou électrifiées, restent en retrait, confinées au seul mais bien essentiel rôle d’accompagnement, voire au mieux, de musique d’ambiance. Au final, pour chaque élément constitutif de l’orchestre, le mot d’ordre est chuchotement.
Voilà donc ce qu’est le quatorzième album de ce groupe à part, une récréation studieuse, un exercice de style qui mérite le 20/20 des bons élèves, la note parfaite qui sanctionne l’application parfaite de préceptes enseignés. Vous comprendrez alors rapidement ce qui nous laisse tout de même un arrière goût moins reluisant : Yo La Tengo a pris une douche, manque de la saleté, d’âpreté, de points d’achoppement. Nul doute qu’un tel album trouvera sa place dans nombre de situations, mais en ce qui nous concerne, pas celle où l’on se plonge corps et âme sans activité parasite dans l’écoute d’un disque. « I Am Not Afraid Of You And I Will Beat Your Ass » paru il y a une dizaine d’années montrait déjà à quel point le groupe savait se renouveler, garder une exigence élevée tout en composant des titres immédiats, efficaces et forçant l’empathie. Yo La Tengo n’a rien perdu de sa maîtrise, au contraire, pour ce dernier opus, elle semble avoir pris un peu le pas sur le reste…
S’il ne devait en rester qu’un titre : The Ballad Of Red Buckets.
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- Publication 737 vues13 novembre 2015
- Tags Yo La TengoMatador
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