Interview de Blonde Redhead
À l’idée même d’aller s’asseoir face à Simone Pace, batteur de Blonde Readhead de son état, on devient d’un coup très humble quant à ses vieux principes de « la musique ce n’est pas une histoire de stars ou d’idoles », parce que franchement cela restera, entre nous, un grand moment… L’émotion passée, il s’agit de retranscrire cet échange d’une vingtaine de minutes avec cet homme avenant et habité, qui nous aura consacré un peu de son temps, pour parler notamment du nouvel album Barragàn, juste avant la prestation exceptionnelle dont nous avons profité au 106 de Rouen.
À l’écoute de Barragàn, on ne peut s’empêcher de noter un retour aux instruments pur et dur, au « détriment » des sonorités plus électroniques de son prédécesseur Penny Sparkle, était-ce un choix délibéré?
De fait, nous n’avons travaillé qu’avec de l’analogique et il n’y a que de vrais instruments sur cet album. C’était un choix à la base de Barragàn. Le son très electro de Penny Sparkle tient aussi sa particularité du producteur (NDLR Van Rivers) avec qui nous avons travaillé. Il voulait nous confronter à cet univers de machines, un univers dans lequel lui-même excelle. Drew (Brown), qui a enregistré Barragàn, est parti dans une démarche complètement opposée, nous avons suivi.
Comment se compose un album de Blonde Redhead?
Tout commence par une trame harmonique d’Amedeo à la guitare ou au clavier. À partir de là, il y a énormément d’aller-retour au gré de nos idées. En règle générale, le résultat final est très différent de l’idée initiale. Quelques rares fois, on touche au but en deux prises, comme pour Cat On The Roof, sur le dernier album, alors que par exemple, Drippin’, The One I Love ou Mind To Be Bad on suivi un très long processus de gestation. Ce n’est qu’une fois la musique arrêtée qu’Amedeo et Kazu bossent sur les textes des titres qu’ils chantent respectivement. Au final, pour nous les paroles sont là pour avant tout s’intégrer à la musique, l’idée, le sentiment général part toujours de la musique.
L’âge de Blonde Redhead se décompte aujourd’hui en décennies, quelle est influence de l’âge sur vos compositions?
(Long moment de réflexion) Ah, question difficile, vous savez, composer est vraiment un processus très étrange. Il s’agit surtout d’un abandon de soi, quand est venue l’heure de composer, c’est comme une pause dans la vie, plus rien d’autre n’existe. Vous êtes très créatif, vous exprimez énormément de choses tout en restant aux aguets, à l’écoute des autres pour qu’au final un tout, une personnalité unique surgisse de cette discussion. Très vite, on ne s’exprime plus chacun, mais c’est l’entité que l’on génère qui parle. Il en devient du coup assez dur de s’auto analyser sur cette période.
Restons quelques secondes sur l’âge de Blonde Redhead. Comment, tout au long de ses années, on évite les clashs, voire splits, la longévité n’étant pas forcément de coutume dans ce milieu?
On fonctionne réellement comme une famille, Kazu est vraiment comme une sœur pour Amedeo et moi-même (NDLR Amedeo et Simone sont bien frères dans la vie). Comme dans une famille, on ne claque pas la porte au premier différend, l’idée même de le faire ne nous traverse pas l’esprit et il n’y a pas d’essoufflement dans nos relations comme il n’y en a pas dans une fratrie tout simplement. Pour ce qui est des situations conflictuelles, on fait en sorte de les anticiper, mais tout se fait naturellement. C’est somme toute assez banal, comme dans toute relation, il s’agit d’écoute et de gestion de son propre ego.
Ce fameux âge, et bien entendu votre discographie reconnue par beaucoup, font de vous un groupe qui a influencé et influence beaucoup de monde, comment vivez-vous cela?
Simplement, nous le vivons le plus simplement du monde. Déjà, c’est avec joie que l’on reçoit des messages du type « vous nous avez influencés ». On ne fait pas de la musique pour cela spécifiquement, mais le but est toujours de changer les choses, de bouger les lignes chez les gens, et à ce titre, ce genre de phrases nous donne le sentiment qu’on y arrive.
En parlant d’influence, quelles sont vos influences actuelles, les groupes qui vous marquent?
Argh, la culture musicale, c’est une vraie éducation, elle nécessite du temps et il faut lui accorder avec parcimonie pour en déceler toute la richesse, la boulimie dans ce domaine est pour moi un non sens. De plus, mon activité fait qu’il me faut me préserver de trop de « bruit ». Vous voyez, je vis à New-York et comme vous le savez, la ville profite d’une scène des plus fournies, mais je fais assez peu de concerts. Pour répondre à votre question, je citerais Deerhunter dont les prestations sont pleines de personnalité avec des membres qui créent vraiment un tout, un ensemble, un concert de Deerhunter est un vrai cadeau.
Vous êtes actuellement en France pour votre tournée, quelle est votre impression du public français?
C’est un public très chaleureux et généreux. A contrario, les Japonnais sont très calmes et respectueux quand les Italiens sont de vrais fous furieux. Cette attitude du public est certainement ce qui influence le plus votre façon de jouer. Par exemple, devant un public calme, on se sent un peu étourdi, dans les nuages, devant un public plus excité, on ressent une certaine forme d’euphorie. Dans aucun des cas, on n’est sûr d’avoir fait un bon show, à fonctionner comme une éponge, on ne sait plus très bien…
Une fois les concerts passés, et pas de sessions studios en vue, comment occupez-vous votre temps?
On coupe totalement de la musique, mais on ne reste jamais inactif. Par exemple, personnellement je suis un vrai passionné de moto, rouler, réparer, je passe énormément de temps à ça. Mais au bout d’un moment, inexorablement, la musique nous rattrape et c’est le moment propice pour tenter, expérimenter, chacun dans ses pénates.
Des nouveaux projets? Pour le groupe ou personnels?
Non, aucun, nous sommes complètement concentrés sur l’album et la tournée.
Voilà donc ce que Simone nous a dépeint, un Blonde Readhead simple et naturel, qui devient un vrai volcan de génie une fois les instruments en main…
Barragàn est sorti le 2 septembre 2014 chez Kobalt.
Interview réalisée le 23 septembre.
Un grand merci à Louise et Hélène.
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