"> Interview de Stéphane Vatinel Glaz'Art - Indiepoprock

Interview de Stéphane Vatinel Glaz'Art

Stéphane Vatinel est l’un des membres fondateurs de Glaz?Art, un complexe pluriculturel, situé Porte de la Villette à Paris.

Quel est le budget de départ d?une telle entreprise ?

On a commencé en 1992, avec un budget d?environ 300 francs. Ca devait être ce que j?avais dans ma poche à ce moment-là. Mais concrètement, le budget de départ était de zéro. Je venais de rentrer des Etats Unis où j?avais passé une année, et où j?avais bossé notamment dans le cinéma. J?étais frustré de l?attitude des gardiens à l?entrée de certains clubs, car en temps que provincial je ne comprenais pas que l?on puisse se faire jeter comme ça, comme des malpropres. On a donc voulu ouvrir à Paris un lieu où il n?y aurait pas de sélection sur le look, mais uniquement sur l?attitude, et où l?on serait gentil avec les gens à leur arrivée. Des choses qui me semblaient primordiales. On a, avec trois autres potes, trouvé une vieille usine du siècle dernier, qui se situait dans le 19ème, au 93 rue de Maux. Elle faisait 800 m² et c?était véritablement ce que l?on appelait? une usine. On l?a donc transformée. Avant qu?elle ne soit démolie, il y avait un bail de 23 mois qui était disponible, et on a habité dedans tout de suite, pendant que l?on faisait les travaux. On faisait les travaux avec les moyens du bord. L?un d?entre nous était technicien de maintenance. Il travaillait à mi temps et mettait son salaire dans les travaux. Un autre était (et est toujours) un des plus gros distributeurs de capotes de Paris. Moi, j?étais intermittent, et je mettais également un peu de sous. Et le quatrième copain était chômeur depuis longtemps et ne pouvait donc rien mettre. Et voilà comment ça a commencé. Aujourd?hui, je ne pense pas que ce serait encore possible. Pour trouver des vieux locaux, des vieilles usines désaffectées, ça doit être assez hard. C?était quand même il y a 12 ans.

Quels sont les ingrédients indispensables quand on se lance là dedans ?

(Sans hésitation). Du courage. Beaucoup, beaucoup, beaucoup, énormément de courage. Et de l?inconscience. Si j?avais su les difficultés qu?il y avait à monter un lieu pareil, je ne le referais pas. A l?époque, on n?avait aucune autorisation, mais on était persuadé que tout ce que l?on avait fait était bien. Pour résumer, il y a, selon moi, quatre ingrédients : du courage, du travail, de la passion, et de l?inconscience.

D?où vient ce nom, Glaz?Art ?

Ca vient du livre Orange Mécanique d?Anthony Burgess. Il y avait un glossaire à la fin pour expliquer tout le langage un peu bizarre des protagonistes. Au fur et à mesure que je lisais le bouquin, j?apprenais le vocabulaire et j?ai même commencé à parler comme ça. Et Glazer signifie regarder. Glaz?Art signifie donc le regard sur l?art, l??il sur l?art. Et j?aimais bien la référence à Anthony Burgess et Orange Mécanique car il y a un côté très artistique et très urbain également. Il s?agit d?un livre (et d?un film) très avant-gardiste. Et il y a dans le livre de vraies références culturelles, tant dans la musique que dans la littérature. Et le côté schizophrène du personnage correspondait à ce lieu multi facettes que l?on voulait créer.

Imaginez vous que Glaz?Art puisse devenir un label à part entière, musical ou cinématographique ?

On y vient petit à petit. Il faut savoir que l?on a déjà une structure de tourneur au sein de Glaz?Art et que l?on produit beaucoup de choses. On s?occupe d?un groupe japonais, d?un groupe anglais, d?un groupe français. On a un département vidéo, on produit des documentaires. Mais je ne suis pas sûr que l?on puisse se définir exactement comme un label. On est plus une espèce d?incubateur à l?intérieur duquel il y a une vraie cohésion entre les personnes, ce qui donne l?envie naturellement de continuer quoi qu?il arrive et de rester au service des artistes auxquels on croit. Car il faut bien dire que nous sommes à la limite de la secte. Ca fait douze ans que l?on bosse sur ce projet, et on finit par ne plus faire de distinction entre le boulot et notre vie privée.

Quels artistes ont le plus marqué, selon vous, l?histoire du complexe ?

En dix ans, on a du présenter quelque chose comme 2500 artistes. Mais je garde un excellent souvenir de Jad Wio. Et puis aussi le groupe lillois? euh? J?ai oublié leur nom ! Marcel et son orchestre ! Mais je parle en tant que directeur, pas en tant que programmateur. Le programmateur aura peut-être d?autres choix. On a également un artiste à Glaz?Art, qui est là depuis longtemps. Il s?appelle Franck Langol, il est compositeur. Il a bossé avec Renaud, Vanessa Paradis, et est resté fidèle à Glaz?Art. Mais il y en a plein d?autres, dans le domaine du cinéma, des arts plastiques?

Quel avenir pour Glaz?Art ?

Notre volonté aujourd?hui est d?en faire un lieu plus grand. Nous sommes aujourd?hui à 300 places, et on a absolument besoin de passer à 600 places. Pour arriver à une certaine autonomie de fonctionnement et pouvoir répondre à une demande plus large et également plus diversifiée. Nous connaissant, nous, de l?intérieur, on sait que l?on est avant tout des passionnés. Mais on a besoin de plus de places, afin de promouvoir des artistes exactement comme on le fait aujourd?hui, mais afin de pouvoir suivre les artistes. On a des frustrations. Je prends l?exemple de Dionysos. Ils sont arrivés à Paris et ont demandé à être programmé. Nous sommes la seule salle à les avoir fait jouer. Mais aujourd?hui, ils remplissent un Elysée Montmartre, voire un Zénith. Alors malgré le fait qu?ils se souviennent du fait que nous ayons été les seuls à les faire jouer, il est évident que nous n?avons pas la place nécessaire pour les accueillir. Je ne leur en veux pas. Il faut comprendre qu?à un moment ils sont dans une perspective d?évolution de leur groupe, de leur carrière, de leur public, et que passer dans une salle de 300 places, il y a un moment où ça ne veut plus dire spécialement grand chose. Et pour nous, je le répète, c?est vraiment une source de frustration. L?objectif est donc maintenant l?agrandissement. Et bien sûr continuer à intégrer les différents arts et courants artistiques.

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