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Interview de La Fine Équipe

Interview de La Fine Équipe

Quand on écoute la Boulangerie III on ne repère pas forcément la personnalité de chacun, du coup pourriez-vous décrire chacun des membres simplement, qui fait quoi, qui est qui ?

Ugo: En live on a tous des rôles spécifiques, pour faire simple Chomsky fait toute la partie plus rythmique avec les pads, il envoie quelques samples et il fait aussi la partie synthé. Gib il fait toute la partie scratch tout ce qui est à base de vinyle, tout ce qui est un peu dj traditionnel. Et moi au milieu j’envoie toutes les séquences, tous les effets, les enchaînements de morceaux, les pistes, etc…

 

Donc ça, c’est en live et pour la composition ?

Ugo: Dans la production on fait tous un peu tout. On n’est pas comme un groupe de rock traditionnel, de toute façon ça n’a plus de sens de dire ça… Nous on est un groupe de dj beatmakers donc on est tous derrière les machines, on joue des drums, on fait des samples, on compose des mélodies, on cherche des vinyles… Chacun compose des sons de son côté. Pour faire simple c’est Chomsky le plus productif, celui qui fait le plus de base de sons. Moi je fais souvent des arrangements, je vais construire le morceau, trouver un refrain ou autre. Gib va rajouter toute la partie scratch, etc… Mais bon ça c’est pour faire une généralité. Et après pendant les repet’ on vient tous avec nos morceaux et on repasse le tout à la moulinette ensemble.

 

Du coup vous êtes un groupe d’électro, ce qui est plutôt rare finalement, puisque le principe de la MAO c’est de pouvoir tout faire tout seul. Vous ne vous voyez pas bosser chacun de votre côté ?

Chomsky: Finalement c’est un peu ce qu’on fait, on fait chacun nos sons, on retravaille ça ensemble et on sort tout sous le nom de La Fine Equipe.

 

Au début vous laissiez les noms de chacun, que ce soit sur la 1 ou la 2, mais maintenant tout est sous « La Fine Equipe », pourquoi ? 

Chomsky: Au début on voulait montrer la pluralité des beatmakers, le nombre d’invités. Mais maintenant, surtout depuis qu’on tourne, on axe tout sur la Fine Equipe.

Gib: Et puis ça nous fait plus marrer d’être ensemble, de tout faire ensemble.

 

On ressent aussi de nombreuses influences, dans la Boulangerie 3, c’est dû au fait que vous êtes 4 et que chacun a un style un peu différent ou est-ce que vous êtes tous dans le même mood et que vous aimez simplement varier tous ensemble ?

Chomsky: On est dans le même mood dans notre consommation de la musique et dans une certaine qualité de la musique, mais après on écoute des choses différentes, y’a pas de barrières du style, c’est plus une approche dans le groove ou dans les sonorités.

Gib: On a une base commune ne serait-ce que les musiques qui nous ont fait grandir, avec lesquelles on a évolué. Et on échange beaucoup, on s’auto-influence tous, entre la musique qu’on écoute et la musique qu’on fait.

Chomsky: Ce qui est cool avec le sampling c’est que dans chaque style t’as un truc, et il faut repérer la boucle, le moment intéressant. Et en fait on se reconnaît plus dans ça que dans un style particulier.

 

Vous aimez mêler différents styles dans un même album, mais j’ai aussi remarqué une évolution assez conséquente entre votre première boulangerie et la dernière. On voit mal un Make U Greedy sur la première…

Gib: Ça aurait été visionnaire. Ça aurait été bien, mais visionnaire ! (rires)

 

Et du coup c’est guidé, ou est-ce que vous vous laissez porter ?

Chomsky: En fait c’est naturel, il y a 6 ans entre les albums.

 

Après y’a certains sons qui reviennent comme à la première…

Ugo: On a notre base traditionnelle, et après on évolue avec les musiques qu’on écoute, avec notre propre évolution, la scène électro a énormément évolué.

Gib: À l’époque de la Boulangerie 1, la grosse influence c’était J Dilla, on avait mangé l’album Donuts dans tous les sens. Pour la Boulangerie 2, ça avait déjà évolué un peu plus, et la 3 c’est le résultat de toute cette scène de Beatmakers qui explose, des mecs comme STWO, Fakear, Kaytranada, tous ces gars-là qui existent en tant que beatmakers, qui à l’époque auraient eu plus de mal, ou auraient bossé pour des rappeurs. Quand la boulangerie 1 est sortie, c’était un truc un peu hybride, ça sortait de nulle part.

Chomsky: Personne ne s’intéressait vraiment à cette scène-là.

Ugo: Et c’est aussi surtout le fait d’avoir beaucoup tourné, d’avoir fait beaucoup de concert, qui nous a fait évoluer, avec nos petits voyages vers des musiques plus électro, on a pas mal joué en club. Nos projets parallèles aussi, mais finalement c’est le temps qui a fait tout ça.

 

Tout simplement, pourquoi la boulangerie ?

Chomsky: C’est en hommage justement à J Dilla et son album Donuts qu’il a sorti juste avant de mourir. Donc c’est le Donuts français, pour lui rendre hommage.

 

On doit s’attendre à une boulangerie 4 ou vous pensez changer de thème ?

Gib: Il y a peu de chances. Ça restera la trilogie des boulangeries !

 

Et vous pensiez en faire une trilogie dès le début ?

Gib: nous quand on a sorti la boulangerie 1, et c’est pour ça qu’il y a autant d’invités et autant de morceaux, on n’imaginait même pas en sortir une autre. C’était même: « si on doit sortir un seul album alors autant remplir le cd, autant inviter le plus de potes possible ».

 

Vous incluez aussi, depuis le début, des bandes-son de films dans vos disques, j’ai repéré Marielle, Blier et d’autres, c’est ça le cinéma que vous aimez ?

Gib: C’est les films qu’on kiffe, mais c’est aussi parce que ça illustre super bien le propos de la boulangerie, le délire autour de la bouffe.

Chomsky: C’est vrai que Marielle c’est la mascotte de notre boulangerie.

Ugo: Pour la Boulangerie 3, c’est clair que c’est Marielle, avec ce côté entre bouffe, sexe, et trucs frais très français, avec l’accent, etc…

 

Ok, et maintenant est-ce que vous pouvez me donner trois sons ? D’abord, celui que vous préférez jouer en live. 

Chomsky: Pour moi c’est Make U Greedy

Gib: Rush Our même si ce n’est pas du tout le son d’une boulangerie.

Ugo: Moi j’aime bien faire Eat U à la fin, c’est le moment où on passe tous devant, c’est la petite explosion de champagne !

 

Après, ceux que vous aimez mettre à fond dans la bagnole ?

Ugo: Ce serait des trucs comme A Tribe Called Quest, ou Slum Village (Fantastic Volume).

Chomsky: Moi y’avait le son So invincible de Kazi.

Gib: Moi je suis à fond sur le nouvel album de Guts, c’est du bon Hip Hop, très bien produit, à l’ancienne.

 

Et enfin, celui pour aller à la boulangerie le matin un lendemain de soirée ?

Chomsky: Un truc d’Harry Nillson,  Nevertheless surement ! (rires)

Ugo: La soirée est finie, tu vas à la boulange’ pour te manger un petit morceau avant de te coucher, et là qu’est-ce que tu pourrais te mettre dans les oreilles ?

Gib: Les Gymnopédies de Satie, c’est hyper simple et hyper beau… J’adore Satie.

Ugo: Moi perso, je me mets toujours un morceau de Slum Village, toujours dans Fantastic Volume 2, ça marche toujours.

Gib: Non sinon pour les lendemains de teuf y’a toujours le projet du gars qu’a repris les instrus de Jay D, Miguel Atwood Ferguson: Format Duke ça s’appelle, si tu ne connais pas écoute, c’est énorme ! Ce sont les morceaux de Jay D joués par un orchestre de 60 musiciens.

 

Et sinon on peut parler un peu du label, pourquoi avez-vous eu besoin de créer le votre ?

Ugo: C’était pour être indépendant au départ. Déjà il n’y avait pas spécialement de label qui pouvait nous convenir, le premier label qui nous a sorti la boulangerie 1 s’appelait Just Like.

Chomsky: Il a fait faillite suite à ça. (rires) Y’a eu une malédiction.

Ugo: Y’avait BBE qui faisait un peu ça en Angleterre, mais voilà nous c’était pour pouvoir sortir ce qu’on voulait quand on voulait et comme on voulait.

Chomsky: En fait on l’a créé pour l’album Fantastic Planet, c’est un album qui est passé un peu inaperçu.

Ugo: Donc pour résumer, c’était pour se produire, être indépendant et réunir les artistes qu’on aimait.

 

C’est quoi la prochaine étape pour le label ?

Ugo: Développer, continuer à produire d’autres artistes. On commence à avoir de beaux projets, et ça nous rend super fiers. On sent qu’il y a une famille qui se crée autour de nous et c’est énorme. Le label Nowadays ce n’est pas un style de musique, c’est plus une façon d’être. On essaye de faire des choses bien avec des gens bien, et on est contents, ça va assez lentement, mais c’est en train de prendre de bonne proportion et on a des gens qu’on aime beaucoup autour de nous.

Chomsky: On travail comme des artisans, on a envie d’un truc maison, fait main, un truc tranquille, on voulait être notre propre boss, avoir nos horaires, c’est histoire de créer notre vie cool.

Gib: Et même si c’est un peu dur, si ça prend un peu plus de temps, c’est toi qui fais ton truc ! Et on est parti avec la boulangerie, et là on continue avec Fakear, Yann Kesz… On aurait aimé qu’il y ait un Nowadays quand on a commencé.

 

Et comment vous expliquez la présence de cette scène de beatmakers, aussi importante en France ?

Ugo: C’est un pays ou y’a eu beaucoup de Hip Hop, tous les gens écoutent du Hip Hop, on a cette culture-là. Et en même temps on a une grosse scène électro qui s’exporte pas trop mal avec Daft Punk, Justice, etc… Donc le mélange de tout ça fait qu’on a une jolie scène de producteurs, qui sont à la base des producteurs de Hip Hop et qui font de l’électro, et qui commencent à s’exporter, et c’est pour ça qu’on a cette jeune scène qui commence à grandir. Et ça fait plaisir !

 

Et de là a devenir «  » » » Mainstream «  » » » ?

Gib: Bah si le grand public embrasse la musique qu’on leur propose…

Ugo: Pour moi le fait de sortir de la France ça ne va pas forcément avec l’idée de Mainstream. Il y a quelques artistes, je pense notamment à Onra, qui s’est exporté, mais dans plein de petites scènes dans chaque pays qui le suivent, et du coup quand tu regardes au niveau international, c’est un mec qui est bien suivi.

Chomsky: Tout est tellement connecté que tu peux réussir à vivre de ta musique, t’exporter, voyager sans pour autant être mainstream et passer dans les médias classiques. Rien qu’en France, qui est un petit pays, nous on arrive à en vivre, on part tous les week-ends pour jouer. Ça reste en France, mais y’a moyen de faire beaucoup de choses !

Gib: Et puis y’a des conditions techniques, franchement en France ça ne rigole pas ! L’équipement des salles, par rapport à l’Angleterre où c’est ghetto, ici c’est hyper confortable.

Ugo: Donc c’est l’idée pour nous de sortir un peu, pour l’instant on est allés en Grèce, en Hollande, au Brésil, etc… Et les Etats-Unis on aimerait bien évidemment.

 

Sinon vous aimez bien faire des collaborations, ça c’est facile à remarquer, et du coup est-ce qu’il y a des artistes avec qui vous n’avez jamais eu la possibilité de bosser, mais qui vous tentent bien ? 

Ugo: Il y a un mec qu’on n’a pas eu dans la Boulangerie, mais qu’on aime beaucoup, c’est STWO. Il nous avait envoyé un son et finalement ça ne s’est pas fait, mais là il vient de partir au Canada, il est en train de faire une belle carrière et ça aussi ça fait plaisir. Il a des beaux projets là-bas. Mais sinon y’en a tellement, évidement Kaytranada, plein de jeunes beatmakers, mais aussi des rappeurs. Le rappeur de A Tribe Called Quest, ce serait magique. Et pour prendre un mec énorme, presque inaccessible, ce serait Pharrell Williams. Mais pour revenir dans la réalité, il y a tellement de monde.

Chomsky: Y’a la scène japonaise aussi qui émerge, ils sont vraiment talentueux. Le kiffe ultime ce serait d’exporter la Boulangerie par pays: dans chaque pays une boulangerie avec les artistes locaux !

 

À la fin de chaque interview, je demande aux artistes s’il y a un thème qu’ils aimeraient aborder pour sortir un peu de la musique. Fakear m’a parlé du teaser de Star Wars 7 par exemple. Du coup s’il y a une question que je ne vous ai pas posée, que personne ne vous a jamais posée et que vous aimeriez qu’on vous pose, c’est le moment !

Chomsky: Bah ça pourrait être, comment tu fais ? C’est quoi ton secret ? (rires)

 

Et donc c’est quoi ton secret ?

Chomsky: Mon secret justement c’est un secret hein.

Gib: Non, mais sinon on ne nous a jamais proposé à la fin d’une interview d’aller acheter des disques ou un truc comme ça.

Ugo: Ce qui est cool aussi des fois c’est de vraiment débattre sur des musiques en les écoutant pendant l’interview, ça j’aime beaucoup.

 

Leur dernier clip est disponible depuis quelques jours.

 

 

Interview réalisée à Paris, février 2015.

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