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Ce 02 Novembre avait des allures de 14 juillet, non pas pour le climat mais pour la sur-représentation de groupes français à l’affiche : Owlle, La Femme et Concrete Knives encadrant la tête d’affiche WU LYF.
On avait pu juger Owlle sur pièces récemment (1ère partie d’Apparat) et la performance de ce duo électro-pop mené par une rousse flamboyante aux faux-airs de Florence Welsh (une comparaison à laquelle elle n’échappera malheureusement pas) et l’on en gardait un souvenir suffisamment flou pour ne pas avoir envie de réitérer l’expérience. Autant prendre son temps pour rejoindre la Cigale et arriver juste à temps pour voir monter sur scène les Normands de Concrete Knives.
Le contraste entre leur apparente jeunesse et leur maîtrise de l’exercice de la scène est toujours aussi bluffant. Rien ne paraît les intimider, à commencer par Morgane, petit bout de femme à l’énergie communicative, qui finira comme souvent par un bain de foule, portée en triomphe par un public conquis par les sonorités électro-pop/math-rock d’un groupe dont on a pas fini d’entendre parler.
En parlant de groupe dont on a pas fini d’entendre parler, voici que La Femme débarque sur scène sous les vivas. Le groupe de Biarritz a déjà une solide base de fans alors qu’il n’en est qu’à ses prémices. Pour l’occasion (?), les 6 membres du groupe se sont teints les cheveux en blond platine, arborent t-shirt blancs et lentilles de couleur. Visuellement ça fait son petit effet, esthétiquement c’est plutôt raté. La Femme a (heureusement) d’autres cordes à son arc et notamment une jolie collection de tubes devant lesquels il est difficile de rester immobile. C’est notamment le cas de Sur la Planche et Télégraphe, derrière lesquels on sent l’influence de la new-wave française des années 80 (Jacno, Taxi Girl) ou encore d’un From Tchernobyl With Love affublé de masques à gaz. 2012 sera l’année de La Femme ou ne sera pas.
C’est l’heure de la traditionnelle entracte musicale que l’on écoute souvent d’une oreille distraite voire de façon bruyante. Il faut dire que la faveur faite à ces artistes a tout du cadeau empoisonné : jouer, souvent seul, devant une assistance pas forcément très réceptive, la plupart du temps partie se ravitailler au bar ou faisant la queue aux toilettes…Quand on a vu débarquer la grande carcasse de Rover, on a souri et on s’est dit qu’on allait encore une fois bien « se marrer »…et ce fut tout le contraire qui s’est produit. On a très vite été subjugué par cette voix de falsetto et ce son de guitare un peu crade sur Aqualast et Tonight, à l’image du public de la Cigale qui a peu à peu éteint ses conversations pour écouter cet Objet Vocal Non Identifié. Une belle surprise.
C’est l’heure de WU LYF, le clou annoncé de la soirée, le groupe dont la presse nous a rabattu les oreilles pendant plusieurs mois, qui refusait les interviews, la comm’…mais qui était en couverture de tous les magazines. Allez comprendre. Le quatuor mancunien entre en scène tel des gladiateurs dans une arène survoltée. Les membres de la LYF (Lucifer Youth Fondation), aisément reconnaissables à leurs foulards blancs qui leur donnent accès à tous les concerts du groupe pour un euro, ne sont pas les moins bruyants pour acclamer Ellery Roberts & co. Pendant près d’une heure, WU LYF va justifier sa flatteuse réputation scénique. Les termes de communion, de messe, reviennent souvent dans la bouche de ceux qui ont assisté à un concert du groupe de Manchester et c’est vrai qu’il y a un peu de ça. On a par contre du mal avec le côté « bling-bling punk » qu’essaie de se donner le groupe : vraie-fausse voix éraillée, messages politico-philosophiques ridicules, un côté un peu poseur…Pas de quoi gâcher le ressenti général plutôt très positif à l’écoute de We Bros, de Cave Song…ou de la reprise du Wicked Game de Chris Isaak, mais le groupe va devoir trouver autre chose pour créer le buzz à l’avenir car ce genre d’artifices ne marche qu’une fois.
La soirée s’achève et on suit le flot du public vers la sortie de la Cigale, tandis que La Femme a investit le stand merchandising, prêt(e)s à tout pour vendre ses t-shirts, même à montrer ses seins…
Début novembre. Début du froid, des fins de journée plongées trop tôt dans l’obscurité… et du traditionnel festival Inrocks/Black XS. Sur le papier, que des valeurs sûres que nous avons pu applaudir lors de tous les grands évènements de cet été. Mais parmi celles-ci, une soirée un peu différente, peut-être plus confidentielle, placée sous le signe de l’éclectisme et de la qualité.
De Jamie N Commons nous n’aurons pas entendu grand-chose, à l’exception des derniers titres. Avec sa voix de crooner qui a l’air d’en avoir vu défiler des vertes et des pas mûres, la comparaison avec Johnny Cash ne se fait pas attendre. Mais sous ses airs de clochard céleste, nous ne pouvons pas dire que son set décolle vraiment. C’est donc sans grands regrets que nous finirons le set au bar à goûter la cuvée spéciale Inrocks/Black XS (!), pas meilleure mais plus efficace que JNC pour se mettre en jambe.
En revanche, impossible de perdre une miette de la performance très attendue d’un certain Hanni El Khatib. Et pour cause, c’est le niveau zéro de la sophistication qui marche encore le mieux : une guitare, une batterie, et puis c’est tout. Sans détour aucun, le rock’n’roll abrasif et nerveux du duo brûle nos tympans et nous ramène un demi-siècle en arrière : gomina, blouson noir et cadillac. Des accents délicieusement fifties, un rythme brut, le martèlement de nos pieds sur le sol moite et, le clou du spectacle, le titre phare, Dead Wrong, repris en chœur par un public averti.
Aucune trêve possible dès lors que le grand Saul Williams investit la scène. C’est le grand sursaut, amorcé une heure plus tôt par HEK. Après du folk pour cowboys torturés, du rock pour mauvais garçons, c’est le tour de la fusion pour auditeurs désœuvrés en mal de diversité. Fusion parce que le propre de sa musique réside dans le mélange peu commun entre un chant hip-hop, voire improvisé au gré des slams, posé sur des bases électr(on)iques. Et avec un charisme comme le sien, c’est dans la poche. Il faut dire que le chaman est habité, attention, il mouille la chemise et ne fait pas semblant. Le public suit le mouvement et le show devient très vite le plus fou.
À Timber Timbre d’essuyer l’inconvénient de passer en dernier, soit le brouhaha des festivaliers indisciplinés et déjà blasés. Le rideau se lève, quelques notes de clavier s’envolent, un souffle chaud : « there’s a hair on the bed, the clock has stopped ticking ». Le temps s’arrête. Le gracieux Bad Ritual résonne et fait place nette pour un envoûtement imminent qui suit la ligne d’un répertoire composé surtout de titres piochés dans ses deux derniers albums. Un peu gothique, un peu folk, un peu psyché, il est bien difficile de définir la musique du trio canadien. Après tout, si l’émotion nous étreint puissamment, pourquoi s’embêter ? De même, nous ne l’entendrons pas beaucoup s’épancher, ce qui est tout à son honneur. Ce sorcier n’est pas homme à en faire des caisses et il a raison car tout est là, tout était parfait.
En ce dimanche 06/11/11, la grande aventure Inrocks/Black XS touche à sa fin ; la dernière ligne droite est amorcée avant de se donner rendez-vous l’année prochaine. Du coup, ne boudons pas notre plaisir, c’est la fête chez grand-mère, pas moins de cinq groupes se succèdent ce soir sur la chaleureuse scène de la Cigale, qui chantera tout l’automne…
Lorsque les quatre extra-terrestres de Django Django montent sur scène, avec leur dégaine venue d’un autre monde, nous savons d’ores et déjà qu’ils auront beau remuer dans tous les sens, ce sera cuit. La star de la soirée, c’est le candidat suivant… Peu importe, ils sont là, ils y vont. Le show s’ouvre sur Love’s Dart et le public fait de la résistance. Les morceaux défilent (Storm, Fire Water, Skies Over Cairo) et une conclusion s’impose : ils ont tout piqué. Et à tout le monde, les goujats : la posture sixties des Garage bands, les drogues psychédéliques des seventies, les attitudes rigolardes et décalées des eighties. L’ensemble est curieux, la musique truffée de bizarreries bruitistes, les rythmes se font presque tribaux et le chant s’en tient à une ligne conductrice « hypnotique ». Un sans faute, même si l’immobilisme frigide d’un public biberonné à l’électro aurait gagné à être davantage bousculé.
En direct de l’écurie Ed Banger, faites du bruit pour SebastiAn. Puis votez pour lui pendant qu’on y est. Présidentielle oblige, le show se fait putassier, racoleur. Une tribune sur laquelle se perche un dj d’un cynisme et d’une suffisance rares, si hors de propos, des drapeaux représentants le symbole S façon dictateur incrusté au beau milieu de la France et, surtout, pas cinq minutes de répit sans voir sa gueule ou son blaze. Un matraquage de pair avec un mix lourdingue surpuissant d’inintérêt, taillé pour des dancefloors douteux. Et la foule de fidèles moutons de nager dans le délire le plus total (comme un album un peu plus digne du nom), acclamant l’homme le plus boursouflé et imbus de lui-même de toute la scène électro. Le culte s’instaure de même que l’incompréhension. Dieu est là, les amis, ne cherchez plus… Ou sa caricature vivante. Si seulement l’ironie était palpable, peut-être aurions nous trouvé ça nul. Là, c’est franchement lamentable. Peu importe, l’opération promotionnelle est réussie mais nous ne voterons pour SebastiAn ni en 2012 ni en 2013. Et qui blâmer du public ou de l’animal ?