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Violent Femmes


Un album de sorti en chez .

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La jeune histoire du rock et plus généralement l’histoire de la musique populaire depuis cinquante ou soixante ans montrent clairement la formidable capacité d’assimilation, d’absorption, pourrait-on écrire, des artistes qui n’hésitent pas à s’approprier l’héritage de leur prédécesseurs pour construire leur œuvre. Ainsi il serait possible de mesurer l’importance d’un groupe à l’aune de la […]

La jeune histoire du rock et plus généralement l’histoire de la musique populaire depuis cinquante ou soixante ans montrent clairement la formidable capacité d’assimilation, d’absorption, pourrait-on écrire, des artistes qui n’hésitent pas à s’approprier l’héritage de leur prédécesseurs pour construire leur œuvre. Ainsi il serait possible de mesurer l’importance d’un groupe à l’aune de la fréquence à laquelle on ressent son influence dans tel ou tel album, dans telle ou telle chanson… En appliquant une mesure systématique de ce type, nul doute que les Violent Femmes apparaitraient en bonne place dans le peloton de tête des vénérables aînés de tout un pan du rock indépendant (principalement américain).

Moins considérés en France que certains de leurs contemporains, les Violent Femmes sont trop souvent résumés sous nos latitudes à une influence majeure de Louise Attaque – dont Gordon Gano a été le producteur. Avec tout le respect que l’on doit au groupe de Gaëtan Roussel et si l’on ne peut nier l’importance au moins commerciale de Louise Attaque dans le paysage rock français, c’est tout de même un rien réducteur. Parmi d’autres citations notables, on retient des apparitions récurrentes dans la série « How I Met Your Mother » où deux personnages font de Good Feeling la chanson officielle de leur couple. Enfin le titre Gone Daddy Gone est en général plus connu chez nous dans la version electro-soul des Gnarls Barkley. Bref, si le groupe est fréquemment cité, son legs semble dissous dans un mainstream un rien tiédasse. Il faut peut-être y voir la conséquence d’une discographie très inégale et surtout en baisse quasi-constante depuis leur premier album platiné et canonisé. L’écoute de ce mythique premier essai peut donner d’autres pistes d’explication : se pourrait-il que même ce manifeste ait été un rien surestimé ?

Première observation : le son paraît étriqué, sans ampleur, la faute peut-être à un pressage CD de médiocre qualité, peut-être également à une production dans les standards college-rock de l’époque, avec un accent marqué sur les aigus et des basses peu présentes (malgré l’activité effrénée de Brian Ritchie, les lignes de basse sont en général marquées par un son sec, plus claquant que rond). Après tout, on retrouve certainement ici le son des eighties, c’est ça – et l’on peut ressentir des impressions similaires à l’écoute des disques de Hüsker Dü ou des Replacements.

Le style ensuite : les Violent Femmes ont souvent été considérés comme les parangons d’un style qu’ils ont défini à eux seuls, un mélange de folk et de rage issue du punk. Punk, cet album l’est bien plus dans l’esprit que dans la lettre, bien plus dans son approche brute de décoffrage, souvent approximative et brouillonne (écouter par exemple le passage final de Add It Up) que dans la composition. Les chansons des Femmes sont rythmées, énergiques mais n’ont en rien la violence caractéristique du punk. En revanche, cette sobriété dans l’habillage musical, cette économie de moyens sensible dans la production, cette nervosité dans l’interprétation donnent à l’album un sentiment d’urgence qui dérive bien de l’esprit punk. Clé de voute de cet édifice, la voix de Gordon Gano, nasillarde, un peu pincée, crispée par moments, contribue à l’impression artisanale que le disque renvoie, avec parfois d’étranges accents de Talking Heads qui auraient délaissé la ville. Même si le style pratiqué et l’esprit en sont très éloignés, on pense aussi au Velvet, référence indépassable des prêcheurs du « Do It Yourself ».

A l’arrivée, que reste-t-il des Violent Femmes ? Ce premier album demeure globalement un excellent disque, c’est indéniable, marqué par un niveau d’écriture rare. Pourtant on hésiterait avant de le répertorier parmi les rares classiques des années 80 ; malgré ses qualités, avec près de 30 ans de recul, il ressemble plutôt un coup d’éclat isolé, loin de jouir d’une descendance aussi riche que les œuvres d’autres grands noms du rock indépendant américain de l’époque, de Sonic Youth à R.E.M. en passant par Hüsker Dü ou les Replacements.

Chroniqueur
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