40 ans de carrière, toujours pas dépassés
Né de l’éruption punk britannique à la fin de seventies, Wire, toujours frais comme un gardon, nous revient le 14 avril avec un nouvel album éponyme. Parmi les artisans de la première mutation du punk, ils peuvent ainsi s’enorgueillir d’être une influence majeure pour nombre de mastodontes de l’indé (Franz Ferdinand, Interpol). Mais alors, après quoi peut bien encore courir un groupe avec un tel CV? Que l’on adhère ou pas à sa philosophie, Wire a toujours mis en exergue son engagement politique basé sur le situationnisme (Wikipédia pour les curieux), et cette intégrité, comme un rempart à l’embourgeoisement, les a certainement préservés d’une vieillesse pantouflarde. Ce refus de la petite mort s’accompagne fort heureusement d’une certaine prise de risque musicale omniprésente, qui nous amène donc à ce quatorzième (!!!) album.
Quid donc de cette nouvelle ambiance? S’appuyant sur les bases post-punk shoegaziennes du groupe, « Wire » dès le premier titre, annonce la couleur électro de l’album. Est-ce une batterie ou une boîte à rythme, des pédales d’effets ou du travail « computé »? Ces questions et leurs corollaires accompagnent l’écoute de cette nouvelle production. Particulièrement synthétique donc, que ce « Wire ». En tant qu’adepte de blues devant l’éternel, on pourrait présenter cet opus comme de l’anti blues par excellence: c’est froid, ultra produit, les mélodies sont à la fois complexes et volontairement mornes.
La voix de Colin Newman, n’est pas sans évoquer le spectre pop discret d’un J.Mascis (Disonsaur Jr.) à la fois monotone, en retrait et dans lequel, pourtant, on ressent la rupture proche. Associé à l’environnement harmonique, le brin détaché du timbre colle une ambiance à la limite du lyrisme gothique.
Au final Wire et son album « Wire » se ré invente sans se ré inventer: la production jouit d’effets des plus modernes, ce qui permet l’exploration de nouveaux horizons, mais on reste clairement dans le giron des « eighties romantiques », il y a de plus détestables couffins. On est devant un bel ouvrage pour fan du genre, certainement plus inaccessible qu’un Franz Ferdinand ou qu’un Interpol, car moins rock. Il s’agit d’un disque pour adeptes des ambiances lourdes et froides. Le public moins ciblé naviguera certainement plus entre la perception vague d’une belle oeuvre artistique et l’incapacité de vraiment rentrer dedans. Au risque de déclencher la foudre divine, Wire préserve tout de même l’étincelle, le petit supplément d’âme qui manque cruellement à certains de ces disciples (susnommés) qui se perdent bien souvent dans les méandres de la désincarnation. Toujours à la limite, « Wire » maintient l’éveil de l’auditeur avec un brio à noter.
S’il ne devait en rester qu’un titre : In Manchester.
Tracklist
- Blogging
- Shifting
- Burning Bridges
- In Manchester
- High
- Sleep-Walking
- Joust & Jostle
- Swallow
- Split Your Ends
- Octopus
- Harpooned