"> Interview de Lali Puna - Indiepoprock

Interview de Lali Puna

Signé sur le label Morr Music, Lali Puna est l?un des plus groupes les plus talentueux issus de la scène electro-pop allemande. Formé autour de Markus Acher, par ailleurs guitariste de The Notwist, et de Valerie Trebeljahr, chanteuse d?origine coréenne, il prépare actuellement son troisième album. Indiepoprock a rencontré Valerie, après un concert énergique donné au Triptyque, à Paris.
Très disponible et posée, elle nous a parlé, en vrac, du prochain album, des collaborations de Lali Puna et des ressorts de son écriture, avant de se lancer dans des propos plus réfléchis mais passionnants : il sera question, à la fin de cette interview, de compromis, d?indépendance artistique et de contact avec le réel.

Vous n?êtes pas véritablement en tournée, vous avez juste joué deux dates en France. Pourquoi ?
Oui, nous avons joué uniquement à Colmar et puis ce soir, à Paris. En fait nous avons joué ici parce que le Triptyque et les organisateurs du concert ont vraiment insisté pour que l?on vienne. Sinon nous ne l?aurions pas fait, car nous n?avions pas vraiment le temps puisque nous enregistrons un nouvel album. Mais finalement c?était sympa.

Et quelles sont vos impressions après ces deux dates ?
C?était bien ! Pour Lali Puna, c?est toujours agréable de jouer en France parce que nous sommes plus reconnus en France qu?en Allemagne. Je ne sais pas pourquoi, Morr Music a une plus grande notoriété en France qu?en Allemagne. Pas dans toute la France. Mais au moins dans les grandes villes. C?est vraiment bizarre. Peut-être que notre musique ne sonne pas suffisamment « allemande »?

Ce soir vous avez joué des nouveaux titres. Ils sont beaucoup plus rock !
Oui, nous en avons joué trois. C?est difficile, parce que, surtout en France, le public aime ce son Morr Music, ce son « indietronic » assez peu rock. Mais nous avons déjà exploré ce style dans nos deux premiers albums, donc nous voulions changer.

Cette nouvelle tonalité s?appliquera-t-elle à la totalité du prochain album ?
Il y aura deux facettes dans l’album, un côté rugueux et un côté très calme. Mais l?ensemble de l’album sera marqué par notre désir de faire des chansons, beaucoup plus qu?auparavant.

Sur scène, pourquoi ne jouez-vous pas avec un guitariste pour exprimer totalement cette direction ?
Nous y avons pensé. Nous nous sommes demandé si nous devions tourner avec un cinquième membre, un guitariste. Il y a quelques temps, nous avons fait une tournée avec Console, The Notwist, Ms John Soda. Il y avait tant de musiciens présents, que nous avons pu jouer avec un guitariste en particulier et c?était très intéressant. Mais c?est aussi une question d?argent. Nous prenons souvent l?avion et plus on est nombreux, plus c?est cher. D?autre part, c?est vraiment propre aux groupes rock d?avoir un guitariste en concert. Donc cela nous semble amusant d?aller dans cette voie-là sans recourir à un guitariste. Mais nous utilisons quand même des samples de guitare sur scène. Et puis Markus, notre bassiste, joue assez haut, ce qui donne parfois des sonorités de guitare.

Ce soir, les titres que vous avez interprétés étaient plus étirés que d?habitude. C?était délibéré ?
Les anciennes étaient assez longues, oui, mais les nouvelles chansons sont très courtes. La dernière que nous avons jouée ne faisait même pas trois minutes. Et c?est embêtant, parce que pour l?enregistrement du nouvel album nous n?avions que des titres de deux-trois minutes. Il en a donc fallu beaucoup pour faire un disque entier !

Quand l’album sera-t-il terminé ?
Il est terminé. Nous allons le masteriser la semaine prochaine. Ensuite nous ferons un break et le disque sortira début avril 2004.

Tu chantes en anglais et parfois en portugais. As-tu déjà essayé de chanter en allemand ou en coréen ?
Non. Pour commencer, je ne parle pas coréen. Ensuite je ne veux pas chanter en allemand, parce que ce n?est pas du tout une langue mélodique. Le portugais aussi est difficile à chanter. J?ai vécu au Portugal pendant dix ans et les chanteurs pop ont du mal à chanter dans leur propre langue là-bas. C?est la même chose en allemand. Quand j?écris les textes de nos chansons, je les pense en anglais et je ne veux pas les traduire. Je ne pourrais même pas imaginer des textes en allemand.

Depuis la sortie de « Scary World Theory », vous avez fait plusieurs collaborations. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Nous n?avons pas fait tant de collaborations que cela. Nous avons travaillé avec Two Lone Swordmen, avec qui nous avons échangé un remix. J?ai aussi chanté pour Radioactive Man, qui est un projet solo de Two Lone Swordsmen, et pour Static, qui est un musicien allemand de Berlin. En fait nous travaillons vraiment lentement, donc nous n?avons pas tellement le temps de nous disperser. Nous avons passé beaucoup de temps sur cet album.

Les chansons du nouvel album ont-elles été composées il y a longtemps ?
Non, elles sont vraiment nouvelles. Nous avons commencé à enregistrer en juin. J?avais 7 chansons de prêtes et nous en avons mis 3 de côté. Donc j?ai du en écrire encore et encore. Nous avons beaucoup composé pour cet album mais nous n?avons pas tout utilisé car tout ne convenait pas.

Vous avez fait évoluer vos anciens titres sur scène?
Oui, parce que notre batteur habituel ne pouvait pas jouer l?année dernière. Il tournait beaucoup avec Console. Nous avons alors engagé un autre batteur. Nous avons donc du jouer avec plusieurs batteurs différents, et les chansons ont automatiquement évolué. Et maintenant nous avons un nouveau membre qui travaille beaucoup avec le laptop donc cela a changé encore un peu plus avec lui.

Les chansons sonnent vraiment différemment !
J?espère qu?elles sont différentes ! Ce n?est pas intéressant de faire toujours les mêmes sons. Personnellement, je n?écoute plus tellement ces musiques électroniques sans voix parce que je veux entendre des chansons, des idées derrières les morceaux. Il y a quelques temps, on trouvait beaucoup ce son « indietronic », ces structures électroniques instrumentales et c?était intéressant. C?est difficile à expliquer en anglais, mais je crois que tout ça a déjà été trop fait pour le moment.

Tu as déclaré que tu aimais beaucoup « Kid A » de Radiohead parce que c?était un album pop mais suffisamment complexe pour que l?on puisse l?écouter des dizaines de fois. Tu cherches à reproduire cet effet avec la musique de Lali Puna ?
C?est difficile de comparer Radiohead et Lali Puna, c?est hors de question. Mais bien sûr, cela devrait être le but de tout disque, de pouvoir être écouté sans fin et de permettre à l?auditeur de découvrir quelque chose de nouveau à chaque écoute. Radiohead a vraiment une façon particulière de faire de la musique. Pour moi, « Kid A » correspond à cela. C?est vraiment un grand disque.

Les membres de Lali Puna ont beaucoup de side-projects, ce n?est pas trop difficile de vous réunir pour jouer ensemble ?
Non, ça va. Il y a eu quelques problèmes quand le dernier disque de The Notwist est sorti, « Neon Golden », tout le monde voulait jouer en live. Mais on s?est arrangé, parce que Micha de Notwist ? le frère de Markus ? a deux enfants donc il ne veut pas être sur la route toute l?année.

Toi-même, tu ne t?impliques pas dans des side-projects ?
Non, car pour cela tu dois être un assez bon musicien et avoir un spectre suffisamment large pour jouer dans plusieurs groupes. Moi j?ai un seul projet, je crois que je n?ai pas la variété requise pour jouer dans différentes formations. Mes paroles sont typiquement Lali Puna. Je ne pourrais pas écrire de textes pour un autre groupe, parce que ça ne serait pas Lali Puna. Et je ne suis pas une très bonne musicienne. Je peux jouer ce que je compose, mais j?ai essayé de jouer dans le groupe d?un ami. Ils m?ont donné les notes et je ne pouvais pas jouer, c?était trop difficile.

Quand vous avez travaillé avec Bomb The Bass, vous n?avez pas travaillé dans le même studio, vous vous êtes tout envoyé par correspondance. C?est surprenant?
Oui, il était à Londres et nous étions en Allemagne. Il a travaillé en studio et nous a envoyé les maquettes, puis nous les avons retravaillées et les lui avons renvoyées. En fait je ne l?ai pas rencontré jusqu?à ce que ce soit fini. Je l?ai vu à Berlin, 6 mois après avoir travaillé ensemble. C?est quelqu?un de très sympa.

Quand tu composes, d?où te vient l?inspiration ? Est-ce que tu associes ta musique à du visuel, des images, des films ?
Souvent, les gens pensent que composer, c?est chercher l?inspiration en marchant à travers la forêt, avoir une idée et ensuite l?écrire avant qu?elle ne disparaisse, mais ça ne se passe pas comme ça. Peut-être y a-t-il des génies qui travaillent de cette façon, mais la plupart des musiciens sont assis chez eux et essaient différentes choses sur des instruments, un sampler, un clavier sans avoir une mélodie dans la tête? C?est comme cela que je fais de la musique. Pour les textes, je m?assois quelque part, j?imagine des situations et je les écris tout de suite. Mais pour la musique, ça ne fonctionne pas comme ça.

Les textes de « Scary World Theory » étaient assez politiques. Qu?en sera-t-il sur le nouvel album ?
Ils seront plus directs. Sur « Scary World Theory », ils étaient indirectement politiques. Je pense que le nouvel album sera plus explicite sur ce point. Ce ne sera pas « tu dois faire ceci et cela ! », mais des questions concrètes ont inspiré les paroles?

Vous avez déjà choisi le titre du prochain album ?
Oui, il s?appellera « Faking The Books ».

Pourquoi ?
C?est une chanson qui traite des personnes qui gagnent de l?influence et deviennent corrompues. Par exemple, en Allemagne, les Verts (die Grünen) font partie du gouvernement. Je vote pour eux depuis très longtemps. Ils sont rentrés au gouvernement et ils doivent faire beaucoup de compromis s?ils veulent rester au gouvernement. C?est à propos de cela, de ces gens qui accèdent au pouvoir et deviennent corrompus alors qu?ils auraient pu faire différemment. C?est une chanson très cynique.

Ne fais-tu jamais de compromis avec Lali Puna ?
Lali Puna ne fait pas tant de compromis que cela, voire même aucun, parce que je ne dépends pas du groupe. J?ai un travail et j?aime beaucoup ce travail : je suis journaliste radio. Beaucoup de jeunes groupes qui débutent veulent être signés sur un grand label et quand ils y parviennent, ils deviennent dépendants parce qu?ils acceptent de faire beaucoup de choses qu?ils n?auraient pas voulu faire quand ils ont commencé. Ils doivent faire des compromis pour gagner leur vie. Lali Puna ne fonctionne pas comme cela, parce que nous sommes sur un label indépendant et nous ne voulons pas en changer.

Peut-on dire que tu es libre de faire ce que tu veux au sein de Lali Puna grâce à ton job ?
Oui, en quelque sorte. Par exemple, en ce moment, je ne suis pas obligée de travailler à la radio car je gagne de l?argent avec le groupe. Mais même si j?étais assez riche en faisant de la musique, j?essaierais de garder ce job parce que je l?aime vraiment. Il s?agit d?une émission pour les jeunes, ils expliquent ce dont ils se sentent victimes politiquement… Cela permet d?être informé sur plein de choses.

As-tu besoin de ce métier, du contact avec la vie quotidienne, pour trouver l?inspiration ?
Pour moi, c?est important de connaître les problèmes que chacun rencontre. Je pense que pour David Bowie ou n?importe qui de très célèbre, c?est difficile d?écrire des textes. Bien sûr, il y arrive, parce qu?il peut imaginer ce qu?est une vie normale, mais il n?en a plus une. Je trouve que c?est important d?écrire des paroles auxquelles les gens puissent s?identifier parce qu?ils vivent les mêmes situations.

Un job et un groupe, c?est un mode de vie sympa !
Rires?

Par Guillaume et

Chroniqueur
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