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C’est Kaolin (Photo n°1) qui a le redoutable honneur d’ouvrir le festival vendredi sous le chapiteau. Un concert qui commence toutes guitares dehors, peut-être pour briser l’image trop policée que leur récent succès a créée. Efficace, certes, mais cela ne viendra pas cacher l’absence de charisme et les difficultés de la voix à s’élever au-dessus du lot. Une prestation honnête sans plus.
Gogol Bordello enchaîne sur la grande scène, et eux ne se posent pas de questions, évoluant dans leur élément naturel. Les vétérans américains, vêtus de tenues improbables distillent leur mélange de punk et de musique traditionnelle avec une générosité sans pareille, et font passer un vrai moment festif aux festivaliers.
Retour sous le chapiteau où Juliette Lewis (Photo n°2) veut nous prouver avec son groupe The Licks que le rock coule dans ses veines. Maquillage et tenue provoquante, attitude outrancière, tout ça sent le toc à des kilomètres, pour un concert qui ne sera au mieux qu’une performance d’actrice.
Pour plus d’authenticité mieux valait aller voir le blues-rock d’Archie Bronson Outfit. Beaucoup de bonne volonté et de bons moments, mais on a quand même senti le groupe un peu perdu dans ce contexte. Manque d’habitude des grands festivals?
On file sur la grande scène pour le premier gros événement de la journée, le Wu Tang Clan. Que dire? Flow impressionnant, certainement. Mais au-delà, une attitude désinvolte, le groupe se permettant même de couper le son par moments, donnant l’impression de cachetonner sans grande passion… Rien d’inoubliable.
Heureusement la grande révélation de la soirée nous attend juste derrière. Ambiance cabaret des années 50, musiciens tirés à quatre épingles, et Amy Winehouse apparaît dans ce décor. Voix impressionnante, soul distillée avec classe, la jeune anglaise se sera mis sans problème le public dans la poche pour un grand moment de mélange de nostalgie et de modernité.
Catherine Ringer a elle aussi de la classe, et elle l’a prouvé au cours du set des Rita Mitsouko sur la grande scène. Heureusement qu’elle était là d’ailleurs, car son groupe s’est révélé quelque peu apathique, et le son plus que limite. Mieux valait ne pas être trop loin pour bien entendre !
Marilyn Manson (Photo n°3) leur succède en star attendue de la soirée: présence musicale intéressante, décor toujours soigné, mais le révérend a paru peu en voix et n’a pas occupé l’espace comme il le fait habituellement, au cours d’une prestation à durée minimale qui plus est. Les fans transis auront été heureux de voir leur idole, mais on restera quand même sur un goût d’inachevé.
Justice, le duo hype du moment, avait la mission de clôturer cette première journée. Alors, baudruche ? Pas complètement, mais pas loin quand même. Certes, le mix s’est révélé soutenu, mais le light show se sera résumé à la croix qui sert aussi de titre à leur album, et on n’aura pas été pêcher trois idées dans ce qu’on nous a proposé, restant sur une impression de déjà entendu au kilomètre… Conclusion mitigée pour une première journée qui aura tenu son rang…
Après une brève averse, qui fait toujours revenir les souvenirs de torrents de boues belfortains, le soleil accompagne les festivaliers qui ont le choix entre le blues rock inclassable des californiens de Cold War Kids, et la country de Blanche. Quelques titres des premiers – qui laissent entrevoir un spectre s’étirant d’une pop mielleuse tout à fait dispensable à des saillies irrésistibles entre le Cat Power de « Moon Pix » et les outros de Sonic Youth – avant de s’engouffrer sous la toile de la Loggia pour les seconds, et après une journée, l’extase tant attendue survient.
Inimitables, ces faux culs-terreux emportent littéralement la petite foule qui a eu le courage de sortir de sa cuite de la veille pour venir s’enterrer dans ce coin paumé des Etats-Unis. La formation de Detroit, menée par un Dan John Miller sorti d’un film de David Lynch, et une Tracee Mea Miller échappée de « La Petite Maison Dans La Prairie », fait honneur à une Motown qui a décidemment plus d’un tour dans sa manche rétro. « Little » Jack Lawrence, exceptionnel bassiste des Greenhornes et des Raconteurs à ses heures perdues, prend ici le banjo, et régale de sobriété. Le public donne dans le « yiiiiiiiiiii-ha », le saloon est subjugué. On a à peine le temps de rester bouche bée, de s’éclater les paumes et de souligner la qualité de la programmation de cette scène minuscule qu’il faut pourtant déjà courir vérifier que les Editors n’ont rien à faire sur la Grande Scène.
C’est Ian Curtis et son timbre angoissé qui guident automatiquement le flot vers ce qui s’avérera étonnamment délicieux. Editors et Tom Smith, leader à belle gueule, ont beau avoir tout volé à Joy Division, il n’en demeure pas moins que l’on n’aurait jamais cru voir un jour la formation malsaine de Manchester sur scène. Le quatuor de Birmingham démontre une fois de plus leur facilité à faire s’agiter les foules, capacité limitée sur disque, démultipliée sur scène. La voix est absolument parfaite, la guitare nerveuse, le beat classique mais dévastateur : la surprise est de taille, et même les titres issus du dernier album font mouche. Quant à Munich, il sera toujours dans bien des oreilles plusieurs jours plus tard…
Malheureusement, ce double départ en fanfare sera aussi le point d’orgue d’une deuxième journée qui se terminera avec moins d’éclat. Alors qu’on espérait Maxïmo Park intenables sur la minuscule Plage qui leur avait été offerte, ceux-ci, en mettant l’eau de leur dernier album dans le vin grand cru du premier, ont délivré un set convenable mais sans vague. Diluée par certaines pistes oubliables d’ « Our Earthly Pleasures », la performance, en perdant de cette tension contagieuse qui faisait leur atout principal, est apparue mal calibrée, même si certains morceaux font toujours du bien par où ils passent (ahhhhh, les lourdes guitares de Graffiti !). La bande de Paul Smith a annoncé, sous un superbe soleil couchant, la couleur de la fin de la journée.
Les Queens Of The Stone Age, incontournables de la Grande Scène, délivrèrent en effet un enchaînement proche du pathétique, à l’exception d’un ou deux « gros » tubes (No One Knows, exactement comme sur le CD, mais qu’importe). Décevant deux années auparavant sur les mêmes planches, le groupe de Josh Homme ne s’est pas encombré des quelques improvisations qui avaient secoué à l’époque, et a déçu même les purs et durs…
Ceux-ci se sont donc rabattus sur les supposés insaisissables suédois The Hives, qui traînent derrière eux une réputation live à toute épreuve. Justement, si le tout déménage tout de même, la machine « prestations du tonnerre de Dieu » a des airs un peu trop rodés. Le leader est intenable, faussement insupportable, ce qui ajoute un certain charme. Le tout est légèrement gâché par la basse du Dr Matt Destruction (sic) qui massacre absolument tout dès qu’elle est lancée, par des nouveaux morceaux dont on ne décèle même plus la mélodie en live, si mélodie il y avait à la base, et par un public qui a du mal à suivre les trop longues diatribes de Howlin Pelle Almqvist…
Le tout clôt néanmoins la journée comme il était souhaité, c’est-à-dire dans le bruit, avec une performance dénuée de spontanéité mais néanmoins jouissive pour tous ceux qui réclamaient leur dose de gros son avant de retourner au camping. Et à ce petit jeu, The Hives ont, en dix ans de carrière, réuni assez d’atouts simples et terriblement efficaces pour faire remuer la masse humaine.
De retour le dimanche, le temps d’aller entendre les organisateurs exprimer leur satisfecit global en conférence de presse et l’on file sous le chapiteau écouter TV On The Radio. Même sans véritable actualité, les New-yorkais auront livré quelques inédits prometteurs, et donné un concert intense et généreux, qui aura prouvé qu’ils font partie des groupes majeurs du moment.
Les spectateurs n’auront pas vraiment eu l’occasion de réaliser qu’ils avaient devant eux le plus beau casting du festival au cours du concert de The Good, The Bad And The Queen (Photo n°1). Certes, les larrons ont l’air de bien s’entendre, contents de ce qu’ils font, si l’on en croit les regards et sourires échangés sur scène, mais le concert a paru en décalage avec le contexte. Pas d’échanges avec le public, qui pouvait se demander s’il n’était pas de trop, beaucoup d’intimisme sur un site qui ne s’y prête pas, du moins pas autant.
Tout le contraire des Klaxons (Photo n°2), dont la musique un peu lassante sur disque se révèle taillée pour la scène. Guitares incendiaires, appels répétés au public, intensité de bout en bout, un très bon moment.
Passons sur la prestation sans intérêt de Tryo (Photo n°4), et allons voir Air, qu’on attendait après le fiasco de Versailles. Le duo n’était apparemment pas affecté par ce ratage, et a livré un concert avec un light show sobre et soigné, et la musique a enfin pris un peu de muscle et de consistance, ce qui manque tant à leurs derniers albums. On se trouve donc réconciliés avec les compères.
En feu d’artifice attendu de cette fin de festival, Arcade Fire (Photo n°3) n’aura pas déçu. Aussi heureux d’être là (et le rappelant plusieurs fois) que le public, surtout après l’annulation d’une partie de la tournée ce printemps, les canadiens ont livré une prestation d’anthologie, à l’image d’une Régine Chassagne survoltée. Soudés, bouillant d’énergie et de créativité, ils ont livré un concert qui restera comme l’apothéose du festival. Rien que pour cela, il fallait y être…