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Qu’il est bon de retrouver ces campings surpeuplés, ces douches collectives en plein air, cette mer à 30 degrés, ce soleil qui vous fait étouffer sous votre tente à 9h du matin, ces espagnol(e)s à la nuque longue, cette faune cosmopolite et cette programmation éclectique. C’est le jour optionnel pour lequel il faut rajouter une dizaine d’euros. Seule la grande scène est ouverte.
Après l’espagnol DELUXE, pop anglaise ibérique, arrivent sur scène THE POSIES, dont les heures de gloire se situent autour de 1990 (peut-être parce qu’ils sont de Seattle ?) : on pense à un rock à papa assez pêchu avec un guitariste (Ken Stringfellow) qui a du cracher 10 molards par morceau. Le show est carré mais pas réellement prenant ; pour les aficionados, donc.
Nous attendons surtout THE POLYPHONIC SPREE, ayant ouï dire qu’ils sont 23 sur scène à chanter en robe. 0h05 : Les voilà qui s’installent. Effectivement, la toge verte est de coutume. En guise d’intro, quelques notes de harpe jouées par un chevelu, puis c’est l’explosion orchestrale avec synthé, orgue, cor, flûte, Theremin, basse, deux guitares, deux batteries, violon et d’autres encore… Au centre, 8 choristes toutes plus jolies les unes que les autres dansent et tapent dans leurs mains, en balançant leur chevelure dans tous les sens. On croirait voir un show de fin d’études de la série Fame. Les paroles du leader Tim De Laughter sont entêtantes et hippiennes : « it’s the sun together we’re heavy you gotta be good holding on sunshine all day » (il débite environ 1000 messages de paix et d’amour à l’heure). C’est un peu comme si la comédie musicale Hair avait fusionné avec Abba et les Beach Boys. De plus, le spectacle a de la gueule : on peut facilement se surprendre à chanter ou danser les bras en l’air. Le pire, c’est que les musiciens ne sont pas manchots et ont un vrai son. Les arrangements sont chiadés et les compos excellentes (Hold me now, Along day continues, Two thousand places). Etonnant de voir cet OVNI dans la programmation de ce genre de festivals et sur le marché actuel du disque. Bref, la musique des texans Polyphonic Spree est contagieuse et il est alors facile d’adhérer à cette ‘secte’. D’ailleurs, j’ai envie d’embrasser une fleur.
Puis viennent THE TEARS, le groupe des deux ex-Suède, Brett Anderson et Bernard Butler. Anderson, au chant, se donne du mal et s’agite dans tous les sens, à genoux, les mains tendues vers le ciel pour un résultat scénique qui sonne un peu faux ; sans compter des mélodies insipides.
3h15 : A priori, la seule actualité d’UNDERWORLD est de composer la B.O. du prochain film d’Anthony Minghella. Leur live est donc un mix de gros tubes dansants sous des lumières de night-club. Bref, nous sommes au milieu d’une boite de nuit géante. La foule réagit forcément comme le tonnerre dès les entames de Born Splippy ou de Rez. Karl Hyde (le chanteur) essaye par ses mouvements de pallier au jeu de scène statique de la plupart des groupes d’électro plantés derrière une console et un ordi. Les morceaux sont malheureusement proches des versions albums…
20h : Même si THE KILLS n’ont pas plus de quatre ans, Hotel et VV semblent très attendus, un peu comme de vieilles gloires du rock. Hotel (guitare, chant) déclenche une boîte à rythmes pour débuter chaque morceau ; et derrière sa frange, VV chante et agite son corps sexy. En concert, les Kills restent donc assez minimalistes et on préfèrerait les voir dans un petit club sombre et suintant plutôt que sur une grande scène face à 10 000 personnes. Donc quand on est un garçon, on passe son temps à mater la perturbante VV en mimant les riffs crados lancés par Hotel sur sa vieille Hofner Galaxie (surtout sur un de leur titre phare, The Good Ones).
Sur la petite scène (on y tient quand-même à 4 000), le new-yorkais Joseph ARTHUR, seul, est au four et au moulin, passant régulièrement de la guitare sèche au synthé le plus acide ; le tout composant une sorte d’électro-folk pas commune (tout comme son costume vert).
Sans transition, nous passons voir LEMON JELLY, duo anglais d’électro dansante qui prépare le terrain à FISCHERSPOONER. Ces derniers mettent en scène un alliage d’électro new-wave berlinoise, de glam-rock et de théâtre expérimental arty. Difficile à suivre, et la faiblesse des compos n’aide pas. Dommage qu’ils n’aient pas d’autres titres du niveau de leur tube Emerge. Dommage aussi qu’ils aient un côté si rock sur scène, qui ne leur sied pas vraiment.
PEACHES joue juste après. Question jeu de scène, elle a beau être toute seule, elle décoiffe. Quelques danseuses ignobles en gode-ceintures, quelques grimpettes sur les praticables, quelques riffs de guitare saturée sur un beat électronique limite enfantin, et on n’a pas vu le concert passer. Sa recette commence à être connue mais on ne s’en lasse pas. Surtout que cette année, Iggy Pop chante avec elle sur un morceau : il apparaît sur scène projeté sur un écran ; Peaches est à ses côtés ; ils interagissent l’un avec l’autre pour un résultat excellent !
Un kebab à 5 euros en main et nous sommes paré pour le plus gros de la soirée : THE CURE (Evidemment, dans cette phrase, toute comparaison avec la morphologie de Robert Smith est purement fortuite). 35 000 personnes attendent le mythe. 23h40 : Robert Smith arrive entouré d’un groupe quasiment originel. Simon Gallup est forcément là, avec sa basse dont il joue sur les genoux. Porl Thompson est de retour à la guitare depuis quelques semaines puisque Robert a décidé de virer Perry Bamonte. Le set dure plus de deux heures (un peu long pour un festival) et compile toutes les époques. Les curistes purs et durs auraient cependant préféré davantage de titres cold wave. Il y en a donc à peu près pour tous les goûts avec même un Lullaby sans violons et un Boys don’t cry en rappel.
YO LA TENGO commence son set par les morceaux les plus doux et intimistes, à un volume sonore malheureusement trop faible, les discussions de la foule l’emportant sur la musique. En fin de concert, les morceaux lo-fi destructurés seront bien plus prenants.
BASEMENT JAXX ajoute une touche funky-soul-dance-rock à cette soirée. Musique festive sur une rythmique souvent électronique, et divas soul au chant, la grande scène prend des airs de gay-pride. Dans la foule, tout le monde danse.
Le vainqueur du Projet Demo français, WINTER CAMP, joue à 16h30. Un peu trop tôt et trop chaud ! je reste faire un volley dans une eau à 30 degrés. J’arrive à la fin du concert de DEVENDRA BANHART. Dégoûté. C’était la grosse fête parmi les 15.000 personnes de la scène Fiberfib. Tous reprenant en choeur les folk songs du texan.
Suivent les KINGS OF CONVENIENCE. Les deux Norvégiens arrivent forcément seuls avec leurs guitares acoustiques. Silence total : les 10 000 spectateurs remplissant la scène Fiberfib sont tout ouïe devant cette simplicité et ces choeurs magnifiques. C’est sans doute, le moment le plus doux et apaisant de ce festival. Bien qu’étant très minimalistes et lentes, les compositions sont entraînantes ; à chaque légère reprise ou au début d’un refrain, le public applaudit et pousse des cris de joie. Il n’y a pourtant aucun sex-symbol ou groupe de garage new-yorkais à l’horizon. Les Kings ont même l’air surpris par cette ambiance. Erlend prend souvent la parole et explique pourquoi il n’a plus ses culs de bouteilles qui le caractérisaient : il a troqué ses lunettes pour des lentilles, exprès pour être plus à l’aise à Benicàssim. Il ajoute que c’est sa première ici en tant que non-festivalier. Un bassiste acoustique et un violoniste rejoindront à mi-concert Eirik et Erlend pour les morceaux les plus péchus. Concert merveilleux.
2005, c’est l’année des Anglais à Benicàssim : il y en a partout, sur scène ou sous les tentes. On les retrouve donc réunis pour chanter sur le rock un brin new-wave de KAISER CHIEFS, venus de Leeds. Ceux-ci sonnent même glam-rock poussif sur quelques titres comme leur hit I can’t believe. « Nananananaa » est repris par l’assistance et Ricky Wilson (chant) bondit comme un malade jusque dans la foule. Même si on n’adhère pas aux compos, on peut comprendre ce succès spontané outre-manche.
21h : Nous ne nous attardons donc pas car, sur la grande scène, se profilent les RAVEONETTES menés par la magnifique Sharin Foo et son vilain acolyte Sune Rose Wagner. On y retrouve donc ce qui fait la particularité de ces Danois, new-yorkais d’adoption : le rockabilly (comme le morceau shadowsien Red Tan), mélé au garage-rock le plus péchu et crado (Twilight). Il n’y a quasiment jamais de cymbales et seulement 3 accords par chansons. Le son des instruments particulièrement travaillé semble sorti du juke-box de Fonzie. Même si sur scène le groupe reste très statique, c’est un plaisir de voyager au travers de ces ambiances.
Sans transition, juste après les Raveonettes, voilà KEANE. Inutile de vous dire où étaient passés les Anglais. La grande scène est archi-blindée pour accueillir ce trio claviers-chant-batterie tout droit venu du top 50. Erreur de casting ? A en croire les 35 000 personnes agglutinées sur la grande scène : non. Le tube Somewhere only we know est repris en choeur par la foule ; mais le chanteur ose annoncer ce titre en demandant au public de brandir briquets et téléphones portables allumés…
Les LEMONHEADS enchaînent. Ils sont pleins de bonne volonté mais les chansons sont monotones et seuls les fans hardcore doivent être satisfaits. D’ailleurs la scène est loin d’être remplie.
Heureusement, !!! sont sur la scène Hellomoto. Ils sont 8, c’est hyper-festif, avec un chanteur en short qui saute partout, et au moins 10 000 personnes qui dansent tout le long du concert.
Encore un coup des programmateurs : il y a beaucoup de groupes ressuscités, comme DINOSAUR Jr, inspirateurs de nombreux groupes rock, noisy, grunge… Le volume sonore du groupe étant légendaire, nous nous attendions à en prendre plein les boules Quiès. Erreur : il vaut mieux s’enfoncer un mouton dans chaque oreille : les solos de guitare de routier de Jay Mascis sont un supplice.
18h40 : Encore des Anglais, de Newcastle: MAXIMO PARK. Etonnement signés, il y a peu, sur le fameux label d’électro Warp. Comme si chaque maison de disque voulait son groupe de pop-rock pêchu Franz-Ferdinesque. Ici, les rythmiques endiablées côtoient des sons de synthé analogique. Le groupe arbore un style assez militaire avec des costumes tirés à quatre épingles. Le chanteur (Paul Smith) est survolté et semble bouillir de l’intérieur. Le show tient la route et quelques morceaux comme Graffiti font bondir l’assistance.
Juste après le changement de plateau, voici un nouveau groupe anglais, de Leeds ce coup-ci : WEDDING PRESENT. Enfin, il était nouveau en 1987. Le leader, David Gedge, avait abandonné le projet pour se consacrer à son nouveau groupe, Cinerama, en 1996. Le revoilà donc avec un nouvel album et avec ses cocottes funky. Très rythmé, et les anciennes compos ne sont pas du tout has been. Il y manque peut-être un peu de charisme.
21h10 : Direction la grande scène où jouent les canadiens de HOT HOT HEAT, qui font gentiment s’agiter le public avant le plat de résistance.
Monsieur Nick CAVE entouré par THE BAD SEEDS : l’Australien est toujours aussi beau et fin, et le son des Bad Seeds est exceptionnel. Nous entendons ces claviers, choeurs, guitare, mandoline, percussions diverses avec une telle clarté et une telle dynamique ; dynamique forcément animée par la fougue de Nick sur scène, tout au long de cette 1h15 de ce concert en béton armé pour 35 000 personnes. Quelques morceaux historiques comme The Weeping Song ou Stagger Lee. Dommage que Blixa Bargeld (du groupe Einsturzende Neubauten) ne soit pas venu pousser ses cris de torture comme il le faisait autrefois avec Nick. En tout cas, merci pour cette prestation exceptionnelle.
Le coeur encore retourné, il nous une demi-heure pour nous faufiler parmi les milliers d’Anglais qui ont envahit la fosse de la grande scène. OASIS rentre sur scène sous une déferlante grandiose de spotlights, de fumée, et de beats assourdissants. Une intro digne d’un groupe star prétentieux ? Oui, mais cela fait partie du jeu. Dans la foule, c’est du délire. Trois minutes plus tard, Noël entame les accords du dernier gros single en date, Lyla, refrain scandé par des milliers de choristes. Il en sera de même pour Wonderwall, Champagne Supernova ou Don’t look back in anger. De quoi choper quand-même quelques frissons. Liam est aussi puant que d’habitude et est vêtu d’un petit ensemble polo à rayures ? bas de jogging dépareillés. Il est aussi très sympa car il n’hésite pas à balancer son tabourin à ce spectateur qui lui a lancé une bouteille (magistralement reprise de volée par Liam, d’ailleurs). Il peste également contre un technicien qui passe trop souvent derrière la scène à son goût ; tout sourire, Noël ajouta au micro qu’il vaut mieux que ce gars ne se montre plus (sous-entendant que ça énerve fortement le frérot). Le concert est en lui-même correct mais il vaut surtout le coup pour l’atmosphère et les à-côtés.
2h : Déboule un autre groupe anglais (!) : KASABIAN. Le mélange de rock, à la Stones ou MC5, et de sons plus modernes fait s’agiter la foule qui reprend les titres les plus entêtants, Club foot ou Lost Soul’s Forever. La basse épaisse est très en avant et les nappes d’orgue sont chaleureuses. Un son personnel et pas si ridicule après Oasis. Dans l’ensemble, bon concert et fortes aptitudes scéniques : le public a vraiment apprécié.
Jonglant ensuite entre la nuit DFA, sur la scène Fib Club, et la nuit Tigersushi, sur la scène Music Box, nous y retrouvons toutes sortes d’artistes rock-trash, DJs, de groupes d’électro dont l’intérêt est assez variable. Le label DFA est au four et au moulin, surtout son leader James Murphy, qui joue à 3h sur la grande scène avec sa formation LCD SOUNDSYSTEM. Le groupe punk-funk-house commence à drainer une solide réputation sur scène. Grosse qualité du chant (ou des hurlements) de Murphy, énorme patate d’un batteur hyper carré, un bassiste qui groove, des sons de synthés analogiques et des percus du meilleur effet. Les morceaux Yeah Yeah Yeah ou Movement retournent l’assistance. Enorme fiesta.