Belle soirée folk que nous a proposée ici la Guinguette Pirate, animée par trois artistes différents, mais complémentaires. Tout commence avec le lillois Kenyon, ex-chanteur du groupe Véra Clouzot, à son aise dans cet exercice solo. L?univers de Pierre Laplace ? de son vrai nom ? n?est pas sans rappeler celui de Thierry Duvigneau alias The Electric Fresco : longue expérience de la scène indépendante française et même attirance pour des mélodies folk chaloupées, servies en live dans leur plus simple appareil (guitare-voix).
Ce sont ensuite les Norvégiens de Minor Majority qui prennent le relais, en formation réduite (sans basse ni batterie). A mi-chemin entre leurs compatriotes de Madrugada et les Tindersticks, ils enchaînent les ballades romantiques, ponctuées de commentaires sympathiques. Le public est par exemple félicité pour son attention et sa discrétion pendant les morceaux, comportement auquel le groupe ne semble pas être habitué sur ses terres nordiques. Les Norvégiens concluent leur set avec brio, revisitant à leur manière une pop-song de Guided by Voices.
Réchauffés par la présence et la voix de Minor Majority, les spectateurs prennent un coup de froid lorsque s?installent les créatures intrigantes d?Azure Ray. Orenda Fink et Maria Taylor, les deux meneuses du groupe, tout de noir vêtues, affichent un visage impassible et le teint pâle. Jusqu?à la dernière note, elles s?épargneront les sourires et les remerciements habituels, ne comptant que sur leur charme distant et l?hypnotisme de leurs compositions. C?est ainsi que nos deux femmes fatales attirent les spectateurs dans les filets de leur musique et les entraînent dans un monde onirique et cotonneux. Jamais dérangé par une batterie ou une guitare trop appuyées, mais toujours troublé par ces complaintes susurrées et ces arpèges effleurés, on se laisse volontiers guider par Maria et Orenda. Si parfois, on les abandonne un court instant, c?est uniquement pour s?assurer que Hope Sandoval, l?ex-Mazzy Star, n?a pas pris place à leurs côtés. Mais ces deux-là parviennent à leurs fins sans l?aide de quiconque. Une fois lassées, elles libèrent un public encore en apesanteur et qui peine à reprendre ses esprits. Et pour une fois, le tangage de la péniche parisienne n?y est pour rien.