Le succès croissant des Dears n?épargne pas la France. En effet, l?hexagone accueille les Canadiens pour la troisième fois en moins d?un an : quelques mois après leur venue au festival des Inrocks, à l?automne 2004, et quelques semaines seulement après leur enregistrement d?une Black Session, début 2005.
La scène parisienne du Nouveau Casino paraît bien exiguë pour abriter les volutes habitées du remarquable « No Cities Left », dernier album du groupe, paru au Canada en 2003 mais révélé à l?Europe plus d?un an après. L?endroit suffit tout juste à héberger l?imposant collectif, constitué de six musiciens et d?au moins autant d?instruments.
Dans un premier temps, la pop dense et ambitieuse des Dears peine à occuper l?espace qui lui est imparti. Il faut reconnaître que l?agressivité du son n?arrange rien à l?affaire? Mais le sextet prend peu à peu ses aises pour installer dans la durée ses climats aériens et désenchantés. Murray A. Lightburn, voix plus british que jamais (égarée entre celles de Morrissey et Damon Albarn), déploie avec engagement l?étendue de ses capacités vocales. Deux de ses acolytes, les deux charmantes jeunes femmes préposées aux claviers, doublent son chant de ch?urs légers et flatteurs. Plus discret, le reste de la troupe se rappelle à notre bon souvenir lors d?échappées psychédéliques exaltantes.
Dans ces conditions, les Dears peuvent développer leurs arguments à double tranchant. Côté pile, c?est pop, lyrique et mélodique. Côté face, c?est sombre, fiévreux et indiscipliné. Cette double trajectoire, invariante et (d)étonnante, propulse le groupe vers des sommets inspirés. Pour preuve, ce soir, l?OVNI Lost in the Plot ou l?épique The Second Part.
Après une heure de show, le premier rappel offre à Murray l?opportunité de gratifier son public de quelques mots, dans un français hésitant. C?est au cours d?un second rappel, spontané et arrosé, que les Dears closent ce set, par un long morceau ésotérique et bouillonnant.
Passés quelques soucis au décollage, nos Canadiens auront finalement mis sur orbite leurs symphonies pop agitées. Sans toutefois atteindre les hauteurs troublantes de « No Cities Left », mais toujours en surplombant le pathos et l?emphase prêts à condamner leur envol.