Belle affiche proposée ce soir de mai, tellement belle qu?elle nécessite un changement de salle inopiné. Initialement prévu au Nouveau Casino, le concert d?Isis se voit transposé à la Loco pour une capacité plus à la mesure de l?attente qu?a suscité la sortie de son dernier album, le très bon « Panopticon ». D?autant que le groupe est soutenu sur sa tournée par Jesu, dont le premier disque connaît un bel accueil critique, ainsi que par le hip-hop tellurique de Dälek. Un postulat très réjouissant.
Et finalement, une fois entré dans l?enceinte du lieu, c?est un autre invité qui occupe la scène, l?unique Oddateee, pour un show strickly? hip-hop. Or, aux vues du public présent, le contexte ne semble pas particulièrement West Coast? pas facile de convaincre l?audience avec ce décalage manifeste. Pourtant, Oddateee fait preuve d?une belle assurance et d?un flow bien maîtrisé, malgré des instrus pas inoubliables. L?arrivée de Dalëk sur scène suscite davantage de remous. Le son s?avère d?ailleurs tout à fait à la hauteur. Les samples hurleurs balancés à la face du public par les deux DJ (tatoué sur tout le torse pour l?un, affublé d?une belle afro pour l?autre) semblent trouver des échos auprès des métalleux présents. Le flow reste pourtant assez quelconque, efficace et parfaitement en adéquation avec le déluge de sirènes, mais malgré tout monolithique.
Le changement de plateau avant la venue de Jesu se fait vite, détail qui a son importance dans une ambiance aussi enfumée. La prestation du groupe sera d?ailleurs aussi courte que les roadies ont été rapides? Le nouveau projet de Justin Broadrick, ancien Godflesh et remixeur de luxe de Isis ou de Pelican (entre autres) prend la forme d?un trio pour la scène. N?ayant toujours pas écouté le disque et après ce non-concert, je ne peux parler avec objectivité de la musique. Trois morceaux, tronqués manifestement par de gros problèmes de guitare mineront radicalement le set, Broadrick abandonnant la scène, dépité. Il n?était pas le seul.
En montant sur scène, Isis annonce son concert par un « This one is for Jesu ! », avant d?ouvrir sur So did we, premier titre de « Panopticon ». Grandiose. Le son est épais et équilibré. Mais la scène permet surtout de juger de l?importance du clavier dans le groupe. Celui-ci contribue grandement à l?aspect très aérien de ce post-hardcore mélodique et atmosphérique. Certains sons s?apparentent d?ailleurs souvent à une guitare fuzz, associés aux deux guitares, notamment lors des passages en arpèges, où tout se confond merveilleusement bien. La voix de Aaron Harris est rauque et parcimonieuse. Il éructe ponctuellement, insufflant une énergie supplémentaire à de longs passages instrumentaux haletants. La musique d?Isis est affaire de nuances, de paliers, de constructions soignées et quand, à tout ceci, s?adjoint un réel plaisir de jouer, la puissance dégagée n?en est que plus grande. Cependant, le batteur a paru souvent trop enclin aux breaks hasardeux, brouillants des mouvements qui auraient mérité davantage de droiture et d?efficacité, alors que ses compères auront su se montrer sobres.
Pour le reste, un concert intense et dense qui semble avoir comblé la foule présente.