On a aussi écouté Auren – Il s’est passé quelque chose

« Il s’est passé quelque chose » marque une étape dans le parcours d’Auren, qui, disque après disque, défriche une pop indé, oscillant entre chaleur organique et froideur de machines discrètes. Mais toujours ancrée dans une observation fine et sensible de son environnement.

On se souvient notamment du magnifique « Numéro » qui établissait un brillant panorama de la condition féminine, au son mirifique des géniaux Calexico. Avec son nouvel album, elle s’éloigne doucement de l’Americana, pour s’amarrer à la modernité d’une musique urbaine, s’ouvrant parfois au flow hip hop.

Auren y impose une vision puissante, qui prend là une dimension d’autant plus marquante que la musique sophistiquée – rappelant les embardées avant-gardistes de Bashung ou celles de Bertrand Belin– s’inscrit pleinement dans l’époque.

Les textes d’Auren frappent par leur sensualité brûlante et inquiète. Leur poésie profonde souvent, qui scanne lucidement les bouleversements affectant une société encore largement hémiplégique. L’émancipation, valeur pourtant cardinale, a presque tout permis aux hommes, mais a oublié les femmes dans de trop nombreux domaines.

Dans ce « Il s’est passé quelque chose », l’on comprend que cet oubli n’avait rien d’inconscient. Et qu’il vient d’être brisé. Déversant un flot de vérités et de revendications, mais également une opportunité unique de s’enrichir – enfin et véritablement – de nouvelles visions intimes et artistiques, capables de modifier en profondeur notre rapport à l’humanité.

De l’intimité du plaisir – qu’elle expose sans fard – à la perception éminemment politique qu’elle déroule subtilement, Auren s’impose comme une musicienne désormais accomplie, et totalement affranchie.