Le Tao, dans la culture chinoise, est la « mère du monde », une force qui coule en toute chose. On aime à penser que le « free Tao » des jazzmen Mathieu Bec et Marius Welker, traque le souffle et la pulsation fondamentale qui traversent et animent la musique. Au coeur de cette musique fondamentale, connectée à l’invisible, comme un oscillographe de l’âme et de l’humanité.

« Free Tao » brille par son énergie presque explosive, sa profondeur vitale, son dialogue avec la composition spontanée de Steve Coleman et le free jazz de Milford Graves. Et, fidèles au précepte fascinant selon lequel « c’est le mouvement qui est important », Mathieu Bec et Marius Welker nous entraînent dans une puissante improvisation, mêlant fulgurances expérimentales – aux confins de la noise, d’une drone music organique – et suprêmes ballades. A l’image de l’existence, entre bonheurs et catastrophes, fureur et calme.

« Free Tao » éclaire merveilleusement cette tension entre la « géométrie sacrée » et l’énergie. L’ordre, propre à la composition comme à la construction apparente du monde, et le désordre qui structure l’indicible et les évènements, comme tous les mouvements.

Musique éminemment souterraine et éruptive, courant sous l’ordonnancement à la fois de la musique et de ce que l’on croit voir et comprendre, le free jazz de « Free Tao » finit par exploser à la surface et nous emporter dans ses méandres.

Et nous oblige à faire avec le chaos. Ce chaos viscéral et primordial, structurant plus sûrement le réel que n’importe quelle certitude. Comme pour nous ramener à l’essence de la musique.

A l’heure de la programmation numérique et de la toute puissance de l’algorithme, ce genre de musique-là, libre au-delà de tout et plus humaine que jamais, nous projette dans un avenir nettement plus soutenable.

• Publication 516 vues15 avril 2022
• Tags Marius WelkerMathieu BecMazeto Square
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