"> Ruminations - Indiepoprock

On a aussi écouté Ruminations

C’est une mode qui sévit depuis quelques années : des artistes qui se planquaient derrière un pseudo qui cachait en fait un quasi one man band tombent le masque pour reprendre leur véritable identité. On peut y voir une démarche qui relève autant de la psychanalyse que d’un choix artistique ou simplement une volonté d’affirmation plus directe. Il y a un peu plus de dix ans, Conor Oberst sévissait sous le nom de Bright Eyes et passait pour le surdoué et l’enfant terrible du folk américain, auteur de textes engagés et qui se payait le luxe d’éditer deux albums distincts en même temps, l’un à base de guitare sèche et d’harmonica, l’autre avec boîtes à rythmes et synthés, comme pour mieux illustrer l’ampleur de son talent. Mais si personne ne niait ce talent, on attendait aussi le moment où notre homme saurait canaliser son énergie et, enfin, offrir son grand album abouti et faire définitivement oublier l’inégalité chronique de ses disques tout comme sa propension à délivrer des performances live où se côtoyaient le pire et le meilleur. Et cet album… n’est jamais arrivé.

La conséquence, c’est que voir Conor Oberst reprendre son nom depuis quelques années relève presque de l’aveu d’impuissance, comme si le message était que, derrière Bright Eyes, on voyait trop grand et qu’il n’y avait jamais qu’un homme avec ses forces et ses limites. La pochette de « Ruminations », son nouvel album, illustre parfaitement la donne : Conor Oberst y pose au piano, casque sur les oreilles, harmonica et micro devant lui. En gros, il écrit, interprète et enregistre tout seul. L’album a effectivement un côté prise directe et les chansons s’enchaînent tantôt sur des accords de piano, de guitare sèche et quelques lignes d’harmonica. Avec quelle ambition ? A part exister, difficile de leur trouver un horizon. Conor Oberst a toujours une voix légèrement nasillarde qui peut déplaire ou dont on peut s’accommoder, il est toujours bavard, cabotin diront beaucoup, même si ses textes aujourd’hui relèvent davantage de l’aigreur désabusée que de l’indignation engagée, et cette fibre tend toujours à reléguer les mélodies au second plan. Sur « Ruminations », si rien n’est indigent, pas grand-chose ne sort non plus du lot. Les petits accords de piano de Gossamer Thin qui donnent un peu de relief au morceau, l’émotion qui affleure dans You All Loved Him Once. Les inconditionnels sauraient sans doute trouver d’autres arguments, mais pas sûr que prêcher la bonne parole soit leur préoccupation première.

Rédacteur en chef
Ruminations
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