Interview de Helluvah
De passage en Belgique pour deux concerts, dont un à Liège dans la Cité Ardente, Helluvah nous a accordé de son temps pour répondre à nos questions et nous parler de son troisième album. A l’issue de cette rencontre, on peut vous assurer que Camille Warmé est une artiste accessible, ouverte, ne manquant pas d’humour tout comme son musicien BobX. Cependant, elle garde la tête bien sur les épaules…
De plus, elle n’a pas hésité à faire le détour par le stade du Standard de Liège… C’est ce qui s’appelle prendre le public liégeois par les sentiments !
Point de vue présentation, je te laisse carte blanche pour te décrire.
Je m’appelle Camille, mon projet c’est Helluvah, c’est du rock indé avec un petit peu de folk et maintenant un peu plus d’électro. Bientôt sortira le troisième album. On est deux sur scène et j’aime bien venir jouer en Belgique parce que la bière est bonne même si les gens ont parfois des expressions assez bizarres. ça rappelle aussi un peu l’Angleterre, point de vue architecture, les briques rouges… Et il y a un côté vachement plus détendu en Belgique.
D’un point de vue musical, j’ai remarqué que tu étais souvent comparée à PJ Harvey ou Cat Power, moi-même je l’ai mentionné pour ton deuxième album. Ce n’est pas un peu lourd à porter dès le début de ta carrière ?
À la fois, tu te dis que c’est chouette parce que ce sont des artistes qui sont hyper bien. Je me sens plus proche de PJ Harvey, peut-être parce que je connais mieux sa musique que de Cat Power. Donc, oui c’est très plaisant et très agréable et en même temps, j’ai l’impression qu’à partir du moment où une fille fait du rock avec une guitare, la comparaison se fait de manière assez automatique. Alors en ce qui concerne la musique, ce n’est pas du tout dénué de fond, surtout aux débuts de PJ Harvey, mais j’ai effectivement parfois un côté voix un peu grave, rock brut. Mais j’ai quand même l’impression que dès que nana pend un guitare et fait du rock, on va lui sortir PJ Harvey parce qu’il n’y pas 36.000 modèles féminins aussi. Cela dit, on ne va pas agir de la même manière avec des hommes qui jouerait dans un registre qui s’en rapprocherait, on ne va jamais leur dire que ça ressemble à PJ Harvey ou alors, on ne va pas dire à des filles que ce qu’elles font ressemble à un artiste masculin. Alors que ce n’est pas du tout qu’une question de sexe, je trouve. Cependant, ça reste des artistes que j’apprécie beaucoup.
Ton premier album va bientôt arriver… un EP (ndlr : This Is Hot) devrait bientôt sortir sur lequel Marc Huyghens (Venus, Toy) chante en duo avec toi. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
En fait, j’ai eu la chance de faire la première partie de Joy, son nouveau projet, en 2010. C’était un concert suite au premier album de Joy et moi, le deuxième (ndlr : « As We Move Silently« ) n’était pas encore sorti. En fait, il se trouve que quand j’étais ado j’adorais Venus et donc quand j’ai appris que je jouais avec Joy, j’étais un peu comme une midinette et suite à cela, on a échangé nos disques. Tout simplement, je lui ai ensuite demandé s’il voulait bien chanté sur une chanson et il a dit oui. Cela s’est fait très simplement… Je suis super contente de retrouver Marc sur mon propre disque.
Indépendamment et sans savoir qu’ils allaient travailler ensemble, il se trouve que je connais une artiste française, KATEL, qui joue dans Joy maintenant, et elle, elle fait des choeurs sur un morceau de l’album.
Alors justement, ce troisième album qui va bientôt sortir, peux tu nous dévoiler la date précise ?
Je pense que ça se situera en février 2015, juste avant l’arrivée du printemps.
Où avez-vous enregistré « Long Distance Runners » ?
Alors, on l’a enregistré dans le Jura, un département très rural et il se trouve que Bob (ndlr: musicien accompagnant Helluvah sur scène) habite désormais dans le Jura, dans une ancienne boîte de nuit. Donc, les lieux sont insonorisés et il y a une vraie scène, c’est marrant. Par contre, les batteries ont été faites en studio à Dole. C’est un album 100% terroir français.
Je remarque que le délai entre les albums est de trois ans. Le processus créatif pour ‘accoucher’ d’un album est long et pénible ou cette notion de temps est un mal nécessaire ?
Une des raisons pour lesquelles le délai est de trois ans est qu’entre le moment où l’album est prêt et le moment où il sort, il y a toujours des délais absolument énormes que l’artiste ne maîtrise pas. Par exemple, le premier album (ndlr : « Emotion Pills »), il a été enregistré en novembre 2006 et il est sorti en avril 2008, alors que globalement, au milieu 2007, il était prêt. Seulement pour des raisons administrativo-pratiques, il est sorti plus tard. C’est un peu bizarre, parce que du coup quand l’album sort, tu es un peu en décalage, ça te semble même un peu vieux.
Pour « Long Distance Runners », on avait décidé de prendre notre temps. On a commencé en août 2013 et on a fait une semaine par mois pendant à peu près 6 mois et puis après on a fait des retouches au mix. Du coup, il y aura moins de temps entre les deux.
Pour rebondir là-dessus, tu as évolué dans ton style du premier au deuxième album. Doit-on s’attendre à une nouvelle évolution pour ce troisième album, une sorte de renouveau ?
Il y a plus d’éléments électroniques. Il y a bien sûr toujours beaucoup de guitares, mais il y a du clavier et j’avais envie de changer un peu de sonorité et du pur rock guitare-basse-batterie. Il y a aussi des boîtes à rythmes, ça reste rock, mais j’écoute aussi des trucs électros qui mélangent les deux styles.
Voilà, j’avais pas envie de me répéter. Au fil du temps, tu veux que ta palette musicale, instrumentale et artistique évolue et du coup, ça se ressent dans ta musique. Voilà, il y a des artistes qui font la même chose depuis trente ans, mais voilà, moi, j’avais envie d’explorer d’autres sonorités. Donc ce troisième album sera plus électro que ses prédécesseurs, mais ça restera fondamentalement du rock.
Y a-t-il un message que tu souhaites faire passer avec tes chansons ?
Avec les chansons, je ne sais pas, mais par exemple l’album s’appelle « Long Distance Runners » qui est une référence à un livre d’un auteur anglais Alan Sillitoe, The Loneliness of the Long Distance Runner, donc la solitude du coureur de fond. Et donc dans la musique, il se trouve qu’il y a pas mal de trucs éphémères, soit qui ne durent pas longtemps, soit dont le succès est fulgurant et puis qui retombent même si le groupe continue par ailleurs. Alors que moi, ce que je fais, ça n’a pas un succès fulgurant, mais c’est plus un travail de fond et parfois j’ai l’impression que les auditeurs plus jeunes n’ont pas forcément cette culture de suivre des groupes, même sur le moyen terme et de remarquer leur évolution. Ils vont vite passer à autre chose alors que la musique et l’art en général, c’est un travail qui évolue avec le temps.
Concernant le label, qu’en est-il ?
Moi, je change de label à chaque disque… (rires) Non, c’est le hasard. Pour le deuxième album, même si le label (Label Etrange) avait produit le disque et que c’était confortable parce que nous avons eu cinq semaines de studio, et bien moi, je n’avais pas du tout envie de renouveler cette expérience. Je voulais avoir plus de liberté et puis j’ai estimé qu’il n’y avait pas eu assez de travail par rapport à la sortie du disque, donc j’ai décidé de partir. Voilà, j’avais envie de plus de liberté.
Et Dead Bees Records offre cette liberté ?
Oui et de toute façon l’album était déjà fait quand j’ai signé avec eux. J’avais contacté Pierre (ndlr : Pierre Priot), je connaissais des groupes qu’il avait sortis, notamment The Brian Jonestown Massacre, et oui il y a une grande liberté de l’artistique chez lui. Par exemple, j’ai souhaité que la promo soit assurée d’une manière bien précise et il n’y a pas eu de problème non plus.
Dernière question sur ce nouvel album, j’ai vu que tu as réalisé une levée de fonds via KissKissBankBank, est-ce difficile, à l’heure actuelle, pour un artiste indie de produire un album et de vivre de sa musique ?
Alors, vivre de sa musique, je pense que c’est quasiment impossible même avec le statut d’intermittent en France. En fait, pour avoir un cachet à chacun des concerts, il faut qu’il y ait un certain budget et à mon niveau, en tout cas, il n’y a pas assez de budget.
Et même si l’enregistrement d’un album s’est vachement démocratisé, j’ai fait une levée de fonds et, en même temps, ce n’est pas énorme 4500 euros, mais si tu veux convenablement travailler, tu as besoin de matériel de qualité que nous n’avions pas. En plus, cette levée de fonds a super bien marché. En fait, ce qui est cher à l’heure actuelle, ce n’est pas tant la réalisation de l’album en lui-même que tout ce qu’il y a derrière. Par exemple, là, il y a un vinyle qui sort (ndlr : EP « Short Distance Runners »), ça coûte un bras à fabriquer, la promotion ce n’est pas pour rien non plus. Et il y a plein de musique qui sort tout le temps, donc si tu veux qu’on parle de toi, tu es obligé de passer à un niveau supérieur dans la promotion.
Aussi les disques ne se vendent plus donc, à l’heure d’aujourd’hui, les labels ne prennent pas de risques en fait. On peut les comprendre, mais d’un autre côté, c’est un peu scier la branche sur laquelle ils sont assis puisqu’en n’offrant pas de nouveautés, il y a une défection du public. Je pense que c’est un moment compliqué pour l’industrie du disque.
Quelles sont tes influences en général ?
Le groupe qui m’a amené à la musique, c’est Oasis. J’avais douze, treize ans à l’époque de « (What’s the Story) Morning Glory ? ». En même temps, il y avait Blur aussi et il y avait cette de guerre, on préférait l’un ou l’autre. Donc j’ai d’abord découvert Oasis et j’étais absolument fascinée. Et pourtant, à quinze ans, j’ai vu Blur en Concert et ça m’a retourné. Donc, on peut dire que mes premières influences, c’est vraiment la Britpop avec Oasis et Blur en tête et par extension Pulp. Quand j’allais en Angleterre, j’achetais les compilations qui sortaient et j’écoutais celles qui étaient offertes avec les magazines.
Par la suite, il y a eu Radiohead et Placebo, que j’aimais beaucoup à leurs débuts, maintenant j’ai un peu décroché. Et puis j’ai découvert PJ Harvey alors que j’avais dix-sept ou dix-huit ans avec « Is This Desire ? ».
Dans les groupes plus récents, j’aime beaucoup Interpol, mais c’est vrai que j’ai moins aimé le dernier album que les précédents. Pour moi, leur premier album reste une référence. J’ai aussi beaucoup aimé Nada Surf à un certain moment, tout comme K’s Choice. Un autre groupe que je trouve très bien, c’est Two Door Cinema Club, j’apprécie leur côté hyper-rock mais en même temps, c’est extrêmement dansant. Il y a Foals aussi qui est moins rock, mais qui mêle aussi ce côté guitares et côté dansant.
Sinon, dans un tout autre registre, j’aime bien Yelle. Son nouvel album a un côté disco, voire disco-dépressif. Ce qui est marrant avec Yelle, c’est qu’elle a un succès à l’étranger beaucoup plus important qu’en France. Ça a été la même chose avec M83 qui était super connu aux Etats-Unis et que la France a découvert bien plus tard. Tu te dis que c’est quand même dommage de devoir passer par l’étranger pour avoir une reconnaissance dans ton propre pays.
Pour finir, qu’elles sont les trois albums qui t’ont le plus marqué ?
C’est difficile comme question… Du coup, je dirais le premier album d’Oasis « Definitly Maybe », « Is This Desire ? » de PJ Harvey et peut-être bien « The Proximity Effect » de Nada Surf qui, encore une fois, est un album génial, mais qui n’a pas du tout marché.
Pour clôturer, ce soir à quoi doit-on s’attendre comme setlist au concert ?
Alors il y aura un bon mélange du premier et du deuxième album et il y aura trois titres du troisième album… This Is Hot, Highways et Derrida Guérilla que Dead Bees avait sorti sur une compilation.
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