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Interview de Ash

Douze ans de carrière, quatre albums, un best-of, des dizaines de singles et un succès constant en Angleterre. Pas mal pour un groupe dont la moyenne d?âge dépasse à peine 27 ans, et que nombreux condamnaient à l?oubli ou à la panne d?inspiration. Mais les Irlandais de Ash sont toujours là. Et ils ne vivent pas plus sur leur passé que dans le présent. Pour preuve, leur public se compose autant de fans loyaux recrutés lors du carton de l’album « 1977 », en pleine vague britpop, que de teenagers fraîchement ralliés à leur cause.
Cette année, avec le récent « Meltdown », Ash a musclé sa power pop d?antan, lorgnant vers un metal pop pas vraiment du meilleur goût. Mais peu importe le volume des guitares ou la brutalité des riffs, les compositions de Ash portent toujours cette double marque qui les a rendus célèbres, l?énergie juvénile et la mélodie efficace. Le quatuor irlandais poursuit sa route avec persévérance et sans se poser de questions.
Ainsi, alors que la France reste indifférente à ses productions, nous avons croisé le groupe, peu avant son troisième passage parisien de l?année. Rick McMurray, batteur, et Charlotte Hatherley, guitariste anglaise engagée en 1997 par les trois mâles fondateurs de Ash et auteure cette année d?un premier album en solitaire, « Grey Will Fade », ont répondu à nos questions. Rencontre avec un groupe insouciant mais bien décidé à durer.

La dernière fois que vous êtes venus à Paris, c?était en juin dernier, pour jouer en première partie des Pixies, au Zénith. Est-ce un bon souvenir ?

Rick : Oui, surtout que nous avons été surpris par la réaction du public. Il y avait beaucoup de trentenaires qui écoutaient les Pixies dans leur jeunesse, il y a dix ans ou plus, et ils étaient très réceptifs. Nous ne nous attendions pas à cela. Nous avons même pu discuter avec David Lovering et Joey Santiago, ce sont des types adorables. Ils ont juste quelques problèmes capillaires, ils sont devenus chauves ! (rires)
Charlotte : Oui, c?était génial. C?est une influence majeure pour nous et nous ne pensions pas les voir en live un jour et encore moins jouer avec eux !

Ash est un groupe qui passe énormément de temps sur les routes. Comment faites-vous pour avaler tous ces kilomètres chaque jour, pour finalement jouer à peu près les mêmes titres que la veille, et avec une énergie intacte ?

Charlotte : C?est notre problème : en Europe, nous ne pouvons plus nous arrêter ! Nous avons aussi fait de grosses tournées aux USA. Je trouve que c?est un peu plus difficile là-bas, parce que ce sont toujours les mêmes endroits, les mêmes Etats. Je trouve cela un peu fatigant et c?est parfois dur de se remotiver. Mais en Europe, c?est beaucoup plus intéressant, parce que nous sommes chaque jour dans un pays différent, nous jouons devant des gens différents. Personnellement, je trouve cela très excitant.

Tu parlais de vos longues tournées américaines, justement, pour un groupe britannique, cela n?est pas courant ! Vous avez du succès là-bas ?

Charlotte : Un petit peu, oui. Nos albums sortent en Amérique très longtemps après leur sortie dans le reste du monde. Donc en général, après la tournée européenne, nous partons en tournée aux USA, pour plusieurs mois. Nous avons fait la première partie de pas mal de groupes là-bas : David Bowie, Coldplay, Dashboard Confessional, des groupes emo US, puis une tournée en tête d?affiche… Après tous ces concerts, nous avons vu que les gens commençaient à nous connaître. Mais il faut y retourner encore et encore pour vraiment gagner en popularité, et très peu de groupes britanniques font cela. Ils se contentent de quelques concerts et puis s?en vont, en espérant avoir autant de succès qu?en Europe, mais c?est totalement insuffisant?

Il y a deux ans, Ash a sorti un best-of, fêtant au passage son dixième anniversaire. Quelles ont été les réactions du public ?

Charlotte : Je crois que les gens avaient oublié que Ash existait depuis déjà dix ans si bien qu?ils se demandaient « pourquoi sortent-ils un best-of ? ». Mais nous avons commencé très jeunes donc nous sommes là depuis un moment. Et nous nous sommes rendu compte que nous avions sorti vingt-cinq singles ! Nous avons donc travaillé sur ce best-of et nous avons aussi préparé une compilation de faces B sur le deuxième CD. Et finalement, les réactions ont été bonnes.

Après ce véritable bilan de carrière, comment vous êtes vous remotivé pour enregistrer un nouvel album ?

Charlotte : Oh, tout simplement parce nous n?avons jamais été démotivés ! Tim [ndlr : Tim Wheeler, chanteur-guitariste et principal compositeur] avait déjà écrit pas mal de nouvelles chansons, dont la plupart étaient inspirées par le fait d?avoir passé presque un an en tournée aux USA. Logiquement, nous sommes donc allés enregistrer là-bas, avec un producteur américain.

A ce propos, c?est la première fois que vous n?avez pas travaillé avec Owen Morris, votre producteur attitré depuis l’album « 1977 », pourquoi ?

Charlotte : Le dernier album sur lequel nous avons travaillé ensemble, « Free All Angles », a été un gros succès, n°1 en Angleterre. Ayant atteint une sorte d?apogée avec lui, nous avons décidé d?un commun accord d?arrêter notre collaboration. C?est une bonne chose pour nous de travailler avec des gens différents, notamment des producteurs américains. Cette fois-ci, nous voulions quelqu?un qui puisse capturer ce gros son américain. Nous avons donc travaillé avec Nick [ndlr : Nick Raskulinecz, producteur des Foo Fighters] à Los Angeles, dans le studio historique où Nirvana a enregistré « Nevermind » !

Votre nouvel album, « Meltdown », est plus heavy. Vous allez prochainement tourner en première partie de The Darkness. Ash se rapproche donc plutôt du hard-rock en ce moment. C?est un style qui fait partie de vos influences ?

Charlotte : Oui, les garçons ont un background heavy-metal.
Rick : C?est vrai, nous avons grandi en écoutant Megadeth, Metallica? Ils ne nous ont pas vraiment inspiré mais nous écoutions tous ces groupes quand nous avons appris à jouer de nos instruments. Et sur cet album, ces influences un peu lointaines sont beaucoup plus présentes qu?avant.
Charlotte : The Darkness sont vraiment énormes en Angleterre. Pour plusieurs raisons, c?est idéal de tourner avec eux pour cet album. Mais je ne sais pas si nous sommes si proches d?eux musicalement, ils sont très heavy-metal alors que nous écrivons toujours des choses très mélodiques.

Si le heavy-metal a toujours fait partie de votre univers, pourquoi n?avoir pas enregistré plus tôt un album aussi dur ?

Charlotte : Parce qu?on était pas suffisamment bons ! (rires). Il y aussi le fait d?avoir joué si longtemps aux USA avec des groupes américains. Nous faisions des premières parties, pour la première fois depuis des lustres et nous devions nous montrer à la hauteur. Cela a beaucoup fait progresser notre jeu. Autrefois nous étions assez punk, c?était assez chaotique, mais maintenant nous sommes plus rock, surtout en live. Nous avons aussi passé beaucoup de temps à écouter la radio américaine pendant ces tournées. Donc les compositions étaient de façon naturelle beaucoup plus dures.

Quelle sera la prochaine étape alors ?

Rick : Du jazz ? (rires)
Charlotte : Je ne sais pas. Les choses plus heavy nous réussissent donc nous allons peut-être continuer dans cette voie.
Rick : Peut-être un disque acoustique. Il nous reste beaucoup de titres acoustiques qui n?ont pas servi pour les trois derniers albums.
Charlotte : Oui, il y a beaucoup de titres que nous avons mis de côté parce qu?ils n?auraient pas eu leur place sur un album aussi rock. Tim a écrit pas mal de titres qui sonnent comme du Guided By Voices. Mais il y a plusieurs pistes différentes que nous pouvons explorer.
Rick : Le prochain album se situera entre Slayer et Badly Drawn Boy ! (rires)

Il y a un album vraiment à part dans votre discographie, c?est le deuxième, « Nu-Clear Sounds », qui est plus mélancolique. Mais vous ne semblez pas beaucoup l?apprécier. Vous le jouez très peu en live, alors qu?on peut le considérer comme votre meilleur disque !

Charlotte : C?est vrai, c?est un disque unique et étrange. Des titres comme Folk Song, Aphrodite, Low Ebb sont de très jolies ballades mais aujourd?hui, il nous serait totalement impossible de les jouer. L?écriture de ce disque a été très éprouvante. Cela serait donc trop difficile de jouer ces chansons, cela nous rappellerait des mauvais souvenirs. Aujourd?hui, nous voulons juste nous amuser.

Charlotte, tu as sorti un album solo, suivi de quelques dates. Etait-ce important pour toi de te lancer dans une aventure solo ?

Charlotte : Oui, je suis très fière de l?avoir fait. Je n?ai jamais vraiment ressenti le besoin de jouer seule devant un public, par contre je voulais faire cet album depuis des années. En plus, les gens ont l?air de l?apprécier, donc je suis ravie. J?espère pouvoir en faire d?autres !

Après cette expérience, penses-tu prendre une plus grande part dans le processus d?écriture chez Ash ?

Charlotte : Pas vraiment. Tim est le principal compositeur. Il est très prolifique et je n?écris pas autant que lui. Il y a vraiment un processus d?écriture bien rôdé chez Ash et je ne veux pas le remettre en question. Tim compose les chansons et ensuite nous les retravaillons ensemble et c?est très bien comme cela.

Vous êtes responsables de deux albums classés n°1 en Angleterre, vous avez sorti un best-of couronnant dix ans de carrière, vous avez joué en première partie des Pixies, U2, Coldplay? Que vous reste-t-il à accomplir ?

Rick : Nous n?avons pas encore fait tout ce qu?un groupe est en mesure de réussir. Nous n?avons pas encore atteint notre apogée. C?est pour cela que nous continuons. Nous avons par exemple été n°1 en Angleterre, mais nous ne sommes pas si populaires en Allemagne, en France ou aux USA.

Justement, comment vivez-vous votre échec relatif en France ?

Charlotte : Nous ne nous décourageons pas facilement. Chaque pays a un marché musical propre. C?est pour cela qu?il faut y tourner sans relâche. Nous avons fait de très bons concerts à Paris. Nous avons joué ici avec les Pixies et le public était réceptif. On ne sait jamais ce qui peut arriver, parfois la réaction du public est surprenante et très positive. Pour le moment, cet album marche beaucoup mieux ici.
Rick : Contrairement à ce que je disais tout à l?heure, ce n?est pas nécessairement une question d?apogée, c?est aussi un combat. Nous sommes inconsciemment optimistes, un jour, la roue finira par tourner.

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  • Pas de concert en France ou Belgique pour le moment