Interview de Dwelling
Dwelling est un combo portugais qui navigue sur les mers du fado en y incorporant d?autres influences (musique contemporaine). Le groupe crée alors une musique acoustique enivrante, à la fois délicate et travaillée. Evoluant alors dans un univers sûr, ils sortaient en octobre dernier leur premier véritable album « Humana « . Peut-être temps désormais de s?entretenir avec le groupe ou tout du moins avec son leader Nuno Roberto.
Tu es à l?origine de ce projet. Comment l?évolution s?est-elle faite vers un groupe ?
Pendant deux ans, j?ai pensé Dwelling comme un projet solo, alors que j?habitais Algarve, une province du sud du Portugal. Je travaillais essentiellement avec des guitares acoustiques, définissant la sonorité que je souhaitais avoir. Comme tu peux l?imaginer, travailler avec seulement une guitare est assez restrictif et l?idée d?élargir ce projet à un groupe s?est faite assez naturellement.
Pour des raisons professionnelles, j?ai déménagé à Lisbonne en 1998. À partir de ce moment, j?ai pu envisager de trouver des gens suffisamment intéressés pour rejoindre ce genre de projet. C?est ainsi qu?en 2000, j?ai invité Helder Dias à travailler sur les guitares avec moi, un peu plus tard Catarina Raposo et Silvia Freitas nous ont rejoint sur le chant et le violon. Deux semaines avant l?enregistrement de « Moment », Jaime Ferreira a pris finalement la responsabilité de tenir la basse.
Le line-up a un peu changé depuis, puisque Helder a quitté le groupe en septembre 2002 pour être remplacé par Nicholas Ratcliffe qui a participé à l?enregistrement de « Humana ».
Les autres membres du groupe prennent-ils part à la création ou les choses restent entre tes mains ?
Tout le monde prend part à la composition. Je pense que l?intérêt d?avoir un groupe n?ai pas d?avoir plein d?instruments mais des idées, des sensibilités et une créativité différentes.
Et dans ce processus, est-ce que les filles apportent une autre sensibilité ?
Je pense que tu as effectivement raison. Les filles ont une sensibilité différente qui apporte à Dwelling des éléments féminins et sensuels qui n?étaient pas là au début, modifiant complètement notre identité originelle.
Vous travaillez à partir de la tradition du fado. Est-ce que vous êtes, tous, issus de ce milieu musical ou est-ce pour vous une découverte tardive ?
Le fado est venu relativement tard dans nos vies. Bien que ce soit une musique traditionnelle très présente, il était aussi associé, jusqu?en 1974, au régime fasciste, puisqu?il était la seule musique autorisée. Pour cette raison, il a été un peu délaissé après la Révolution des ?illets. De nos jours, avec le buzz autour de la World Music, le fado prend un nouveau souffle et une nouvelle visibilité, ce qui n?était pas le cas ces deux dernières décennies.
A part ça, il y a également un facteur important. Le fado est un genre de musique très émotionnel et tu as besoin d?avoir un certain vécut avant de pouvoir vraiment l?apprécier. C?est quelque chose que tu as du mal à apprécier quand tu es adolescent.
Comment avez-vous travaillé sur la conception et l?enregistrement de « Humana » ? Il me semble qu?il s?agissait pour vous d?illustrer un peu la vie d?un individu de la naissance à la mort. Tu peux nous en dire un peu plus ?
Pour cet album, nous avons décidé de créer notre propre petite ?contre-utopie?, suivant un peu le travail de George Orwell, Philip K. Dick, William Gibson et quelques autres. Nous y décrivons, de manière métaphorique, la croissance et le déclin d?une civilisation hypothétique. Dans le même temps, les chansons peuvent se rapprocher de la vie d?un individu, illustrant les moments-clefs de cette personne.
Cela s?est principalement fait pendant que nous composions les chansons. Quelqu?un apportait une première mouture et les autres donnaient leur opinion jusqu?à obtenir la bonne version
L?enregistrement de cet album était quelque chose de clairement planifié depuis la sortie de « Moments ». Bien qu?on l?ait repoussé plusieurs fois à cause de différents problèmes, dont le changement de line-up, nous avons relativement suivi le plan que nous nous étions fixé pour cet album. Nous sommes plutôt fiers du résultat.
Vous offrez des teintes différentes par des apports de la musique contemporaine, du néo-classique ou du jazz. Cette attirance pour les mélanges s?est-elle fait naturellement ou a-t-elle suivi un processus de réflexion ?
Je pense que ce genre de mélange est assez naturel, quelque chose vers lequel nous avons toujours tendu. La plupart des membres du groupe ont une culture et des idées différentes sur la musique, alors nous mettons ces différences dans notre musique.
Il est fréquent que quelqu?un écrive une ligne très mélodique et qu?un autre musicien prépare quelque chose de très contemporain dessus, et vice-versa. C?est ce qui donne cette couleur particulière à notre musique, il y a peu de barrières. Les seules règles, les seules limites que nous pouvons connaître sont celles imposées par les instruments que nous utilisons.
Pensez-vous renouveler un genre peut-être un peu figé jusque là ?
Je ne pense pas que nous ravivions un style de musique en particulier, s?il y a d?ailleurs un genre spécifique pour cataloguer notre musique. Nous sommes un groupe d?artistes travaillant dans ce que nous pourrions qualifier de ?néo-classique, folk et associés? mais on a tous été prendre à droite à gauche dans d?autres genres musicaux comme la world music, le métal, le gothique, etc.
Votre musique est très sereine? Traduit-elle un état d?esprit, une certaine philosophie ?
Je pense que cette sérénité dans notre musique vient plus des instruments que nous utilisons plus que la composition. Pour te donner un exemple et excuse moi de donner des détails techniques, nous utilisons souvent la quarte augmentée qui est devenue l? »Intervalle du Diable » lorsqu?elle a été interdite par l?Inquisition au XIIème siècle pour son caractère dissonant. Mais, grâce aux cordes et leur côté un peu éthéré, ce n?est plus du tout offensif.
Je ne pense pas d?ailleurs qu?il y ait une philosophie dans notre musique mais un amour profond pour les instruments à cordes et leurs qualités acoustiques. C?est ça qui a vraiment donné vie au groupe.
Si votre musique est, me semble-t-il, relativement accessible, il semble intéresser surtout un public gothique. Qu?en est-il exactement ? Comment êtes vous perçu par le public du fado ?
Pour être très honnête, je ne suis pas certain de la façon dont les gens réagissent à notre musique. Nous avons des réactions vraiment différentes venant de personnes d?horizons musicaux très différents.
Je pense que si nous avons beaucoup de réactions positives et de soutiens des communautés dark et indépendantes (gothic, métal, indie), c?est parce qu?elles sont, en général, plus ouvertes aux nouveaux groupes. Leurs scènes sont relativement dynamiques, surtout lorsqu?il s?agit de suivre des groupes émergents. Je pense qu?elles ne sont pas si dépendantes de ce que les majors (label et média) disent d?écouter. Cela a dû nous aider à obtenir leur soutien.
Comment l’album a-t-il été accueilli dans votre pays ? Et ailleurs ?
Je pense que ça a été une expérience étrange, compte-tenu du fait qu?on est pas vraiment sûr de ce qui s?est passé chez nous? Nous avons eu de bons retours de la presse, même un petit passage sur une chaîne nationale. Mais il n?y a eu aucun suivi, c?était très occasionnel. Je pense que c?est sans doute parce que nous appartenons à un petit label indé et que les majors sont toutes puissantes au Portugal.
Pour les auditeurs de notre musique, nous avons eu également de bons retours, de même des organisateurs de concerts puisque nous avons été pas mal programmé cette année.
Pour le reste du monde, cela dépend vraiment de l?endroit, de la distribution et du suivi par la presse. Nous avons eu de très bons échos en Allemagne où nous avons joué en mai et en Italie où nous irons en octobre.
De quels artistes vous sentez-vous proches aujourd?hui ?
Il y a beaucoup d?artistes que j?aime et qui ont une incidence sur moi, alors c?est difficile d?en mentionner que quelques-uns. Pour résumer, je dirais que je me sens proche d?artistes comme Ashram, Caprice, Vittorio Vandelli et Ataraxia, Sally Doherty? La liste pourrait se poursuivre à l?infini?
Sur quoi travaillez-vous aujourd?hui ?
?Humana? doit sortir à Hong-Kong le 20 septembre, donc nous allons nous consacrer à sa promotion le reste de cette année. Nous ferons également pas mal de concerts dont un court passage par l?Italie et par l?Espagne.
Nous travaillons également sur une petite vidéo qui doit surtout nous servir à promouvoir le groupe auprès des acteurs de la scène musicale, tourneurs, programmateurs, etc. Elle sortira également sur notre site, comme ça notre public, qui est susceptible d?être intéressé, pourra y avoir accès.
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