"> Interview de eNola - Indiepoprock

Interview de eNola

Merci à Jean-Louis (chant – guitare) et Olivier (guitare) de m’avoir accordé un long entretien de plus de trois-quarts d’heure après un excellent concert d’eNola au Divan du Monde (Paris – 05 avril 2001).

Est-ce que cette date au Divan du Monde représente une date importante de votre jeune carrière ?
Jean Louis : On va dire que c’est une date bilan en quelque sorte. Ca fait un an qu’on existe. Ca tombe comme ça, ce n’est pas du tout calculé, mais ça tombe au bon moment pour faire un bilan sur cette année, pour voir d’où on est parti jusqu’à aujourd’hui, comment ça a évolué. Au niveau du public aussi, on a beaucoup bossé sur ce concert. On a faxé énormément, on a fait beaucoup de promo, des radios, des envois de mails, plein de choses. C’est vraiment une bonne occasion de tester le groupe, de voir si ça a amené du monde, voir si sur scène on s’était amélioré.

Justement, quel est le bilan depuis un an ?
Jean-Louis : C’est très positif.
Olivier : On a toujours été de l’avant, on a toujours évolué dans ce qu’on a fait.
J-L : Bon, on est ravi.
O : Ce concert était mieux que la dernière fois et moins bien que la prochaine j’espère (rires).

A propos du début d’Enola, qu’est-ce qui vous a poussé à abandonner le métal hard-core de Prorata Temporis ?
J-L : Déjà, à la base, tout le monde n’est pas de Prorata Temporis. Il y a le cas Prorata Temporis : nous deux, plus Mathieu, qui est arrivé à la fin de Prorata Temporis, avons eu marre de faire cette musique car on ne s’y retrouvait plus vraiment, on avait envie de faire d’autres choses. De là, il y a un projet sur lequel se sont greffés d’autres gens et on est vraiment reparti de zéro. C’est sûr que nous pouvons déjà avoir un bagage puisque nous avons déjà fait 150 dates avec Prorata Temporis. Au niveau des répétitions, des compos, de la scène, il y a un bagage, mais cela dit, Enola est un groupe tout neuf. Ca n’a plus rien à voir avec Prorata.

La fin de Prorata Temporis a été motivées par des divergences musicales ou des problèmes plus personnels ?
J-L : Non, on s’entendait bien.
O : On commençait à tourner en rond, à ne plus savoir où est-ce qu’on allait. On n’avait plus trop de concerts en prévision, on commençait vraiment à stagner. Ca s’essoufflait…
J-L : Ca s’essoufflait parce qu’il n’y avait plus la même envie. C’est une musique qui demande énormément d’énergie. Quand c’est tout neuf, l’énergie, tu l’as, notamment sur scène. Mais au bout d’un moment, lorsque ça fait 100 fois que tu joues le même morceau, si tu n’as pas la même énergie ce soir-là et que tu dois quand même sauté partout, ça devient très difficile.
O : Et en même temps, c’est un moyen d’élargir aussi nos émotions et ce qu’on voulait faire passer dans notre musique.
J-L : Ne faire passer que du rentre-dedans, c’est bien mais il aussi savoir s’ouvrir.
O: Il y a toujours des titres énergiques mais il y a aussi des choses plus calmes, beaucoup plus acoustiques.
J-L : Entre la fin de Prorata Temporis et le début d’Enola, ce n’était pas la même chose, mais il commençait à y avoir plus d’affinités entre les deux groupes… Ce que les gens connaissent de Prorata, c’est « Essen’ciel », le dernier CD, qui correspondait à la période la plus radicale, mais en fait on avait ensuite amorcé une « popisation » de la musique. Mais on voyait bien que la sauce ne prenait pas, on n’avait pas les mêmes envies musicales.
O : On voulait repartir sur de nouvelles bases.
J-L : C’est dur de laisser tomber un groupe sur lequel on s’est investit pendant des années, mais en même temps, c’est vraiment positif de repartir à zéro. On sent le sang neuf et l’envie.

Combien de temps a existé Prorata Temporis ?
O : En tout, ça a duré 8 ans, en considérant qu’au début, c’était un groupe de potes, on jouait dans les MJC, les fêtes de la musiques, etc. La période sérieuse a duré 4 ans à peu près, pendant lesquels on a cherché des concerts, on a tourné en province, on a fait des CD, etc.

Est-ce qu’il y a un événement ou un album qui vous a incité à vous orienter vers une musique plus pop ?
J-L : Non, il n’y a pas eu « un » disque révélation.
O : Il y a eu plein d’albums.
J-L : Par contre, il y a eu Jeff Buckley, avec un lyrisme échevelé et en même temps c’était très rock. Personnellement, ça m’a ouvert à d’autres choses, des artistes que je n’écoutais pas. Mais il n’y a pas un disque qui est sorti après lequel on s’est dit « Non, ce qu’on fait, ce n’est pas bien, c’est plutôt ça qu’il faut faire ». C’est plutôt un tout. Ca fait des années et des années qu’il y a une scène pop aux États-Unis et en Angleterre, pas la brit-pop mais des trucs un peu plus sombres. Aux États-Unis notamment, il y a énormément de groupes très peu connus mais qui font des trucs géniaux. C’est la découverte de toute cette scène petit à petit qui nous a ouvert à d’autres choses plutôt qu’un groupe qui aurait été la révélation. Ca aurait pu être possible cependant.

De quelle scène vous sentez vous le plus proche ? Rock américain, pop anglaise ou pop française ?
J-L : On a des goûts assez différents dans le groupe.
O : Musicalement, on est quand même influencé par ce qui est américain ou anglais.
J-L : La pop française est beaucoup moins… il n’y a pas énormément de choses.
O : Il y a sûrement de bons groupes, mais beaucoup moins médiatisés.
J-L : On ne se reconnaît pas tellement pour le moment dans la scène pop française parce que quelque part elle est un peu inexistante. Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas de bons groupes, mais il n’y a pas une scène fédérée comme celle du néo-métal en France actuellement, où il y a vraiment tout un réseau. Tout le monde s’entre-aide, tout le monde émerge en même temps. Il y a vraiment un phénomène. En ce qui concerne la pop, il y a un groupe qui émerge de temps en temps, mais il n’y a pas vraiment de scène. O : Mais ça changera peut-être. Tout ce qui est métal est vachement éphémère. Il y a eu Lofofora il y a quelques années et maintenant ça marche beaucoup moins. Maintenant c’est Enhancer et dans 4 ans ce sera encore un autre groupe.

Quels sont vos projets ?
J-L : Malheureusement, on n’est pas décideur en la matière. On fait de notre mieux. On est en train de bosser sur un album. On aimerait bien qu’il voit le jour, mais pas tout de suite. Pour l’instant on rode les morceaux, on rode la scène, de façon à ce que notre nom circule, à se faire connaître. Mais on bosse déjà sur l’album. C’est notre but.
O : On n’a pas de date précise, on n’a pas de délai fixé.
J-L : Par contre on ne le sortira pas tant qu’il n’y aura pas de structure derrière. Ca nous laisse une marge réduite parce qu’il faut qu’on tombe sur le bon label.

Justement, avez-vous déjà des contacts avec des labels ?
J-L : Oui, il y a des labels qui nous suivent, qui nous regardent régulièrement, qui donnent leur avis. Tout le monde trouve que ça s’améliore, tout le monde reste intéressé. Pour le moment c’est positif. Maintenant, Enola est un groupe qui avance, mais c’est clair qu’on ne peut pas signer tout de suite. A la limite ce serait même la pire des choses. Ce serait un coup soit à prendre le chou puis à imploser rapidement, soit à être médiatiquement exposé. Et un groupe créé de toute pièce peut aussi être assez malsain. On préfère s’installer sur une certaine durée et émerger naturellement. Je ne dis pas qu’on a les qualités pour, mais en tout cas le parcours classique d’un groupe, c’est plusieurs années de boulot avant que le groupe émerge.
O : On ne veut plus faire les mêmes erreurs qu’avec Prorata.

L’expérience de trois des membres du groupe devrait vous servir au niveau musical ainsi qu’au niveau de votre future carrière ?
O : Ca va surtout nous servir pour tout ce qui est à côté du groupe lui-même.
J-L : C’est clair. Le problème c’est que Prorata Temporis était auto-managé, c’est-à-dire que c’était tous les musiciens qui mettaient la main à la patte. C’est forcément pas très bien fait. On ne peut pas être au four et au moulin. C’est très dur, ça prend beaucoup de temps. C’est aussi déstabilisant. Certains jours on trouve des trucs très bien et d’autre jours, des mecs t’envoient chier parce que le milieu est loin d’être tendre, ce n’est pas l’idéal. Avec Enola, dès le départ, on a trouvé un manager, on a un tourneur (Le Syndicat), il y a des gens qui nous suivent et du coup nous nous occupons uniquement de la musique. On fait ce qu’on a envie de faire le mieux possible.
O : C’est eux qui se prennent les baffes à notre place.

Visiblement, vous vous êtes entourés d’une structure plus solides que la plupart des groupes non signés. Vous semblez à mi-chemin entre un groupe autoproduit et un groupe non signé.
J-L : C’est le hasard des rencontres. Ben, le manager, ça fait très longtemps qu’on le connaît. Il commençait déjà à titiller dans le secteur avec plusieurs groupes et après il nous a filé un bon coup de main sur la fin de Prorata. Quand on a lancé Enola, il était là dès le départ. Ce n’est pas une pièce rapportée, c’est vraiment le sixième membre du groupe. Il a pu lancer le boulot dès le départ. C’est vraiment un atout. Il bosse vraiment bien, il est tout le temps sur Paris, il est partout. Grâce aux rencontres qu’il fait, il est entré en contact avec les tourneurs et notamment le Syndicat.

De combien de titres se composent actuellement votre répertoire ?
J-L : On en joue 11 sur scène. Après on en a une quinzaine au total.
O : Après on a des ébauches, des titres qui ne sont pas encore terminées, plein de trucs.

Comment ressentez-vous l’évolution de vos morceaux entre les 4 titres du premier EP « Figure 1 » et les chansons les plus récentes qui sont parfois plus expérimentales?
J-L : On essaye en fait d’élargir un peu l’éventail de ce qu’on fait en faisant des morceaux encore plus soft, des trucs très calmes, très posés, avec très peu de notes. On cherche un peu un côté minimaliste sur certains morceaux. Et puis, d’autres morceaux où, au contraire, on fait des trucs un peu plus rock, qui rejoignent un peu ce qui était sur « Figure 1 », mais en étant plus intensifié. On voit un panel qui va de morceaux réellement rock à d’autres très calmes. Cela peut paraître étrange de vouloir sonner minimaliste alors qu’il y a trois guitaristes sur scène.

A ce propos, est-ce un choix délibéré d’avoir trois guitares ou bien est-ce que cela s’est fait au hasard des rencontres ?
O : Oui, par le hasard des rencontres, et puis on s’est dit : « Pourquoi pas, on essaye ». C’est toujours pareil, on est parti sur des essais. On essaye de jouer ensemble, on voit ce que ça donne. C’est comme ça qu’on a évolué. Trois guitares, ce n’était pas vraiment le projet de base.
J-L : Il n’y avait pas de projet de base. Je jouais avec Olivier dans le cadre de Prorata et je jouais avec Renaud dans le cadre de ce qui n’était pas encore Enola, mais je commençais déjà à composer plein de trucs et à les faire avec lui. C’était une version beaucoup plus minimaliste, avec uniquement deux grattes acoustiques. On bossait un peu avec un violoncelliste. En fait quand j’ai arrêté Prorata, on a fusionné les deux projets. On s’est retrouvé à trois guitares. On s’est dit « C’est chouette, c’est plutôt une chance d’avoir trois guitaristes, on va pouvoir faire plein de choses ». Il y a eu un petit moment de flottement. C’est pas évident, ce n’est pas parce qu’il y a plus de monde que c’est forcément mieux. Mais on est arrivé à trouver l’équilibre et on est vraiment content. Justement à trois guitares, on peut se permettre de faire des trucs très minimalistes. Chaque guitariste peut faire une note, une note qui est différente et qui n’est pas jouée au même moment. Donc ça donne des sortes de croisements. Ca change sans arrêt de mélodies.
O : En même temps, il peut y avoir des pauses, des temps morts. Ca permet aussi un spectre sonore large et riche, avec des sons de guitares très différents.

C’est marquant sur scène. Chaque guitariste s’efface tour à tour, ce qui fait que le son est toujours clair et en même temps très riche. Vous semblez avoir trouvé un bon équilibre.
J-L : C’est déjà une grosse part du boulot. Pour le moment, au niveau des compos, ça vient plutôt tout seul. On n’a pas trop de mal à composer. Le gros du boulot musicalement, ça a été de trouver comment arranger les morceaux, qui fait quoi. Ca a mis un petit temps.
O : Ca a mis un certain temps pour que chacun trouve sa place.
J-L : C’est vrai qu’on est content des nouveaux morceaux.

Quel est le processus de composition ?
O : Ca part sur une idée de Jean-Louis. Il y a souvent une grille d’accords avec une ligne de chant, une mélodie. Il arrive avec sa guitare sèche puis on ajoute une ligne de basse, un petit son… C’est un travail de groupe. On se suggère des idées mutuellement. Ce n’est pas le batteur qui fait la batterie, le guitariste qui fait la guitare… Il y a Loïc, le batteur, qui est aussi très branché guitare et qui apporte ainsi des idées sur les morceaux. Vous alternez chant en français et en anglais. Quelle en est la raison et y a-t-il une langue que vous souhaitiez privilégier ?
J-L : Le français. Il y en a de plus en plus et il y en aura encore de plus en plus. Ca ne veut pas dire qu’on ne fera pas de nouveaux morceaux en anglais, si la chanson s’y prête… Au départ, c’est un nouveau projet, on aime bien se camoufler un peu donc l’anglais, c’est un peu facile, on est un peu en retrait. Avec le français, on est vraiment nu, pour peu que les gens comprennent ce qu’on dise (rires). C’est beaucoup plus dur à écrire en français. Avec l’anglais, il y a plein de clichés qui passent vraiment sans poser de problèmes alors qu’en français…
O : … il y a des mots assez durs à caser.
J-L : Je m’y retrouve beaucoup plus à chanter en français parce que c’est ma langue. En écrivant, on peut jouer avec les mots. Et puis, quand on joue les morceaux, je les vis plus.
O : Je fais plus attention aux textes en français en tant que musicien alors que les textes en anglais font plus office d’accompagnement sonore. En français, il y a quelque chose en plus.

Voulez vous faire passer un message à travers le contenu de vos textes ?
J-L : Non, ce sont des chroniques, ce sont des personnages qui se livrent les uns à la suite des autres. Des fois c’est un peu moi qui parle, des fois ce n’est pas du tout moi. Je fais des petits constats. C’est plus sur l’état intérieur des gens que sur l’état de la société. Il y a d’autres médias pour ça. On n’est pas là pour faire la morale aux gens.
O : On essaye de faire passer des sentiments, des émotions.
J-L : On essaye de faire quelque chose de plus personnel.

Changeons complètement de sujet : vous n’avez pas encore de site web…
J-L : C’est une question de semaine en fait. Il est en construction. Il y avait un premier projet qui a un peu capoté. Le mec qui bosse dessus a réattaqué il n’y a pas très longtemps. Maintenant, ça avance à vitesse grand V.

Que peut vous apporter internet ?
J-L : En tant que citoyen, c’est génial. On peut aller n’importe où et rester en contact avec les gens. On peut s’informer sur des milliers de choses. Et puis au niveau du groupe, c’est pareil. Pour moment, on envoie une lettre d’information toutes les deux semaines environ. Et puis après, on aimerait vraiment qu’il y ait une interactivité avec le site, que les gens nous écrivent leurs impressions sur un concert, sur un morceau, sur n’importe quoi et qu’on puisse répondre. On voudrait qu’il y ait un échange direct. Internet, c’est très bien et ça permet en plus plein de folies. C’est humainement super bien et c’est en même temps un outil artistique. C’est vraiment le prolongement du groupe comme l’est une pochette de disque, un T-shirt…

Est-ce que vous seriez favorable à la présence d’un bon nombre de mp3 sur votre site, ou pas du tout ?
J-L : Tant qu’on n’est pas confronté au problème, on peut dire : « On mettrait tout sur Napster, histoire de faire la nique aux grosses majors et compagnie ». Mais nous, on n’est pas du tout dans ce cas-là donc c’est un peu facile de dire ça. Je trouve que c’est plutôt bon esprit quand même qu’on puisse diffuser sa musique gratuitement, parce que ce n’est pas de la lessive. Maintenant, c’est une réalité, il faut que les musiciens puissent vivre et il faut trouver un équilibre. Je pense qu’on peut en même temps donner pas mal de trucs à ses fans…
O : … tout en garantissant une sécurité au niveau des droits pour ne pas être totalement à la rue. En plus, un groupe pas connu comme nous, si on met tous nos morceaux disponibles sur le site…
J-L : … on ne vendra jamais un seul album. Mais c’est plutôt une bonne chose.

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