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Interview de Fugu

Autour d’un petit blind test prétexte, entretien avec Fugu autour des notions d’hommages, d’arrangement, d’ambition et de pop, des termes qui s’appliquent bien entendu à son formidable premier album  » Fugu 1 « .
Je suis originaire du Maghreb, de Tunisie. Je n’ai donc pas eu une éducation musicale très pop. Disons pour caricaturer qu’entre deux disques d’Oum Khalsoum, il y avait de temps en temps un disque des Beatles qui traînait. Mais c’était  » Sergant Pepper  » et  » Abbey Road  » ! Sinon, mes parents avaient surtout de la musique classique et de la variété arabe.
En fait je me suis surtout cultivé en écoutant RFM? Il y a dix ans, c’était honnête ! Puis j’ai fait quelques années au conservatoire, j’ai appris à jouer du piano.

Avant ce premier album,  » Fugu 1 « , tu as sorti beaucoup de morceaux numérotés (F1, F12?) sur des petits labels. Etaient-ils déjà dans l’esprit pop anglais de ton album ?
C’étaient en quelque sorte l’ébauche des chansons de cet album, mais avec moins de moyens. Le son était donc à l’époque moins arrangé, mais aussi parce que je ne m’imaginais pas faire des arrangements un peu coûteux, j’ai découvert ça avec cet album. J’ai pu mettre en ?uvre des idées un peu plus ambitieuses au niveau du son, mais aussi au niveau des chansons. On peut faire des fins plus longues, utiliser plus de pistes pour enregistrer, inviter des musiciens? J’ai toujours eu besoin d’au moins 24 pistes pour que mes chansons s’épanouissent. Auparavant j’étais obliger de ruser, là je les ai enfin eues !

The Divine Comedy : Your Daddy’s Car.
(Il reconnaît immédiatement) C’est sûrement son meilleur morceau.
Il y a sept ou huit ans, Neil Hannon était un modèle pour moi, pas forcément musicalement (à mon avis, ce gars-là a été plus influencé par la new wave que par les Beatles), mais c’était un exemple encourageant car il faisait des choses très denses et très belles. Et puis je me retrouve plus dans le Neil Hannon des débuts, qui peaufine ses morceaux dans sa chambre. Sauf qu’il a enregistré  » Liberation  » en studio. Pour ma part, j’ai effectivement énormément préparé les morceaux avant de les enregistrer dans des conditions de studio. Mais je n’ai pas tellement pu les retoucher après. Tout était assez millimétré. Par contre, j’ai fait intervenir beaucoup plus de musiciens dans mon album. Je ne suis pas aussi bon instrumentiste que Neil Hannon, je dois donc beaucoup déléguer.

Orwell : Des Lendemains
(Il reconnaît très vite) J’ai beaucoup enregistré avec Jérôme Didelot, d’Orwell. On vit à quelques mètres l’un de l’autre. Il m’a prêté son 16 pistes il y a quelques années, puis on s’est très bien entendu. Il a fait une bonne partie des guitares et des basses sur l’album. Il les joues bien mieux que moi. Mais il est plus qu’un session man, il a aussi donné son avis sur les chansons, comme un bras droit. John Cunningham a aussi eu un grand rôle puisqu’on a mixé la moitié de l’album ensemble. Il m’a fourni ses compétences d’ingénieur du son et m’a ainsi permis de tester beaucoup plus de choses.

Le fait de jouer une pop très datée, très anglaise a-t-il été un défaut pour trouver une maison de disques ?
Oui en France, non à l’étranger. En France, à part Ici d’Ailleurs, personne ne s’est manifesté. Il y a un énorme à priori sur le chant en anglais, et les années 60 semblent avoir une connotation un peu ringarde. Par contre en Angleterre, par exemple, l’état d’esprit n’est pas du tout le même.

D’ailleurs ta maison de disques avoue te considérer comme une opportunité de implantation à l’étranger, peut-être plus qu’en France ?
Je trouve surprenant que des groupes comme Tahiti 80 marchent plus à l’étranger qu’en France. Mais bon, il suffit de prendre ça en considération et de ne pas forcer la main en France, finalement, ce n’est pas très important de ne pas avoir tant de succès en France. C’est comme ça pour moi depuis le début?

Paul Mc Cartney : Junk
(Il reconnaît immédiatement) C’est une de mes chansons préférées. Les Beatles et Mc Cartney sont évidemment une grande influence. Les Beatles pour l’exigence, et Mc Cartney pour ce qu’il n’a pas fait et ce qu’il aurait pu faire. Finalement, il n’a pas fait tant de bons disques que ça, il a très vite délégué la production à des gens pas très talentueux, comme Denny Laine, le batteur qui est arrivé sur  » Ram « . Il n’y a que son premier album qui me convainque. J’aime aussi sa vie de famille. Le côté  » à la ferme avec Linda  » ? !
Totalement. Mais je ne sais pas si on peut produire de la bonne musique dans ces conditions. Mais l’image qu’il donnait à l’époque est assez réjouissante, ça donne envie de faire de la musique ainsi.

The Beach Boys : Tears In The Morning
(Il reconnaît immédiatement et explique)Ce n’est pas un morceau de Brian Wilson mais de Bruce Johnson, sur l’album  » Sunflower « . Ce que j’aime dans cette chanson, c’est son côté Mc Cartney. D’ailleurs à cette époque les Beatles n’existaient plus, c’est presque un hommage des Beach Boys aux Beatles. Les Beach Boys étant bien sûr aussi une influence.

Par rapport à la musique de ces groupes, tu considères plus ta propre musique comme une sorte de décalque, d’hommage ?
Ce n’est pas du tout de l’hommage. Ni du décalque d’ailleurs. C’est juste une envie de produire mes chansons avec des sons de batterie ou de guitare marqués par une époque. Mais les chansons restent uniques. On ne peut pas sortir une chanson de son arrangement et dire qu’elle est des années 60, sauf si elle contient certains tics, certaines suites d’accord. Et c’est justement des choses que j’ai évité de faire dans mes chansons, au moins parce que quand tu pars sur une suite d’accord déjà usitée, tu te retrouves très vite à construire une chanson déjà existante, ou à faire une chanson qui va vers la facilité.

D’où vient l’ambition musicale que l’on retrouve dans tes arrangements?
L’idée c’est de dépasser les poncifs comme  » Le violon donne un son classe  » pour tenter des choses qui n’ont pas été faites en pop, mais qui ont été faites en jazz ou en classique. Finalement, la pop avec instruments classiques a tendance à s’auto recycler dans les arrangements, au lieu de retourner à la source, à la musique classique. C’est bien la preuve qu’il y a encore des idées à trouver.
Pour revenir sur l’ambition elle-même, j’ai effectivement essayé de repousser mes limites. Mais en même temps, les arrangements sont appelés par les chansons elles-mêmes, pour que ça sonne. Il y a aussi le fait que je n’ai pas de groupe, qui m’a poussé à remplacer une formation classique par des instruments variés.

De toutes ces influences, Beatles, Beach Boys, mais aussi Love ou Left Banke, est-ce qu’il y en a une qui te semble plus influente ?
Il faut tout une carrière pour influencer quelqu’un, parce que ce ne sont pas des choses ponctuelles qui peuvent inspirer, mais un certaine état d’esprit, quelque chose qui se développe au moins sur une dizaine d’années. Mais finalement, les influences donnent plus envie d’écrire des chansons que de faire des redites de ce qui existe déjà. Bien sûr, c’est ce qu’on fait au début, mais on s’aperçoit très vite que l’on tourne autour du pot, et que la (re)citation c’est un peu lassant.

Pour finir, comment te sens-tu par rapport au monde musical dans lequel Fugu débarque, je pense notamment au succès de Daft Punk?
J’adore Daft Punk et je n’ai pas spécialement l’impression d’être un OVNI par rapport à eux, je ne me sens ni en retard ni en avance par rapport à eux. J’ai l’impression de partager l’état d’esprit de Daft Punk, de viser un peu les même choses qu’eux : se faire entendre à l’étranger plutôt qu’en France. Ce sont tout simplement des gens qui savent écrire de bonnes chansons.

Chroniqueur
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