Interview de Jude
Une semaine avant la sortie de son cinquième album, intitulé "Redemption", on rencontre Jude à la terrasse d’un café parisien, pour revenir sur sa belle carrière, parler de ses nouvelles compositions et de sa relation privilégiée avec la France, le tout servi par son indéniable sens de l’humour. Malgré sa fatigue évidente (arrivé en début d’après midi, le chanteur subissait le contrecoup de quelque huit heures de décalage horaire), il s’est prêté volontiers au jeu de questions-réponses.
L’album "Sarah" est sorti l’an dernier en France et pourtant voici déjà un nouvel album ?
"Redemption" a été écrit pendant que je finissais l’album "Sarah". J’ai mis beaucoup de temps à terminer "Sarah" parce qu’il parlait d’une relation amoureuse et j’avais quitté le label, je faisais tout moi-même, je redécouvrais l’enregistrement. Pendant ce temps, "Redemption" se précisait dans mon esprit. J’ai sorti "Sarah" aux Etats Unis tout seul. Plusieurs labels ont demandé à le distribuer mais j’ai refusé, à l’époque tout ce qui concernait les labels me dépassait. Donc je l’ai vendu tout seul, je ne l’ai jamais mis en vente en magasin, je le vendais après les concerts et j’y voyais quelque chose de très fort, ça le rendait spécial. Puis Naïve m’a contacté et m’ont dit qu’ils étaient intéressés par l’album. J’étais vraiment très impatient de faire ce nouvel album "Redemption", je sentais que "Sarah" était intimiste et particulier mais ils ont insisté pour le sortir. Je pense que c’était très intelligent de leur part, car le précédent album, "King of Yesterday" avait été un peu surproduit et j’avais épinglé par la critique. Donc c’était vraiment une belle manière de revenir en tant qu’artiste, avec le petit album "Sarah". Je suis très fier qu’ils aient fait ça.
Sur cet album on trouve des styles musicaux très variés…
L’album "Sarah" formait vraiment un tout cohérent, bien que la chanson Your Love Means Everything au milieu semble un peu à part. Mais sinon, c’est toujours comme ça avec moi, mes albums sont perçus comme "éclectiques". Et s’ils sont tellement variés, c’est parce qu’ils reflètent qui je suis en tant qu’auteur et artiste. Moi-même je me lasse des albums qui sont pareils du début à la fin. Je veux donner aux gens un album qu’ils pourront écouter de bout en bout sans se lasser, un peu comme s’ils écoutaient une compilation de chansons diverses. Je crois qu’il y a un peu de ça dans cet album.
C’est l’effet qu’on a en écoutant "Redemption".
Bien, parce qu’aujourd’hui tout le monde a sur son Ipod des tas de chansons de tous les styles… Et je voulais donner plutôt plus que moins. Contrairement à la chanson…
C’est pour ça qu’il est tellement dur de te ranger dans une catégorie ou de dire ta musique ressemble à tel ou tel…
Je veux juste être reconnu comme songwriter, c’est ce que je voulais au début et c’est ce que je suis donc…
"Redemption" est différent de son prédécesseur. Les chansons semblent plus légères, ou joyeuses. Est-ce qu’elles reflètent ton état d’esprit ?
Oui, oui. J’étais beaucoup plus heureux en amour. À l’époque de "Sarah", je n’étais pas dépressif mais il s’agissait d’une relation amoureuse, la mienne, du début à la fin. Et sur "Redemption" l’envie d’enregistrer était à nouveau là. Bien qu’il y ait aussi des moments sombres sur "Redemption", j’ai toujours cherché le côté positif des choses, même sur des chansons comme End of my rainbow ou Fly again. J’ai tourné la page d’un point de vue personnel et ça m’a permis de sortir de cette dépression. Voilà ce que ce disque représente pour moi. Des chansons comme Your eyes, Running out of my room sonnent presque comme des pop songs, mais pour moi, elles ont des paroles très personnelles. Tiens, pas plus tard que ce matin je me suis dit que j’étais vraiment content de cet album, je l’adore.
Pourrais-tu parler plus en details de la chanson Taking More and Giving Less, qui est un peu à part. A la première écoute, on jurerait une reprise d’un vieux standard.
Merci. (touché)
Cette chanson est partie de paroles sur lesquelles je travaillais, un peu comme un exercice. Je crois que c’était une complainte un peu triste. Mais au fur et à mesure je me suis vraiment pris au jeu. Les paroles parlent d’elles même, c’est comme un passage vers le narcissisme je trouve. Ca parle de quelqu’un mais aussi peut-être de moi… J’ai écrit cette chanson pour mon ami Andy Prieboy qui est comme un grand frère musical pour moi, un mentor. Et je voulais ralentir le rythme et ne pas avoir cet espèce de grand chœur à l’avant mais lui m’a vraiment poussé vers cet enregistrement un peu fou.
Même dans la chanson la plus triste il y a toujours une touche d’humour dans tes paroles.
Les gens disent toujours ça. Je ne le fais pas exprès. Je ne sais pas ce que ça veut dire, je ne sais pas parce que je ne le fais pas exprès. Les gens ont l’air de bien aimer ça.
Par curiosité, as-tu réellement enregistré un album d’opéra entre "No One Is Really Beautiful" et "King of yesterday" ?
L’enregistrement du deuxième album a été très difficile à cause des problèmes avec les labels. Ça a vraiment été une expérience horrible et interminable. Donc dans le livret, j’ai imaginé cet album d’opéra et j’ai fait cette blague mais en fait, ça n’est jamais arrivé. Je pense que des personnes y croient encore mais c’est faux.
Quelque chose de surprenant mais réel : ta désormais célèbre reprise de Crazy de Gnarls Barkley.
(rires) Je ne crois pas que ce soit très connu. Tu crois que c’est connu? Non… On en parle sur mon site internet mais ça, ça ne compte pas!
Était-ce un pari ou juste une idée folle ?
Oh, c’était SON idée, (dit-il en le montrant) l’idée du manager!
Pourquoi cette chanson ?
Je ne sais pas. Nous avions besoin d’une chanson tout de suite et je n’écoute pas beaucoup de musique. J’écoute de la musique classique et des mots parlés, des choses comme ça : des discussions, les infos… je ne connais pas beaucoup de chansons à la mode. Tu peux me donner la liste des cinq plus gros tubes de l’année passée, je n’en connaîtrai aucun mais je suis fier de ça. Et là, c’en était une que j’avais entendue, que je connaissais! C’est une superbe chanson soul. Je regrette que les couplets ne soient pas mieux, je sais que j’aurais pu mieux les faire. Donc je la réenregistrerai peut-être.
Vas-tu la jouer au Point éphémère en novembre ?
Je ne sais pas, peut-être. Je la chanterai un des deux soirs. Elle rendait bien en concert. Je trouve la version concert bien meilleure que la version radio. Aux Etats-Unis, quand je suis rentré, mes amis ont commencé à se moquer de moi parce que là-bas, tout le monde fait des reprises de cette chanson!
Même si à première vue, cette chanson est très éloignée de ton style habituel, elle te correspond très bien…
Oui, j’ai remarqué ça dans les paroles. Il y a ce côté dénigrement de soi. Dans une interview, on a dit de moi que je parlais des ‘vérités qui dérangent’ et j’aime ça. Je ne suis pas critique mais je pense qu’il y a quelque chose d’ironique. Quand je chantais, je me suis aperçu qu’il y avait quelque chose de drôle à chanter : "peut-être que je suis fou". Je pense que c’est pour cette raison que les gens aiment cette chanson. Parce qu’on peut entendre le gars chanter "peut-être que je suis fou", et que tout le monde se le dit parfois.
Est ce que le fait de jouer à Paris deux soirs de suite prouve ton attachement fort à la France ?
Paris a toujours été super pour moi mais on va aussi essayer d’aller en province pour rencontrer plus de gens. On a vraiment besoin que les gens viennent. Lors de la dernière tournée, il y a eu un gros malentendu. Je n’ai bénéficié d’aucune publicité, je suis venu mais personne ne le savait ! J’aimerais bien que les gens viennent et emmènent leurs amis. La dernière fois que je suis venu à Paris, j’ai joué dans des grandes salles, là j’ai envie de jouer dans des endroits plus intimes sans avoir à me soucier que ce soit complet ou pas. Mais oui, j’ai une relation spéciale avec la France. Ici je me sens chez moi en tant qu’artiste et auteur. Pour moi, la France est associée à l’album "Redemption", s’il n’y avait pas eu la France, je ne crois pas que je l’aurai fini.
(Il hésite) Je suis à cours de mots mais oui, les Français ont toujours été super avec moi. Je suis touché et j’aimerais savoir parler français pour pouvoir mieux communiquer sur scène.
C’est ce que tu dis tout le temps…
J’essaie mais c’est pathétique, avec mes cassettes et tout… je n’ai aucun don pour les langues. Comme tout à l’heure quand j’ai voulu commander du lait pour mon café… j’ai dit: Can I have some milk? Mais d’une façon, ne pas parler français est bénéfique, parce que j’aime tellement amuser les gens quand je suis sur scène… En anglais, je fais mon show, mais quand je me produis en France, je suis obligé de jouer plus et de parler moins, et d’une certaine façon c’est très inspirant, musicalement parlant. Parce que sinon, je pourrais parler pendant vingt ou trente minutes sans m’interrompre, au lieu de jouer. Quand j’étais au lycée, j’ai fait un peu de théâtre ou de comédie mais c’est simplement ma façon d’être. C’est ce que je suis.
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