"> Interview de Nada Surf @ Rocknzone.com - 13 décembre 2002 - Indiepoprock

Interview de Nada Surf

Nada Surf

Nada Surf a fait son retour au mois de septembre dernier avec l’album « Let go », 4 ans après la sortie de « The proximity effect ». Que s’est-il passé pendant ces 4 années d’absence, et comment les avez-vous vécues ?

« The proximity effect » est sorti en 1998 en Europe, et a été retiré des magasins deux semaines plus tard, sauf en France. On a donc tourné en France, puis on est rentré chez nous, où l’album était enterré. Il a fallu deux ans pour le reprendre à la maison de disques, qui ne voulait ni le sortir, ni nous le rendre, ni le vendre à quelqu’un d’autre à un prix raisonnable. Avant je prétendais que ça ne nous avait pas fait grand chose, mais en fait ça a été un peu déprimant. On a continué à jouer, mais sans vraiment enregistrer. On ne pouvait pas psychologiquement penser au prochain album sans sortir celui-ci chez nous. On s’est battu avec notre ancienne maison de disques et deux ans plus tard, nous avons finalement récupéré les droits de l’album. On l’a sorti sur notre propre petit label, à la maison. Puis on a acheté un camion et on a fait trois tournées aux Etats-Unis. On s’est dit que c’était le temps de faire un nouveau disque, ce qui a pris un peu de temps. Une fois fini, il a fallu trouver des gens avec qui on voulait travailler et gérer tout le business. Je n’aime vraiment pas le business donc on l’a fait lentement.

Que vous ont apporté toutes ces difficultés ?

C’était très bien parce que quand on a tourné indépendamment aux Etats-Unis, il y a avait plus de public que quand on a tournait avec le support d’une major. Il y avait beaucoup de bouche à oreille, ce qui nous a donné énormément d’énergie.

Cela a-t-il influencé les nouvelles compositions et le processus d’enregistrement du nouvel album ?

Non pas vraiment. Notre processus d’écriture et d’enregistrement n’est pas vraiment influencé. Les gens nous demandent aussi si le 11 septembre a influencé l’écriture de l’album, et bien non. C’est juste quelque chose de seul qui vit seul.

Après tous ces déboires avec les maisons de disques, seriez-vous prêt à retourner un jour sur une major ?

On est sur une major, en ce moment, parce que Labels fait partie de Virgin, et Heavenly en Angleterre, c’est EMI. Mais ce sont des licences donc on reste propriétaires, on est signés comme producteurs. Mais on va jamais signer avec une multinationale pour le monde, comme on a fait auparavant. C’est vraiment la chose à ne jamais faire. Si tu signes avec une multinationale pour le monde, tout peut bien aller dans ton propre pays, mais peut-être que la maison de disques en Espagne ou en Allemagne ne va pas aimer ton disque.

Certains groupes, comme Radiohead ou Sonic Youth, sont signés sur des majors mais font quand même des albums assez difficiles d’accès. Penses-tu qu’ils sont obligés de faire des concessions ? Autrement dit peut-on être sur une major et faire tout ce qu’on veut ?

Je crois qu’ils font exactement ce qu’ils veulent faire. Mais ils ont un public tellement établi et loyal que c’est hors-média. Et ces groupes qui sont vraiment grands, hors-média, peuvent se payer le luxe si ils veulent d’être sur une major et de faire exactement ce qu’ils veulent.

Parlons un peu du dernier album. Il a une tonalité plus mélancolique. D’où cela vient-il ? Est-ce le résultat d’une évolution naturelle ?

La mélancolie, je crois qu’elle était toujours là. Maintenant qu’on a enlevé une couche de guitares saturées, ça s’entend plus. Les chansons ont été écrites la plupart du temps très tard le soir après des soirées ou après des concerts. C’est vraiment un album de nuit. Celui d’avant était plutôt un album du matin.

Beaucoup de groupes évoluent de cette façon tout au long de leur carrière, ils commencent par jouer une musique très rock, puis donnent une orientation plus pop, plus calme à leurs compositions. Est-ce inévitable ‘ Ne peut-on pas jouer du punk toute sa vie ?

On pourrait, si ça t’intéresse d’en jouer toute ta vie. Moi pas du tout. On n’était pas punk, mais on jouait quand même du garage un peu moderne. Mais si on avait toujours joué comme sur notre premier disque, j’aurais peut-être arrêté. Ca ne m’intéresse pas tellement de ne pas progresser. Avant on était pas assez à l’aise musicalement pour faire de la musique douce. Et je ne m’envoie pas des fleurs, je ne dit pas qu’on est hyper à l’aise maintenant, mais plus qu’avant, parce que pour nous c’est plus difficile de jouer doucement. Mais je n’ai pas de drapeau punk. Je m’en fous complètement du punk. Pour moi, Neil Young est punk, pas Offspring car ce n’est pas aventureux, spécial, risqué.

Sur scène, vous reprenez New Order ou Joy Division. Sur l’album on sent aussi des influences assez européennes notamment sur le morceau « Hi-speed soul », qui fait penser à New Order. Vos influences paraissent plus européennes qu’auparavant ?

Les trois grandes influences pour moi quand j’étais petit, à part les Beatles et les Rolling Stones, c’était les Who, les Ramones et Echo & the Bunnymen. Et quand j’avais 14-15 ans, c’était Joy Division et New Order tout le temps. C’est quelque chose qui remonte à très loin pour moi. C’est vraiment mes racines, c’est la musique froide anglaise.

Vous êtes signés sur un label français, « Popular » a été un tube en France, tous vos albums ont bien marché ici. Comment expliques-tu cette relation privilégiée avec la France ?

Je ne sais pas. Le fait qu’on soit deux sur trois dans le groupe à être bilingues, ça aide. C’est une sorte de lien spécial de parler la langue. Cela vient aussi de coïncidences complètes : Fun radio en 1996 a choisi « Popular » comme chanson pour mettre sur leur pub télé. Et puis on a aussi fait de très longues tournées ici.

Et dans votre pays d’origine, aux Etats-Unis, ou en êtes vous et quel accueil recevez-vous ? Comment souhaitez-vous évoluez là-bas ?

Chez nous, le disque sort en février et on tourne ensuite. Ca sera la première fois depuis High/Low qu’on sort un disque quand il est nouveau et qu’on tourne ensuite. Aux Etats-Unis, nous sommes très underground. On est comme un mini-groupe culte. Je n’ai aucun désir de rentrer dans le jeu commercial aux Etats-Unis. Mais l’underground là-bas ça peut être énorme. Des groupes comme Sleater Keaney par exemple, vendent des centaines de millers d’albums et ont une carrière fabuleuse mais c’est encore underground. Donc je préfère rester là-dedans et monter dans cette atmosphère.

La chanson « Blonde on blonde » est vraiment l’une des plus belles de l’album. Quand tu expliques le titre de cette chanson, tu parles de l’importance qu’a eu pour toi l’album de Dylan qui porte le même nom. Tu dis par exemple que c’est un album qui t’a aidé dans un moment difficile. Cherches-tu à produire le même effet sur les fans avec les chansons de Nada Surf ?

Oui je crois que tout le monde veut faire ça. C’est certainement un album fétiche pour moi, mais ça aurait pu en être un autre. C’est juste que ce jour là, quand j’ai eu un déclic, j’écoutais « Blonde on blonde ». Je sais que je pourrais écouter cet album au moins une fois par mois pour le restant de ma vie, ou peut-être une fois par semaine. Nul parmi les musiciens modernes ne peut prétendre pouvoir affecter les gens comme l’a fait Dylan, c’est ridicule. Mais est-ce que je veux que les gens écoutent nos albums plusieurs fois dans la vie ‘ Oui !

Pour la première fois, vous avez enregistré une chanson en français, « Là pour ça », qui figure sur l’album. Le rock peut-il se chanter dans une autre langue que l’anglais ?

Oui absolument. Je parlais de ça avec plusieurs personnes sur cette tournée. Et je ne veux pas être critique, mais de l’extérieur, il me semble que c’est mieux quand les groupes français chantent en français. Je suis conscient du fait que je suis un outsider, ça n’est pas mon business donc je n’ai pas vraiment le droit de le dire. Mais les paroles en anglais chantées par des français pour des français, ça ne va pas marcher parce que le public ne va pas vraiment écouter les paroles. Et les gens aux Etats-Unis et en Angleterre ne vont pas écouter cette musique parce que, à part très peu d’exceptions, les français ne vont pas écrire des paroles en anglais qui sont aussi naturelles, aussi affectives, aussi vraies que les gens pour qui c’est leur première langue. Donc un groupe français qui chante en anglais chante un peu dans le vide.

Lors de votre concert du 10 décembre à l’Elysée-Montmartre à Paris, vous avez joué trois titres accompagnés d’un quatuor à cordes, arrangé par Benjamin Biolay. Coralie Clément est venu chanter sur « Là pour ça ». Comment avez-vous rencontré ces différents artistes et comment vous est venue l’idée de cette collaboration ?

Notre manager français est pote avec Benjamin. On avait déjà rencontré Coralie plusieurs fois. On aime beaucoup ce que fait Benjamin. Ce qui était un peu dommage, c’est qu’on tourne depuis trois mois et la machine est bien rôdée. Et pour ce grand concert à Paris, on a fait quelque chose de différent et ça a un petit peu gâché le rythme, pour moi surtout, parce que tout à coup il fallait jouer doucement, et ça a fait un trop grand changement. Donc je suis pas énormément fan de l’idée. Mais ce qui était super, c’était de rencontrer Benjamin. Je crois que pour « Blonde on blonde » ça a marché. On va enregistrer ça en studio avec lui et peut-être en faire un single et je crois qu’il y aura de la collaboration avec Coralie et surtout Benjamin dans le futur.

Y a-t-il d’autres artistes avec qui tu aimerais collaborer, français ou pas ?

Pour une raison que je ne peux pas expliquer je suis devenu fan de Renaud, il y a quelque chose là-dedans que j’aime. Il y a beaucoup de petits groupes américains qui sont vraiment biens. Ah oui et puis, Ed Harcourt, tu connais ‘ Je crois qu’on va faire un groupe ensemble, il est super. On a tourné avec lui récemment, mais on était copains avant, je l’aime beaucoup ce mec.

Mais il joue une musique beaucoup plus pop que la vôtre ?

Il joue du piano et écrit des chansons pour piano, mais il est fan de toutes sortes de choses. On est grands fans mutuels aussi. C’est ça que j’aime c’est rencontrer des gens avec qui il y a vraiment quelque chose en commun, et spécialement d’une certaine manière si leur musique est différente.

Une dernière question : vous êtes tous les trois installés à New-York. Que penses-tu de la scène post-punk new-yorkaise qui émerge actuellement. Penses-tu que c’est une mode artificielle montée par les medias ou crois-tu que c’est une scène réellement active et dynamique ?

J’aime beaucoup. Je crois que l’idée que c’est vraiment une scène est un petit peu inventée. Pour moi Interpol et les Strokes n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Ce sont juste deux nouveaux groupes new-yorkais qui marchent bien. Comme nous, on était beaucoup comparé à Weezer en 1996, juste parce que c’était au même moment. A part le fait que c’est en partie une hype, j’aime beaucoup tous ces groupes-là !

 

Chroniqueur
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