Interview de Nelson
Après deux ans d’existence et un premier EP prometteur, Nelson sort son premier album « Revolving Doors ». C’est dans le microcosme des scènes parisiennes que ces quatre esthètes se sont fait connaître par leurs prestations sous pression, soufflant sur les braises de la cold wave et narguant l’électro-rock actuel. La presse musicale est unanime sur ce premier album et le potentiel de ce jeune groupe. A quelques jours du début de la tournée promo, lancée au Nouveau Casino, Nelson répond aux questions d’Indiepoprock.
Qui sont les membres de Nelson ?
JB Devay (basse, chant, claviers, guitare), Gregory Kowalski (guitare, chant , claviers, basse), David Nichols, (guitare, chant, claviers, basse), Thomas Pirot (batterie, chant, guitare). On est tous dans le milieu du son (ingé sons, DJ ou programmateurs)
Comment s’est formé le groupe ?
Nous nous sommes rencontrés en 2003 alors que nous venions d’entrer dans la même école d’ingénieurs du son à Paris. Ça a commencé par des affinités musicales puis comme nous jouions tous des instruments différents nous avons décidé d’essayer de former un groupe. Les sensibilités de chacun sur un même instrument nous ont amené à nous les échanger selon les chansons. De même, le fait qu’il n’y ait pas de véritable chanteur au départ a donné un partage des lignes de voix. Nous étions quatre identités se respectant, et comme personne n’avait la prétention de se mettre en avant par rapport aux autres, il n’y a jamais eu de leader.
"Revolving Doors", c’est l’aboutissement des concerts ou un projet studio ?
Les deux à la fois. C’est en concert que nous avons forgé la plupart des chansons et que nous avons construit petit à petit le son du groupe. C’est indispensable pour nous de jouer nos chansons devant des gens et de voir les réactions, ça permet de prendre du recul et d’améliorer les défauts de composition. Mais en même temps, comme nous avons une formation d’ingé-son, nous sommes passionnés par le studio et le considérons comme un instrument à part entière. Nous avions déjà en tête des idées de productions, d’arrangements, de textures sonores qu’on ne pouvait pas exécuter en live, par manque de matériel ou parce que nous n’avons pas le don d’ubiquité, et nous avons aussi beaucoup réfléchi et travaillé aux arrangements pendant la préparation de l’album, avant de rentrer en studio. C’était normal pour nous, on ne se voyait pas utiliser uniquement nos parties live et en faire un album. Nous voulions étoffer notre son et créer une atmosphère générale à l’album. Pour cela, Julien ‘Trimm Trabb’ Trimoreau qui a réalisé l’album nous a beaucoup aidé car il avait une vision globale d’où nous – et lui – voulions aller.
C’est quoi la formule Nelson pour composer ?
Une cave, peu de lumière et des bouchons d’oreilles ! Non, plus sérieusement nous composons tout tous ensemble. Cela part de jams, d’où un riff de clavier, une ligne de guitare, de basse ou un pattern de batterie ressort et autour duquel chacun vient se greffer. Chacun apporte sa sensibilité, sa vision, et nous structurons autour de ça. Cela marche de la même manière pour les voix, chacun se lance s’il sent que ça va apporter quelque chose.
Les machines sont elles devenues indispensables dans votre jeu ?
Totalement. Elles sont même de plus en plus le point de départ de nos chansons. Nous avons été élevés autant dans la culture électro que dans celle du rock et utiliser des machines est pour nous une démarche naturelle pour faire une musique moderne. Cela ouvre tout un tas de possibilités et l’idée d’associer l’organique au synthétique nous plaît énormément. Bien sûr nous ne sommes pas les premiers à faire cela, mais nous essayons quand même d’apporter quelque chose de nouveau, d’original au moins à ce niveau là.
Tout est calculé minutieusement et ne laisse aucun espace dans les chansons. Le rejet des choses trop faciles ?
La spontanéité est le point de départ des chansons et elle est indispensable. Mais nous essayons d’aller plus loin que l’énergie première, de fouiller un peu plus les choses . On a une sorte de peur inconsciente des stréréotypes et des clichés de composition, ce qui ne nous empêche pas de tomber dedans mais qui nous force à prendre du recul sur nos chansons. Parce que dans le fond c’est ce qu’on fait à quatre, écrire des chansons.
D’ailleurs, y’a-t-il encore de la place à l’improvisation quand vous jouez vos chansons sur scène ?
En toute sincérité, pas vraiment. On aimerait pouvoir dire que l’on est super libre sur scène mais la réalité est autrement plus rude, on travaille énormément nos concerts en repet’ pour que tout paraisse clair et fluide. En fait, la liberté et l’improvisation viennent pour nous avec la maîtrise des morceaux. Tant qu’on ne les a pas totalement domptés, on ne se crée pas vraiment d’espace de liberté. Pour autant, l’interprétation change à chaque fois selon l’énergie, l’humeur, la réaction du public… L’improvisation est la base de notre système de composition et le restera étant donné que nous travaillons tout à quatre.
Des textes plutôt acides, une urgence criante… Doit-on prendre cet album comme un pamphlet ?
L’album possède une unité globale évidente, nous l’avons travaillé dans ce sens, la réalisation de l’album donne à toutes nos chansons une cohérence que même nous n’avions pas soupçonné. De là à le voir comme un pamphlet, je ne pense pas. Il n’attaque personne en particulier, nous sommes tous choqués ou inspirés par des expériences différentes de la vie, chacun y voit des absurdités et des incohérences. La question de la politique reste en dehors de nos textes et de nos engagements, notre vision est plus sociale. On est sensible au nivellement de la culture par le bas, la mondialisation de l’information et à la déshumanisation des rapports sociaux. Notre désenchantement vient sans doute de tout ça et le disque est plutôt un constat sensible de plein d’émotions qu’une attaque directe.
Quels ont été les choix prioritaires lors de l’enregistrement de "Revolving Doors"?
S’isoler de tout ( Paris, la lumière du jour, les informations, les fêtes, les filles…), Ne penser qu’à ça… 24 heures sur 24. Nous voulions vraiment mettre à profit les 15 jours d’enregistrement que nous avions la chance d’avoir dans un studio aussi incroyable que Vega. Nous avons emprunté beaucoup de matériel pour aller aussi loin que nous le pouvions. Nous voulions un album vraiment cohérent et le travail de Trimm Trabb, le réalisateur de l’album, est allé dans ce sens.
Etes-vous resté aussi libres que sur scène ?
Nous étions bien plus libres que sur scène. Ayant une formation d’ingénieurs du son, le studio apparaît pour nous comme un espace de liberté et de composition incroyable ! On a pas mal expérimenté, cherché des textures. Le studio permet d’aller très loin, il faut juste faire attention à ne pas s’égarer.
Nelson a débuté avec la nouvelle scène rock parisienne. Pourtant, votre musique est plus mature que celle de tous ces groupes d’adolescents qui rejouent le punk de nos parents. Vous sentez vous encore proche de cette scène ?
On se sent proche de cet élan rock qu’il y a sur Paris depuis trois ans. L’énergie est là, tous les groupes ont la même envie, veulent faire leur musique comme ils l’entendent, en Anglais pour la plupart. Tous ces groupes ont apporté une fraîcheur sur la capitale au niveau du rock qui fait du bien et qui permet aux média et maisons de disques de s’y intéresser. Maintenant, il est évident que le punk garage passéiste joué par certains groupes ne nous parle pas vraiment, voire nous ennuie la plupart du temps. Certains vont être énormément développés par leur maison de disque qui mise beaucoup sur eux commercialement. Je pense qu’ils peuvent ouvrir des portes en France. A eux de ne pas enfermer leur énergie fraîche et saine dans un ghetto punk réducteur.
Vos ambitions avec ce premier album ?
Tourner, aller partout où cela nous sera possible. Continuer de jouer, faire de nouvelles rencontres, s’acheter du matériel potable, apporter un café à Bowie, draguer Kirsten Dunst, organiser une compète de foot entre Mogwai et Arab Strap…
Comment abordez vous votre première tournée ?
Beaucoup d’impatience, d’excitation, de l’appréhension aussi et du travail en tout cas pour être à la hauteur.
Merci et bons concerts…
- Date de l'interview 456 vues
- Tags Nelson
- Partagez cet article