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Interview de Paganella

Basé à Agen, Paganella pratique une pop française où la mélodie joue les rôles principaux sans pour autant renier les textes. A la fois sensuel et rock, le groupe a sorti en début d?année un nouveau maxi, « Ludovico », et a connu un certain succès au dernier Printemps de Bourges. Raisons suffisantes pour s?entretenir avec Sylvain (guitare) et Delphine (guitare/chant), tous deux à l?origine de ce groupe en devenir.

On attendait de vous un premier album. Or, vous revoilà avec un nouveau maxi. Que s?est-il passé ?
Delphine : Nous sommes en totale autogestion? un clair manque de moyens. Composer, arranger, enregistrer et mixer quatre titres nous a pris cinq mois. Donc un album à ce rythme-là nous aurait pris trois ans !
Sylvain : On peut aussi dire que la réforme des intermittents du spectacle nous met dans une situation délicate qui a fait qu’on ne pouvait pas prendre le risque de dépenser toutes nos économies dans un seul enregistrement.
Delphine : On travaille actuellement sur 12 titres, sans savoir si on pourra en faire quelque chose.

La mélodie semble une évidence lorsque l?on écoute vos chansons. Est-ce aussi évident que cela pour vous ? Accouchez-vous dans la douleur ?
Delphine : Cela dépend des morceaux et des thèmes abordés. Plus ça va, plus on rentre dans la « profondeur de nos âmes » donc, c’est en effet plus douloureux qu’avant… puis en grandissant, on se rend compte que la vie est moins rose qu’on le croyait.
Sylvain : Les thèmes abordés dans nos chansons viennent d’idées qui nous arrivent assez instinctivement et que l’on essaie de conceptualiser dans un processus qui lui, tient plus de l’accouchement dans la douleur.
Delphine : La mélodie s’impose à moi (en général) naturellement, c’est aussi important que les textes et les arrangements. Le plus souvent le groupe effectue un travail harmonique autour de la mélodie pour renforcer soit le côté pop, soit le côté tendu, dissonant. Je ne me suis jamais posé la question de savoir si nous étions des mélodistes de façon innée ou non?

Quels groupes vous ont attirés vers ce genre de musique ? Et qui pour vous aurait ce sens de la mélodie dont nous parlions ?
Sylvain : E (de Eels) est celui qui donne l’impression d’avoir un sens de la mélodie inné, un sens de l’arrangement très sophistiqué. Je reconnais beaucoup de l’état d’esprit de Paganella à travers ses chansons
Delphine : Dans ce genre de musique : PJ Harvey, Nirvana, Radiohead, les Pixies? Les mélodies de ces artistes ne sont pas forcément comparables à celles de Paga, mais c’est la balance entre tous les ingrédients qui m’a séduite.

Comment d?ailleurs travaillez-vous sur vos morceaux ? Travail en commun, vous partez d?une idée, d?une impro ?
Delphine : Il n’y a pas de règle? surtout pas ! C’est en général un ping-pong artistique entre nous deux c?est à dire que l’un vient éclairer l’idée de départ de l’autre puis le groupe met en forme finale le morceau. L’impro est en train de prendre une place plus importante dans notre façon de travailler et ça me plaît beaucoup. Du coup, l’écriture est plus spontanée.
Sylvain : On a plutôt besoin d’une idée conceptualisée pour qu’un morceau finisse par exister sinon les ébauches restent en état même si les idées musicales semblent être de bons points de départ. Par exemple l’utilisation des média (Ludovico), la durée de la vie (c’est la vie), l’espoir dans le Cyclone…

Les thèmes d?ailleurs que vous abordez semblent plus sombres que sur « Comme du verre », plus ancré dans le réel? Exit les chansons d?amour ?
Sylvain : Le fait que le maxi « Comme du verre » soit composé de chansons axées sur la relation de couple est dû au fait que nous avions réuni les meilleures compos de Paganella et qu’à ce moment-là ce sont ces morceaux qui ont émergé. Le Cyclone aurait dû être sur ce maxi mais on s’était planté sur les prises en studio donc on ne l’a pas mis? Tout ça pour dire que tous les sujets nous touchent et que le propos de Paganella, c’est de pouvoir parler de tout.
Delphine : Entre ces 2 maxis, il est clair qu’une part de mon innocence a été cassée à tout jamais. Ce n’est pas triste, c’est la vie. Je ne suis plus une midinette dont le seul but est de ?trouver l’amour’. Je suis une femme en devenir, consciente de sa mortalité, une citoyenne, une consommatrice, une chômeuse, une intermittente du spectacle, etc. Je suis donc plus tournée vers la société que renfermée sur le couple. Mais, on travaille actuellement sur des chansons où l’amour est abordé, je te rassure (sourires).

Ludovico est une référence à Orange Mécanique? La littérature et le cinéma vous servent de matière première pour vos textes ?
Delphine : Ça peut arriver, puisqu’on ne s’interdit rien. On a par exemple une chanson qui s’appelle Louise, qui nous a été inspirée par un film de Siegfried, « Louise Take 2 », avec Élodie Bouchez. On est également en train de travailler sur un texte qui fait référence à Ionesco. Disons que les livres et les films font partie de notre vie ; mais on ne se revendique pas « groupe intello », surtout pas (rires) !

Delphine, ta voix a pris en assurance et tu te détaches désormais de tes influences. Est-ce que tu te rends compte de cela ?
Delphine : Il m’a fallu du temps pour digérer les cours de chant avec Michèle Zini, une prof toulousaine de lyrique ainsi que le travail axé sur l’interprète au chantier des francos. Ma conclusion, c’est que j’ai en main les outils pour montrer aux gens ce que je suis vraiment. J’ai également pris beaucoup d’assurance dans la vie, tout cela est lié.

Peut-on dire aujourd?hui que vous êtes définitivement un ?vrai? groupe ?
Sylvain : Niko et Cédric s’impliquent de plus en plus dans les arrangements. Au niveau de la vie du groupe on est un véritable bloc et on fait face ensemble aux difficultés. On est peut-être encore plutôt soudés que complémentaires mais les différences s’estompent et je pense que ceux qui n’ont connu Paganella qu’avec eux auraient du mal à se faire une autre idée du groupe.

Sur scène d?autant plus? ?
Delphine : Bien sûr ! C’est là que tout se joue puisque tu ne peux pas mentir au public. J’ai découvert chez mes trois ?collègues? des appuis précieux qui m’aident à extérioriser le meilleur et le pire ?on stage?. On prend tous, je pense, un plaisir grandissant à s’exhiber, à se donner en spectacle. Et comme le disait Sly, on fait bloc, ça rigole pas (sourires). Lorsqu’on a fait les premières maquettes de « Comme du verre » avec Pierre Rougean aux manettes on n’avait pas à se préoccuper de respecter le style ou le son de la basse/batterie puisqu’il n’y en avait pas (sourires). Lorsque les « Cerbères » sont entrés dans le groupe, leur toucher a respecté immédiatement notre point de vue. Ils ont pu rapidement cultiver leur style à travers Paganella.

Les Chantiers des Francofolies ont créé un déclic dans cette démarche ?
Delphine : Le chantier dit tout haut ce que tu sais déjà? C’est à dire que Philippe Albaret, public professionnel comme il se définit lui-même, exprime ce qu’il voit. C’est donc surtout un travail axé sur l’interprète, puisque c’est en lui (ou elle) que résident les principaux ?blocages?. Il te fait aussi prendre conscience que le groupe est là, que tout ne repose pas sur toi, qu’on veut bien voir le groupe, qu’il suffit de le montrer.

Vous rentrez de trois jours au Printemps de Bourges, comment cela s?est-il passé ? Un autre type d?expérience je suppose?
Delphine : Pas si différent dans le sens où on a été immergés dans Paganella : la route, la promo, et bien sûr les concerts. On a joué quatre soirs, vu les réactions sur notre forum, on peut dire que ça s’est bien passé (sourires). On a été torrides. Avec le groupe, on vit des collections de moments forts et Bourges est un carrefour à ne pas rater. On a croisé des artistes dans le Off dont on est fans, qu’on ne voit pas souvent… Les Suprêmes Dindes, Punish Yourself, The Dude, Koacha, Marcel Agace Les Filles, Olav H, Dharma… C’était d’enfer !

Quelles sont désormais vos attentes ? Comment voyez-vous votre avenir ?
Sylvain : On a besoin d’un vrai label pour décider un tourneur à s’occuper de nous. De notre côté, on continue de composer car les chansons sont la matière première qui fera de Paganella un produit rentable pour des pros de l’industrie de la musique. D’ici là on continue de tourner tant bien que mal car on adore les rencontres faites grâce à la scène. On croit à fond dans le pouvoir radiophonique de notre musique, c’est cette conviction qui pourra faire que le grand public aura une chance de découvrir Paganella.
Delphine : J’ai envie que ce ?fucking? premier album voit le jour (rires) ! J’ai envie de faire 60 dates dans l’année dans des conditions pas trop moisies ! J’ai envie de porter la bannière Paganella dans toute la France ! J’ai envie de ne faire que de la musique et pas du secrétariat pour le groupe (sourires)… On est déterminés dans cette démarche, on gagne peu à peu du terrain… On va bientôt tous vous envahir !

Chroniqueur
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