"> Interview de The Mabuses - Indiepoprock

Interview de The Mabuses

Le retour aux affaires des Mabuses n’a pas bénéficié de la même médiatisation que bien des reformations cette année… Pourtant, avec "Mabused !", la joyeuse bande menée par Kim Fahy, et dans laquelle on retrouve par exemple, dans son line-up 2008, un ex-Banshee et Jipé Nataf, a signé un des albums de pop les plus enthousiasmants et élégants de l’année. Une excellente raison pour rencontrer le sieur Fahy, pour lui avouer notre admiration, et l’écouter dessiner (dans un français parfait) l’étrange cosmogonie de ses Mabuses, entre Beatles, Syd Barrett et Tom Waits.

J’ai toujours eu l’impression que les Mabuses étaient l’oeuvre d’un seul homme, pourtant c’est une vision que tu sembles trouver inexacte.
Non, les Mabuses ont toujours été un vrai groupe pour moi. Je m’occupe de beaucoup de choses, mais l’idée derrière les Mabuses a toujours été de pouvoir inviter des amis, de rester en bonne compagnie. C’est même plus qu’une présence amicale : les membres du groupe apportent beaucoup de choses, par exemple John Carruthers a composé deux titres sur le nouvel album. Je n’ai pas envie de faire de la musique tout seul, j’ai besoin de cet esprit d’équipe. Un esprit d’équipe tordu certes…

Après un premier album devenu culte pour beaucoup de gens, les Mabuses ont quitté la surface de la terre après "The Melbourne Method"…
C’est un disque pesant, le reflet de l’état d’esprit de l’époque. Un album qui m’a pris énormément de temps, avec un budget presque pharaonique. Ce n’est pas un disque que je renie, je l’assume tout à fait, mais c’est vrai que c’est un disque plus lourd. J’ai aussi enregistré Egomaniacs avec Kramer et Jamie Harley. L’idée était de se retrouver deux semaines dans le studio de Kramer pour enregistrer un album. En arrivant au studio, je pensais que Kramer et Jamie auraient des chansons, et … ce n’était pas le cas. Tout a été composé sur place. Au final il n’y a pas vraiment de différence avec les Mabuses, juste une question de temps et d’urgence. J’ai aussi collaboré avec Miranda Sex Garden.

Comment as-tu vécu l’accueil de "Mabused !" ? On a pu voir beaucoup de réactions de fans qui l’ont reçu comme une sorte de cadeau inespéré.
J’étais très agréablement surpris. Les réactions ont été très positives.

"Mabused !" est plus apaisé, plus calme et plus optimiste que les précédents albums. On y retrouve ce côté perfectionniste, qui avait peut-être été excessif sur "The Melbourne Method".
Je suis d’accord. Mais j’aime beaucoup travailler les sons, rentrer dans les détails. Qu’il y ait beaucoup de choses à écouter, à découvrir, c’est très important pour moi.

Ce perfectionnisme est-il compatible avec la scène ?
J’aime beaucoup jouer sur scène, c’est un cadre idéal pour les Mabuses maintenant, on apprend à mieux jouer ensemble. Même sans pouvoir recréer tous les détails, comme la notion de chansons est très importante chez les Mabuses, c’est assez facile de transcrire ça de façon simple, avec des arrangements différents. Une chanson des Mabuses ça ne se définit pas seulement par le son mais aussi par l’écriture. La scène, c’est aussi important pour moi que d’être dans un cadre où l’on peut tout contrôler.

Ton jeu de guitare semble aussi beaucoup plus simple sur scène, peut-être parce que tu chantes en même temps.
Oui, et aussi pour justifier la présence de trois guitaristes sur scène !

J’ai l’impression que ton jeu a évolué, vers quelque chose de plus folk, de plus acoustique.
C’est vrai. Mais c’est toujours une histoire de guitare chez les Mabuses. Sur Dark Star par exemple, il y a des guitares qui ne sont pas directement reconnaissables, des bruits, des cris et des crissements. J’ai passé du temps à trouver des éléments atypiques et surprenants sans être gênants pour l’auditeur. Il y a aussi une très belle partie de guitare de John sur June, très Brian Eno, il y a également beaucoup de bruits de guitare dans cette chanson. Mais l’utilisation d’instruments comme la clarinette occupe plus d’espace, il y a donc moins d’espaces pour les guitares.

Ca amène également un côté psychédélique, on a l’impression d’être dans un album sixties classique.
(pince-sans-rire) Oui, Magical Mystery Tour ou Revolver, en quelque sorte.

Le style des Mabuses doit beaucoup à ta voix et à la façon dont tu la traites, il me semble que tu la doubles ou la triples souvent en studio.
Ca m’arrive. Je n’aime pas le son de ma voix. J’aime beaucoup chanter mais pas m’entendre. J’ai donc parfois ce réflexe en studio. Je le fais de moins en moins.

Peux-tu parler du morceau caché à la fin de l’album, complètement décalé, entre jazz et cabaret ?
Oui, il s’appelle Slumber 101. Ca a été conçu comme un véritable morceau de l’album. J’adore ce style de musique. Je ne sais pas si je serais capable de produire un album dans ce style, mais pour quelques morceaux ça me tente beaucoup.

Tu as toujours beaucoup fait appel aux samples, et de façon générale aux collages, aussi bien dans le son que dans l’artwork. Musicalement, ça t’a déjà donné envie d’aller plus loin ?
Sur le site il y a deux titres qui ont été conçus de cette façon, comme des collages sonores. Mais je préfère jouer d’un instrument que manier le sampleur, je ne pourrais pas créer un album entier. Quand j’ai fait  "The Melbourne Method", il y avait 4 ou 5 ans que les samples étaient vraiment courants. Et à l’époque c’était plutôt utilisé pour le hip hop ou la musique électronique, il y avait encore une vision assez limitée des possibilités. Même dans "Mabused !" j’ai utilisé des samples, il y a James Cagney quelque part, mais les samples ne sont pas aussi fondateurs, ce sont des détails dans la musique.

L’artwork, c’est aussi quelque chose que tu travailles beaucoup sur tous les albums.
Surtout sur "Mabused !". Je souhaitais qu’il y ait beaucoup de choses, visuellement, tactilement, qu’on puisse tenir la pochette, la regarder, et écouter l’album. Je suis assez nostalgique de cette conception un peu "années soixante"  de la pochette. Tout ça participe du fait d’avoir un bon album, un album généreux.

Quel regard portes tu sur l’évolution de la musique et sa dématérialisation progressive ?
Il y a beaucoup de choses à faire. Si ça se passe à travers un écran, ce sera différent, pas forcément moins bien. Mais par contre je ne supporte pas l’idée de diminuer la qualité sonore pour le gain d’un question plus immédiate. Le MP3 serait très bien s’il avait la qualité sonore du CD. En fait tout le monde s’accoutume à une musique de moindre qualité sonore.

Tu es nostalgique du vinyle ?
Assez. Mais "Mabused !" n’est pourtant pas sorti en vinyle. Ce serait à faire, avec une belle pochette repensée pour l’occasion…

Y’aura-t-il un quatrième album des Mabuses ?
Oui. A peu près huit titres sont déjà en place. On a beaucoup de chansons, de volonté aussi, donc il n’y a aucune raison d’attendre de nouveau 15 ans.

Merci à Jennifer de Nin-Nin Rose

Chroniqueur
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