Interview de The Organ
Groupe exclusivement féminin, auteur de l?attachant « Grab That Gun », The Organ s?est discrètement extirpé de cette cohorte hétéroclite des sensations de l?automne dernier. Passés quelques shows initiatiques à la Route du Rock et au Festival des Inrocks, les Canadiennes sont de retour en France, à l?affiche du Festival « Les Femmes s?en Mêlent ». Sur scène, elles défendent leur répertoire avec une retenue agaçante pour les uns, captivante pour les autres. Rencontre avec Jenny Smyth (orgue), Shelby Stocks (batterie) et Shmoo Sketch (basse), ambassadrices d?un groupe appliqué et au magnétisme voilé.
Pouvez-vous commencer par présenter le groupe et son histoire ?
Jenny : Il y a plusieurs années, Katie [ndlr : Katie Sketch, chanteuse de The Organ] et moi avons formé un groupe, qui s?appelait Full Sketch. Quand il a splitté, Katie m?a demandé si je voulais monter un autre projet avec elle. Cela a pris un long moment, mais nous avons fini par trouver les autres membres de ce groupe.
Shmoo : Moi, je suis arrivé il y a seulement six mois, je suis le membre le plus récent.
Vous avez la particularité de compter un orgue en votre sein. Pourquoi avoir intégré cet instrument ?
Jenny : Tout simplement parce qu?on en possédait un, car j?en jouais déjà au sein de Full Sketch. L?orgue n?a pas vraiment été ajouté aux autres instruments. Il a toujours fait partie intégrante de notre univers et il a conservé sa place.
A vos débuts, certains membres du groupe ne savaient jouer d?aucun instrument. Comment l?expliquez-vous ?
Jenny : Ce qui était important, quand The Organ s?est formé, c?était de trouver des personnes qui voulaient vraiment faire partie du groupe, desquelles on se sentait proches et avec lesquelles on avait vraiment envie de travailler. Certaines d?entre nous n?avaient aucune expérience musicale mais la priorité n?était pas de recruter des musiciennes professionnelles ou particulièrement brillantes.
Shelby : Oui, c?était du 50-50 sur le plan de la pratique musicale. Personnellement, je n?avais jamais joué de musique avant. Notre bassiste d?origine non plus. Mais nous avons appris. Le groupe s?est vraiment formé sur la base d?une volonté commune et c?est ce qui fait que nous avons réussi à travailler ensemble.
Depuis un an, beaucoup de choses ont changé pour vous, entre le succès de votre premier album, vos multiples tournées en dehors du Canada? Comment vivez-vous ce nouveau statut ?
Jenny : En ce qui me concerne, je suis toujours impliquée de la même façon. J?essaie d?être une bonne musicienne et je veux juste que notre groupe propose de bonnes chansons. Je n?ai pas noté de réelles différences depuis un an, même si nous avons beaucoup tourné et joué dans des endroits très variés.
Shelby : En fait, nous devons continuer à nous battre. Nous touchons évidemment un public plus large, mais rien n?a vraiment changé. Je suis toujours bluffée quand nous jouons sold out. Mais nous tournons tellement, cela n?arrive pas tous les soirs. Parfois nous jouons dans l?anonymat, devant peu de gens et le lendemain, à trois heures de route de là, nous jouons dans une salle pleine. C?est très variable.
Jenny : Et puis nous avons toujours les mêmes préoccupations. On pense à ce prochain album sur lequel on essaie de travailler, à nos performances individuelles chaque soir, aux CDs que nous avons emportés en tournée. C?est très difficile de voir plus loin.
Parlons de votre premier album, « Grab That Gun ». Vous l?avez réenregistré car vous n?étiez pas satisfaites du résultat initial. Vous semblez être perfectionnistes.
Shelby : Nous n?étions pas contentes de la façon dont l’album sonnait. Mais toutes les cinq, nous savions exactement ce que nous voulions, alors nous avons recommencé. Nous ne voulions pas d?un disque en lequel nous n?aurions pas cru.
Jenny : Oui, le premier enregistrement ne nous correspondait pas. Cela nous paraissait plus logique d?enregistrer un album qui ait le même son qu?en répétition. Alors nous avons tout repris à zéro. C?était assez décourageant car beaucoup de monde nous disait que si nous ne terminions pas le disque tout de suite, le groupe ne réussirait jamais. C?était très éprouvant pour Katie, qui était présente à chaque étape de l?enregistrement et de la production. Mais à l?époque, on a préféré oublier tout cela. Nous ne voulions pas avoir d?états d?âme après chaque journée de travail. Nous voulions imaginer notre nom sur la pochette sans en avoir honte. Au final, nous avons fait le bon choix, car cela aurait vraiment été une erreur de sortir la première version !
Est-ce que vous comptez user de la même liberté et de la même détermination pour le prochain album ?
Jenny : Oui ! C?est difficile de trouver quelqu?un qui soit rigoureusement sur la même longueur d?ondes que nous et nous ne tenons pas à ce qu?il nous arrive la même mésaventure. Donc nous allons encore nous reposer sur Katie, qui a une certaine expérience en matière de production. Cette fois-ci, nous allons prendre notre temps, car nous avons retenu la leçon du premier album ! On ne veut pas laisser l’album entre les mains d?une personne dont on ne sait pas très bien ce qu?elle en fera.
Depuis la sortie de « Grab That Gun », on vous attribue souvent les mêmes influences : Joy Division, The Smiths, The Cure. Mais ce sont tous des groupes masculins. Etrange pour un groupe de filles, non ?
Shelby : On ne nous a jamais collé de références féminines, sauf peut-être Blondie. Beaucoup de groupes féminins sont comparés à Sleater Kinney, par facilité, même si ces dernières sont souvent beaucoup plus rock que les groupes qui leur sont comparés. Mais nous y avons échappé. Je trouve que c?est très bien comme cela, ça me plaît ! Surtout que nous sommes toutes différentes musicalement, il n?y a jamais eu d?influences communes à l?ensemble du groupe. On ne s?est pas réuni en disant « montons un groupe comme les Smiths ». D?ailleurs, cela aurait été une erreur !
Essayons de formuler la question différemment. Sur l’album, le titre Steven Smith fait référence à Morrissey. Si cette chanson devait renvoyer à un personnage féminin, qui serait-ce ?
Jenny : Nous n?écrivons pas les textes et Katie ne nous en parle pas.
Shmoo : Si elle était là, elle pourrait te répondre et t?éclairer.
Shelby : Nous ne savons rien au sujet de ses textes. Elle est très secrète à ce propos.
Si je comprends bien, vous n?aimez pas être identifiées en tant que groupe féminin ?
Shelby : Ca ne compte pas, c?est sans importance pour nous (rires).
Qu?en est-il de ce prochain album, vous y avez déjà travaillé ?
Shmoo : Nous avons travaillé sur des nouvelles chansons, nous avons beaucoup d?ébauches de nouveaux titres. Mais en tournée, nous manquons de temps pour composer, donc nous nous y mettrons sérieusement après les concerts. Cela prend beaucoup de temps d?écrire la musique à laquelle tu veux arriver.
Jenny : Nous avons simplement besoin d?être tranquilles, de trouver du temps. Cela ne s?est jamais produit depuis un an.
Shelby : Nous jouons déjà quelques nouvelles chansons en live, le prochain album est clairement en chantier. Mais c?est un long processus, comme cela l?a été pour le premier album. Tout prend du temps avec nous !
Une question idiote, pour terminer : pourriez-vous imaginer le groupe enregistrant un album à Rome, avec Tony Visconti et Ennio Morricone, comme vient de le faire Morrissey ?
Shelby : Cela ne m?a jamais traversé l?esprit (rires) ! Tout ce que je sais, c?est ce qui va se passer dans trois mois : je serai chez moi et on écrira du nouveau matériel.
Jenny : Oui, nous vivons au jour le jour.
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