Interview de Why?
La musique de Why? est une sorte de magma fait d’abstract hiphop et de pop californienne. Soit, un sacré ovni dans la nébuleuse indie, qui depuis son atterrissage sur terre courant 2005 avec sa nouvelle soucoupe "Elephant Eyelash", n’a cessé d’attirer sur lui les louanges. Nous avons donc voulu rencontrer ‘’la chose’’, c’était lors de leur concert au festival Mo’Fo, en juin dernier. Indiepoprock.net avait passé le groupe au scanner à questions, pour juger du phénomène. Avec au final, un simple diagnostic : ces garçons sont aussi sympathiques et terre-à-terre que leur musique est stratosphérique. Voici le comment du pourquoi.
Vous êtes actuellement en pleine tournée française, comment se passent vos retrouvailles avec le public hexagonal ?
Doug : Parfaitement ! la France a toujours très accueillante avec nous et le public français est de loin un des plus chaleureux qu’on ait connu.
Yoni : Oui, la France a toujours contribué à mettre de la nourriture sur notre table en achetant nos disques et en venant à nos concerts. C’est grâce à cela que j’ai pu faire un deuxième enfant !
Vous êtes sans doute les artistes du label Anticon qui ont le plus gros succès ici. Comment se passe la cohabitation au sein du label ? On sent une vraie connivence musicale entre tous ces musiciens d’avant-garde, est-ce aussi ton sentiment ?
Yoni : Oui, bien sûr ! En fait, initialement quand le label a été créé, nous étions huit musiciens, et c’était pour nous tous le seul moyen de faire notre musique de la manière dont nous le voulions, sans gros moyens. Nous nous sommes tous connus dans le milieu underground en s’échangeant nos cassettes, à travers les Etats-Unis. Et le label est né comme ça, par la réunion d’artistes d’endroits différents des Etats-Unis, avec des vues convergentes sur la manière de faire de la musique, une culture commune. Certains des artistes ont vécu dans la « bay area » -à San Francisco, où le label est établi- et puis maintenant, le label est devenu une vraie structure de production et on signe aujourd’hui des artistes d’autres horizons. On s’apprête d’ailleurs à signer des artistes qui viennent d’Angleterre par exemple. Evidemment je ne peux pas te dire qui pour le moment !
Revenons un peu en arrière, époque cLOUDDEAD. De quelle manière était né le cœur de ce projet, Dose One et Odd Nosdam?
Yoni : Nous nous sommes rencontrés tout bêtement à Cincinnati, d’où je viens, et c’est comme ça que tout a un peu commencé. Dose One était déjà connecté à beaucoup de monde et c’est comme cela que tout a pris forme, toujours par l’intermédiaire de ces échanges de démos, de soirées.
Justement, par comparaison avec ta carrière dans cLOUDDEAD, quelle différence y-a-t-il aujourd’hui dans ce que tu fais avec Why? dans la manière de composer et le processus de création de manière globale ?
Yoni : Et bien, d’abord, les personnes sont différentes et donc leur sensibilité musicale est différente évidemment. Jouer avec Doug et Josiah, est très différent de ce que je faisais avec cLOUDDEAD. Ne serait-ce que dans l’approche. Le travail avec cLOUDDEAD n’avait absolument rien à voir avec du songwriting classique, c’était beaucoup plus du tâtonnement, de l’expérimentation. Je dirais qu’avec Why ?, nous sommes plus dans un processus classique d’écriture. Aujourd’hui du moins.
Pourquoi avoir toujours mené ces deux projets en parallèles ? Y-avait-il quelque chose d’incompatible entre les deux, des choses que tu ne pouvais pas explorer dans l’un ou dans l’autre ?
Yoni : Non pas vraiment, en fait Why? est né même avant cLOUDDEAD et c’était un projet solo que j’avais dès le départ, dès que j’ai commencé à faire de la musique et que j’enregistrais moi-même, c’était quelque chose de très informel. cLOUDDEAD a donc été mon premier véritable projet musical avant que Why? ne commence à devenir plus sérieux. Et au final, si j’ai fini par abandonner cLOUDDEAD, c’est parce qu’il n’y avait plus cette émulation, cette cohésion et que la musique que l’on faisait n’était plus celle que j’avais envie de faire ni d’écouter. Et c’est vrai qu’avec Why? aujourd’hui, j’exprime ce que je veux exprimer, je m’épanouis dans ce projet. Je m’y sens bien, tout simplement.
Et comment se passe la collaboration entre vous trois ? Avez-vous une démarche particulière, habituelle ?
Josiah : Et bien en fait, rien n’est vraiment pareil à chaque chanson. Par exemple, la chanson Right Leaves ("Elephant Eyelash", 2005) a été écrite par Doug : Yoni a amené les paroles par la suite et nous en faisons une sorte de mixture. Et moi dans tout ça, je suis un peu l’agrégateur, j’essaie de coller les choses ensemble pour qu’elles marchent, pour que la sauce prenne. Par exemple, quand on bossé sur cette chanson (Right Leaves), il m’est arrivé de dire à Doug ou à Yoni : « Non, il faut mettre ce truc ici, et celui-là ailleurs, etc… » Alors parfois, on se prend la tête et les autres me demandent de sortir tellement je suis insupportable.
Yoni : Et il revient avec un Apfel Strudel (gâteau allemand) ! C’est sa manière à lui de faire le vide !
Josiah : Oui, c’est ça, quand je suis énervé je fais des Apfel Strudel, et ce truc a un pouvoir apaisant c’est dingue ! Plus sérieusement, c’est différent à chaque fois : parfois Yoni écrit la totalité parfois une partie seulement, puis Doug et moi apportons le reste, donc c’est très variable d’un titre à l’autre.
Yoni : Pour ma part je n’ai pas vraiment de recette, je compile des choses que j’écris et puis j’accumule aussi beaucoup de musique. Pendant ce temps les autres n’arrêtent pas d’expérimenter, de créer des choses à partir de leurs instruments. En fait, c’est un processus très chaotique jusqu’à ce que tout cela devienne finalement une chanson. Pour moi, c’est un peu comme une sculpture : tu pars d’un bloc brut, et puis tu commences à lui donner une forme et tu prends des directions en fonction de ce que tu trouves bien ou pas. Donc c’est quelque chose qui ne vient pas comme cela, d’un coup. Pour poursuivre l’image, parfois c’est comme si on travaillait sur du bois, d’autres fois sur du marbre…
En ce qui concerne les paroles que tu écris Yoni, d’où vient ce côté surréaliste ? Est-ce quelque chose que tu recherches, ou au contraire est-ce très spontané ?
Yoni : En fait c’est un peu des deux. Ce que j’écrit émane en fait de ma vie psychique, de mon subconscient, que cela soit dans mon sommeil ou éveillé, tout cela vient des tréfonds de mon cerveau. Et j’essaie juste de laisser remonter cela à la surface. Par exemple, si je pense à quelque chose qui me semble profond pour une raison ou une autre, même si cela paraît stupide pour certaines personnes, je les couche par écrit. Evidemment, j’en filtre quand même une partie. Parfois quand une phrase me vient en tête spontanément, je la garde si je la trouve intéressante, si c’est une chose, par exemple, que je n’avais jamais vu sous cet angle.
D’ailleurs y-a-t-il un album en préparation ? Beaucoup d’artistes profitent de l’émulation de la tournée pour composer, est-ce votre cas ?
Doug : Oui, nous avons quelques idées, mais ça n’est pas vraiment du concret. Nous travaillons plutôt en dehors des tournées, au calme.
Yoni : Comme je te l’ai dit, on a une manière de faire très chaotique, qui nécessite beaucoup d’investissement, et de calme aussi. Là, il y a tellement de choses autour de nous que ça n’est pas vraiment propice au travail de composition… D’ailleurs, c’est très difficile de retrouver cet état d’esprit créatif. A chaque retour de tournée, il me faut toujours deux ou trois semaines pour atterrir et faire le vide avant de pouvoir me remettre à penser et à travailler.
Doug : Oui après une tournée, c’est toujours un peu laborieux !
Yoni : Du coup, tu dois te défoncer tout le temps, prendre des drogues ! Mais nous y arriverons, ne t’inquiète pas ! (rires).
Légende photo 1 (de gauche à droite) : Doug McDiarmid (guitare, clavier, chant), Yoni Wolf (chant, clavier, samples), Josiah Wolf (batterie, marimba, chant).
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