Interview de Sauveur Eloheem
A la marge, toujours adepte d'un dark rap qui cogne et qui laisse des traces, le musicien au flow impressionnant flirte avec la rédemption et la spiritualité.
« Quand j’ai vu Suspiria pour la première fois, vers mes onze-douze ans, cela a changé radicalement ma perception de l’art »
Nous suivons les sorties du rappeur parisien Sauveur Eloheem avec passion. A la marge, toujours adepte d’un dark rap qui cogne et qui laisse des traces, le musicien au flow impressionnant flirte avec la rédemption et la spiritualité. Il est temps de faire davantage connaissance avec un rappeur qui secoue méchamment les piliers et les clichés du hip hop.
Tu es l’un des (rares) rappeurs à porter en France le hip hop sur des terres franchement dark. Tout en maîtrisant parfaitement les codes du rap, tu te joues de tous ses clichés pour l’enrichir d’un imaginaire unique…Est-ce la littérature qui t’a conduit au hip hop ? Ou l’inverse ?
J’ai découvert le Rap bien avant la littérature. Quand j’avais quatre ans je me rappelle, avec le « Marshall Mathers LP » de Eminem. Je me suis pris d’intérêt pour la littérature plutôt vers mes quinze-seize ans, donc je dirais que c’est deux passions bien distinctes mais qui évoluent dans un même sens, celui de l’amour des belles phrases.
Tu parsèmes tes textes de références complexes, qui se mêlent à des éléments ou des réflexions autobiographiques…Crois-tu que le rap soit la nouvelle écriture du moi ?
Je le pense oui, très clairement.
Tu as souvent parlé de Dario Argento…Il y a une évidente similitude entre ta musique et son cinéma. Tu collabores avec d’autres rappeurs, obscurs ou cultes (Cage, Goretex, OPM…), alors que lui fait souvent des allusions à d’autres films dans ses longs-métrages. Profusions de références dans ses films comme dans tes titres, à la littérature, aux classiques, à la mythologie, à la philosophie. Plongée dans la culture populaire, voire dans la politique, pour toi comme pour lui. Et puis l’obsession du gore aussi. Es-tu d’accord si je te dis que, disque après disque, tu définis un véritable genre, à part dans le rap. Quelque chose qui ressemble à l’œuvre du « maître de l’horreur » italien…
Je suis très honoré que tu me dises ça. Je l’essaye du moins, quelque chose qui s’y apparente dans le Rap. Argento est de loin mon artiste favori et il demeure une éminente influence dans la façon que j’ai d’aborder mon travail. Quand j’ai vu Suspiria pour la première fois, vers mes onze-douze ans, cela a changé radicalement ma perception de l’art…
L’extrême dureté de tes lyrics comme de ta musique (qui oscille entre hard trap et emo-rap) côtoient des visions presque apaisées, à la limite spirituelles, souvent sur des beats plus jazzy, black-music. Cette dualité, ce conflit, entre Satan et la lumière, est-elle consciente chez toi ?
À chaque instant…
Brasser parfois, comme tu le fais, des images mentales violentes (comme ont pu le faire pour la littérature, Bataille, Blanchot ou Sade), dans une société qui se censure de plus en plus, te condamne à l’underground. Quel rapport tu entretiens avec le mainstream et ses figures commerciales ? Et avec l’idée d’un certain succès public élargi ?
Cela condamne inévitablement à l’underground, mais je ne cherche pas à passer sur les grandes radios ou à faire disque d’or. Sinon je ferais évidemment une musique aux antipodes… Je fais le rap que j’aimerais entendre si il n’était pas de moi, la musique qui me plait foncièrement.
Cela étant dit, j’apprécie la qualité du travail de certains artistes mainstream et je les écoute volontiers parfois. Cela se ressent même dans certaines de mes productions je pense. Je ne suis pas réfractaire à la musique plus « populaire ».
Forcément, on est curieux de savoir si tu prépares un nouveau disque…
Évidemment ahah je ne suis pas prêt de m’arrêter. Merci à vous.
- Date de l'interview 1 408 vues 2020-01-16
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