La Route du Rock
Fin juillet, on apprenait que le concert de l’anglaise Sol Seppy prévu à la Plage était remplacé par celui du pianiste allemand Hauschka. On n’y a pas perdu au change. Hauschka s’inspire de la tradition du piano préparé, dans un univers proche de John Cage, et qui lorgne également vers Erik Satie ou Steve Reich. Ses compositions, sorte de petites comptines mélancoliques, dévoilent une multitude de sons arrangés : clochettes, cliquetis, grelots… Les mélodies sont épurées, délicates et le charme agit naturellement. Un concert apaisant qui séduit par l’utilisation originale du piano et par une sensibilité bien mesurée.
Détour ensuite par Saint-Malo intra muros, au Palais du Grand Large, où Isobel Campbell, ex-Belle and Sebastian, semble avoir bien du mal à prendre son envol. Le ravissant disque solo livré en début d’année avec Mark Lanegan laissait pourtant espérer de jolis concerts. Mais l’absence ce soir de Lanegan, remplacé par Eugene Kelly (ex-Vaselines), se fait cruellement sentir. L’Ecossais n’a pas le charisme vocal de l’Américain, et Isobel manque bien trop d’assurance pour redresser la barre. La qualité des morceaux demeure, mais l’émotion fait défaut.
De retour au Fort de Saint-Père, la soirée s’ouvre sur le concert de Grizzly Bear (photo n°1) : après sa prestation remarquée au Palais du Grand Large, le groupe a en effet été appelé pour suppléer au pied levé des Television Personalities disparues dans la nature… Le public, encore clairsemé, apprécie visiblement les mélopées élégiaques des américains. Ces folk-songs lancinantes, parsemées de belles harmonies vocales, ont en effet tout pour séduire : une belle découverte.
Changement de ton notable avec l’arrivée des gremlins du Spinto Band (photo n°2) : The Spinto Band, c’est un peu comme si le groupe de vos potes de lycée se mettait à avoir un talent renversant. Affichant une moyenne d’âge proche de celle d’une crèche municipale, ces sept gamins à peine pubères se démènent comme de beaux diables et alignent toutes les mimiques les plus éculées du rock (ah, les moulinets de bras de Nick Krill…) avec une candeur imparable. Mais surtout, l’air de rien, et malgré un chant encore beaucoup trop approximatif, The Spinto Band aligne sur scène, comme sur son merveilleux album, une série de bombes pop-rock énergiques, ludiques, mélodiques et euphorisantes. La soirée est lancée, et bien lancée!
L’ambiance monte encore en puissance avec la prestation électrique du drôlissime Katerine (photo n°3), épaulé sur scène par une partie des musiciens des Little Rabits. Folie générale, tout le monde reprend en choeur les hymnes 100% VIP, Louxor J’adore, Le 20-04-2005 (la chanson qui met en scène Marine Le Pen). Comme d’habitude, Katerine assure parfaitement le show, provoque et joue avec le public qui est enchanté et déchaîné. Du grand n’importe quoi, complètement jouissif ; c’est à la fois stupide et élégamment décalé, on ne s’en lasse décidément pas ! Assurément l’un des temps les plus forts du festival.
Franz Ferdinand (photos n°4 et 5) fait sans conteste figure de mastodonte de cette édition 2006 de la Route du rock, le gros poisson au milieu de spécimens à la renommée moins planétaire. Un argument qui pousse à lui seul au scepticisme avant de voir les Ecossais prendre la scène, tant jusqu’ici, la dimension « humaine » des groupes aperçus prévaut. Mais c’est oublier le potentiel des partenaires de Kapranos et leur capacité à faire danser littéralement les foules. Après un début de set mollasson, les tubes du premier album finissent par briser la glace. Take me Out d’abord, l’énorme 40 Feet ensuite, puis Jacqueline suffisent, en quelques instants, à faire sauter les gonds d’un public jusqu’ici sur ses gardes. Le groupe semble d’ailleurs se nourrir de cette effusion soudaine pour livrer une deuxième moitié de set nettement plus convaincante et empruntée. Qu’on l’ait voulu ou non, il était difficile d’y résister.
Après un tel tourbillon d’hystérie collective, que restait-il à voir au bout de ces trois jours ? Band Of Horses (photo n°6), bien sûr ! Ce groupe de Seattle, débarqué il y a peu avec un magnifique album de pop cristalline et névrotique, "Everything at all time", n’avait a priori pas tous les atouts de son côté. Peut-être le renommée la plus faible de ces trois jours, un horaire pas franchement propice à attirer les foules, et ramasser les miettes laissées par Franz Ferdinand. En fait, le groupe semble avoir éludé toutes ces questions pour livrer un set brut, intense et emballant. Dégaine grungy, chemise de bûcheron, on est très loin du raffinement façon Dior aperçu plus tôt chez Kapranos et consorts. Et pour cause, il y a du Neil Young dans la voix et les harmonies de Ben Bridwell, comme sur le magnifique Funeral. Malgré un manque de charisme et une présence un peu inexistante, le groupe fait pourtant bien plus que de la figuration. Un jeu propre, des riffs limpides et tranchants, un chant aux accents oniriques par moments, Band Of Horses nous asseoit dans une sorte d’atmosphère vaporeuse et planante de fin de festival. On se prend soudainement à oublier la fatigue accumulée et à se laisser porter, les yeux fermés. Pour un concert de 45 minutes et à une heure de passage aussi tardive, il fallait le faire…
Fourbue, l’équipe d’Indiepoprock.net fait l’impasse sur le DJ Set de Chloé, qui semble avoir été favorablement accueilli. En tout cas, au terme de ces trois jours, la conclusion s’impose d’elle-même : des spectacles de grande qualité, une ambiance toujours aussi chaleureuse, rien à dire, cette édition 2006 de la Route du Rock est un très bon cru. Rendez-vous l’année prochaine !
Crédit photos : Hervé Le Gall (www.cinquiemenuit.com)
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