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Dimanche : on a perdu notre photographe, attrapé des coups de soleil et accumulé beaucoup de sommeil en retard, mais tout rédacteur d’indiepoprock est dévoué corps et âme à sa passion et rien n’aurait donc pu nous empêcher d’assister aux concerts…
Il paraît que le concert de Dent May était fabuleux, c’est du moins ce que nous ont dit tous les gens que nous avons croisé et nous nous permettons donc de relayer l’information, dans le doute… de notre côté l’appel de la plage était trop fort. Calexico est-il capable de rater un concert ? On serait une fois de plus tenter de répondre par la négative, d’autant plus que le soleil couchant sur les montagnes arides du sud espagnol offre un paysage parfait pour la musique du groupe. Les trompettes retentissent, l’ambiance est diffuse et apaisante, les sourires sont sur toutes les lèvres, y compris pendant l’inattendue reprise du Alone Again Or de Love.
Pas question de quitter la scène puisque c’est au tour de TV on the Radio de prendre la relève. On ne répétera probablement jamais assez la grandeur de leurs trois albums et la force du charisme du chanteur ; pourtant même avec un répertoire aussi fabuleux et un grand talent scénique on ne peut-être que partagés sur le set, la faute à une qualité sonore très mitigée. Si Wolf Life Me a su soulever la foule autant que Love Dogs a su la transir d’émotions, Shout me Out et Golden Age se sont révélées assez plates, un instrument étouffant souvent les autres. Le groupe se donne indéniablement, l’ajout d’une trompette dans la majorité du set se révèle une réussite, mais le public semble perplexe face à un son assez confus ; dommage pour ce qui est pourtant l’un des meilleurs groupes live actuels, victimes pour le coup de la complexité de leurs arrangements.
On zappe assez vite l’ennuyeuse prestation des Psychedelic Furs pour entendre quelques chansons sympathiques et assez planantes de White Lies, surprenants créateurs d’un post-rock grand public, qui semblent séduire une bonne partie du public présent, qui a apparemment sur nous l’avantage de déjà connaître le groupe.
Plus intrigante, la prestation de Los Planetas, auparavant prévue le Jeudi, mérite qu’on s’y arrête un instant. Il semble que le groupe soit l’un des acteurs majeurs de la scène espagnole depuis bientôt 20 ans et le public espagnol s’est massivement regroupé pour assister à ce concert ; c’est bien la première fois du festival qu’on n’entend pas parler anglais à 30 mètres à la ronde. On aura du mal à ne pas comparer Los Planetas à R.E.M. tant l’influence semble ici permanente, aussi bien dans la voix du chanteur que dans les riffs de guitare, mais le groupe sait aussi s’en détacher et évoquer aussi bien Mercury Rev que Joy Division ; on sent que l’on apprécierait mieux le concert si, comme la foule hispanique nous entourant, nous pouvions reprendre les paroles en chœur, mais il est en tout cas très agréable de découvrir à domicile un groupe majeur d’une scène qui nous est relativement inconnue.
Tous les ans il y a une poignée de groupes que l’on croise dans quasiment tous les festivals, cette année c’est Friendly Fires qui s’est dévoué et il semblerait que l’accumulation de concerts ne les ait pas émoussé le moins du monde. Leur électro-pop, totalement dans la veine du moment, n’invente indéniablement rien mais se révèle d’une efficacité redoutable, particulièrement lorsque leur prestation scénique se révèle aussi intense et généreuse, attirant une foule bien gros grande pour l’espace dédié à cette scène : beaucoup de monde a ainsi dansé à l’aveugle, juste secoué par les mélodies du groupe.
L’heure fatidique arrive, celle de retrouver Peter Doherty en live, après s’être pas mal ennuyé au début d’année au Bataclan. C’est très élégant que l’Anglais entre en scène, souriant comme rarement, apparemment heureux d’être là face à un public relativement réduit (la faute aux Killers jouant en même temps sur la grande scène) mais surmotivé. Cette fois c’est la carte de l’énergie que Peter va jouer : peu de pauses, peu de ballades, seulement les morceaux les plus rocks, envoyés de plein fouet par son backing band. Le concert du Bataclan se voulait probablement plus subtil, artistique, torturé, celui-ci est plus efficace, plus communicatif et au final bien plus réussi. Assez étonnamment Peter zappe son album solo mais se rattrape aisément que cela soit avec un Music When The Lights Go Out impitoyable, des vannes sur The Killers ou une reprise furtive du I Wanna Be Adored des Stones Roses.
Les Espagnols avaient l’avantage du terrain, les Anglais ceux du nombre, mais c’est par la musique que la France a pris le pouvoir avec 3 scènes consacrées en même temps à l’électro française. Birdy Nam Nam d’abord, les quatre DJ’s enchaînent les morceaux imparables et font danser sans répit la tente Vodafone. Difficile de résister à ce set effréné, beaucoup plus électronique et rentre-dedans que leurs albums ; inutile de lutter, autant rejoindre la horde de danseurs et se laisser aller pour quelques instants de déhanchements frénétiques.
Laurent Garnier fait en parallèle office de dinosaure avec ses 20 ans de carrière et c’est une foule assez dense qui est prête à l’accueillir. Pionnier de l’électro en Europe, le DJ a pu accumuler les morceaux dans une carrière riche en évènements, mais si des morceaux comme Crispy Bacon recèlent de qualités intrinsèques, on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression que sa musique a oublié de se renouveler depuis au moins 10 ans et qu’il est maintenant bien en retard face aux jeunes pousses de la scène internationale. On tapote du pied, écoute quelques chansons, regarde un peu les étranges vidéos diffusées, puis part sans grand regret vers la grande scène. Tête d’affiche improbable, c’est <<rinôçérôse>> qui ferme la grande scène. On est très loin de la prestation des 2 Many DJ’s de la veille, le groupe ayant beaucoup de mal à faire bouger le public avec son mix sans grand intérêt de rock et d’électro. Même leur tube Cubicle fera un semi-flop et on s’éloignera avant la fin du naufrage.
Au bilan, cette édition du festival de Benicassim s’est musicalement déroulée sans grande surprise : chaque groupe s’est montré globalement conforme à ce que l’on pouvait en attendre. Côté rock, le festival faisait la part belle à des revenants (Oasis, Paul Weller, Gang of Four…) ainsi qu’à une génération de groupes qui commence déjà à dater un peu (Franz Ferdinand, TV on the Radio, Maxïmo Park…) sans que la relève ne s’esquisse particulièrement, les « jeunes groupes » s’avérant soit décevants (Glasvegas, Bell X 1…) soit sympathiques mais peu innovants (The Wave Pictures, Friendly Fires…). Côté électro, l’affiche a peiné à refléter l’effervescence de la scène internationale avec une majorité de prestations décevantes, même si Birdy Nam Nam et Telepathe ont su porter fièrement le flambeau, et que la scène électro-rock (Peaches, We are Standard…) a su être présente même si l’on pourrait probablement l’accuser de faire du sur-place. Au final la vraie surprise de ce festival aura été la découverte de la scène espagnole (Nudozurdo, Luis Safe Albert, Los Planetas, We are Standard, The Unfinished Sympathy…) : des groupes que l’on a eu plaisir à entendre, même si l’on peut regretter qu’ils ne cherchent dans l’ensemble qu’à imiter la scène anglo-saxonne, sans rien proposer de vraiment neuf.
On n’oubliera pas quelques très grands concerts, Elbow et 2 Many Dj’s en tête ; mais c’est au final par son expérience humaine que le festival aura le plus marqué les mémoires, en particulier via l’incroyable tempête du vendredi soir mais aussi tout simplement par toute l’ambiance et le cadre si particulier de ce festival unique en son genre.