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Il sait habiter certains des meilleurs moments de son passé, réinvestissant sans distinction les chansons qu’il a composées à 18 ans, à 25 et à 30, dans des situations et avec le concours de personnes variées. Il le fait avec une assurance qui se double d’un vague à l’âme parfaitement maîtrisée. Ce soir, le public va pouvoir témoigner du chassé-croisé que mène Conor Oberst face à la réalisation de ses mille expériences, hors des studios, des scènes et des concerts qui ne sont que les réceptacles renfermant le grain de la maturité, les urnes que l’on voudrait tellement desceller et livrer aux quatre vents.
Oberst apparaît sur scène, s’assoit et introduit, avec une gravité intentionnelle, The Big Picture et The First Day of My Life. Avec Cape Carnaveral, une chanson plus impétueuse tirée de son album solo paru en 2008, le concert prend provisoirement un tour plus électrique. Régulièrement seul à la guitare pour interpréter surtout des chansons enregistrées en groupe, la voix de Conor Oberst surpasse, comme dans les meilleurs concerts, son avatar sur disque. Ben Brodin, à la guitare ou au vibraphone, ajoute de la profondeur et de la mélodie aux morceaux. Le jeu puissant d’Oberst demeure cependant la meilleure raison de frissonner.
La violoniste Simi Stone illuminera la soirée dès ses prémices, avec sa présence aux côtés de Simone Felice. La complicité entre les deux est bien établie : ils ont ensemble, avec deux autres larrons, enregistré de l’américana sentimentale sous le nom de The Duke & The King. Le temps de quelques chansons, Felice touche de sa très belle voix la même corde déchirante qu’Oberst : celle qui donne le ton de la contemplation, nous sans un soupçon d’auto dérision, de son propre doute, et fait entendre comment les expériences alimentent, à la fois la perplexité face à la vie et la tentation pourtant futile de tout contrôler. S’il est inutile de contrôler, il est nécessaire d’habiter chaque instant de son existence. « When we make love youre eyes roll back/And everything in the room turns black », chante Felice à la fin de Charade, une chanson tirée de son album solo qui semble pointer les petites démissions quotidiennes. Simone Felice fait une prestation paisible et lumineuse.
En comparaison, celle de Conor Oberst aura d’abord l’apparence de la détresse. Avant que cette détresse ne devienne force, abandon, sarcasme, impulsivité et satire drapés avec retenue par les guitares souvent élégantes. On peut décider qu’un concert de Conor Oberst culmine lorsque le public le plus sensible à son langage – les anglo-saxons surtout – se dispose à rire au cours d’une chanson, sans mesurer l’inconfort que pourrait provoquer l’étrangeté de certaines paroles ; « You can get your hair all wet/Sleeping on the riverbed/Kiss a frog and then dissect/You got to find out what’s inside/And you can have my bad side, too”. Lua est l’occasion d’un duo avec Simi Stone, alternant les couplets avec Oberst. Tandis que celle ci permet à la mélodie entêtante de la chanson de rayonner, Oberst semble davantage se concentrer sur le sens profond de phrases telles que « So many men stronger than me[…]/[…]you can count on me to split/ The love I sell you in the evening, by the morning won’t exist. »
Bien que les musicens soient seulement quatre sur scène à l’apogée du concert, leur esprit d’entente électrise la salle. Conor Oberst est quelqu’un pour qui l’amitié a toujours compté comme ce qu’il y a de plus précieux. Il y a toujours un moment chez lui pour inviter le maximum d’amis musiciens sur scène à une grand messe country-rock et proposer au public de chanter un refrain à l’unisson, et dans ce concert, Make War était ce moment, peu avant la fin.
Setlist :
The Big Picture
First Day of My Life
Arienette
Cape Canaveral
Going for the Gold
Lenders in the Temple
Classic Cars
Ladder Song
Night at Lake Unknown
At the Bottom of Everything
White Shoes
-Solo-
Shell Games
Lua
Map of the World
Laura Laurent
Breezy
Encore :
An Attempt to Tip
Make War
-Solo-
Crédit photo : Oliver Reimer (oliver.peel@konzerttagebuch.de)