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Au troisième jour de festival, l’ambiance est détendue, et le festival bat son plein. Le programme promet d’être éclectique. Les mélomanes de tous bords risquent bien d’être comblés. Tous les styles musicaux, ou presque, passent à la moulinette à Dour. Que ce soit du reggae, du métal, de l’électro, de la pop, du rock pur et dur, tout est servi sur un magistral plateau d’argent. Nos oreilles frétillent de bonheur.
On débute la journée dans La Petite Maison dans la Prairie, avec le concert des Bruxellois d’aMute. Leur rock est très mélodique, sombre et puissant. Puisant du côté du post-rock, ce n’est pas vraiment la musique pour s’adonner aux joies estivales, mais elle provoque des sensations assez fortes. Car malgré le fait que les titres soient longs à la détente, ils ne sont pas dépourvus d’une certaine énergie. La salle est plongée dans une ambiance particulière, et on en oublie presque l’agitation extérieure.
On prend alors l’air devant The Last Arena, où officient les Liégeois de Malibu Stacy (photo 1). Valeur sûre de la scène pop rock belge (ou peut-être faudrait-il dire power pop), le groupe ne cache pas son amour pour les Strokes. Leur diktat est simple, il s’agit d’aller droit au but. Leur musique est fraîche, directe, sans emphase. Dave, le leader, s’agite furieusement, et son agitation est communicative.
Mais l’heure presse, et on retourne de ce pas à La Petite Maison dans la Prairie, pour assister au concert d’Arbouretum. Les musiciens de Baltimore gratifient les festivaliers d’une heure de bonheur tout simple et bénéfique. De par leur dégaine, on dirait que les Fleet Foxes se sont mis au rock. Mais ce serait plutôt du côté des géniaux Black Mountain qu’il faudrait voir. C’est du rock des grands espaces, pas poseur pour un sou, authentique et brut. Les harmonies vocales du leader David Heumann, donnent une touche folk, et des morceaux tels que False Spring et Another Hiding Place transportent le public vers des contrées sauvages et affranchies. Une belle découverte.
Il faut bien l’avouer, le rock à guitare c’est bien joli, mais de temps en temps il nous faut une récréation, et c’est Stijn (photo 2) qui s’en charge. Et comment ? En mettant littéralement le feu dans le Dance Hall. Son électro-pop cheap met les festivaliers à genoux, et rappelle les débuts berlinois de Gonzales, le génie en moins. Véritable showman, ce multi instrumentiste de talent, doté d’un charisme évident, converse beaucoup avec le public en français, en flamand et en anglais. Il permet une transition parfaite entre le début et la fin d’après-midi. Booty et Password, des véritables bombes en puissance, marquées par un second degré évident, sont interprétées par un gars déchaîné, surdoué, au charisme fou et à l’humour bien trempé.
Place au reggae sur la scène du Red Frequency Stage, avec Winston McAnuff and the Homegrown Band. Le vétéran est de retour, accompagné par son fils, Matthew McAnuff. Le reggae est old-school, et le public à la fête. Le soundsystem est de classe, surtout en ce qui concerne les cuivres. La plaine devant la scène est remplie par la plupart des festivaliers, allongés par terre pour encore mieux profiter des bonnes vibrations, le soleil étant en plus au rendez-vous. De quoi se détendre avant d’attaquer la soirée.
Plus tard, on s’attarde devant la prestation d’Esser au Dance Hall. La nouvelle coqueluche anglaise est un parfait pendant masculin de Lily Allen. Doté de la même impertinence, avec tout de même une once de talent supérieure à la chipie londonienne, il fait un set assez court, marqué par le single Headlock. Son talent reste encore à vérifier, car cela ne suffit pas de tout miser sur une apparence travaillée. Work It Out reste néanmoins un morceau efficace, mais on reste vraiment sur sa faim.
C’est avec une impatience non feinte, que l’on rejoint la Petite Maison dans la Prairie, pour assister au concert de The Dodos. Ce duo californien est absolument indispensable. Ils jouent des morceaux de leur dernier album, « Visiter », tels que Fools et Red and Purple, pépites au pouvoir addictif évident. Le public se prend au jeu, tombe sous le charme. Il est intéressant de noter que les nouveaux morceaux du très attendu prochain album, prévu pour l’automne, et intitulé « Time To Die », sont bien différents. On sent ainsi une vraie osmose entre les deux musiciens, comme si les jeux respectifs de Meric Long et de Logan Kroeber ne faisaient qu’un. Ils ne semblent plus comme avant vouloir se chercher des poux mais ont enfin trouvé un terrain d’entente, qui fait évoluer leur musique vers plus d’harmonie tout en gardant toujours cette singularité bien à eux. Ils sont accompagnés par un vibraphoniste, qui a la particularité d’user d’un archet de violon. La voix de Meric Long est très belle, aussi. Humbles et sincères, ils gratifient les festivaliers d’un très beau concert, même si une heure c’est bien court.
Après un détour par la Magic Tent où officient les space rockeurs de Gong, groupe psychédélique fondé par Daevid Allen, ancien membre de Soft Machine, on quitte cette ambiance ésotérique et étrange pour s’attarder un peu devant le rappeur anglais Roots Manuva. La formule est efficace et bien huilée. Il fait des merveilles auprès des nombreux fans du genre amassés dans le Club Circuit Marquee. Au moins avec lui, on évite la sempiternelle lutte entre le hip-hop east et west-coast propre aux Etats-Unis.
Puis on retourne dans la Magic Tent pour assister au concert de Kap Bambino. Et là, ça tourne vite au vinaigre. Caroline Martial se déchaîne comme une dingue sur la scène, le son est trop fort, elle ne fait que crier. Cela devient pénible à écouter sur la durée. La salle est comble, beaucoup de festivaliers s’agitent. On se demande pourquoi et quelles substances illicites ils ont bien pu ingurgiter pour tenir le coup. Sur leur page Myspace, les Bordelais définissent leur musique comme étant du grunge. On est pourtant à des années lumières de Nirvana. Ce soir-là, on a juste l’impression d’assister à une déferlante de gros bruit.
On quitte la salle avec le besoin pressant de respirer de l’air pur et on rejoint l’aire de détente devant La Petite Maison de la Prairie en attendant le concert des Suédois d’I’m From Barcelona. Alors là, on est gâté au plus haut point. Cette joyeuse troupe est fabuleuse du début jusqu’à la fin du concert. Plus gais et excentriques qu’Arcade Fire, ils personnifient cette forme d’humour très particulière propre aux Scandinaves. Toujours décalés et tendres, ils sont prêts à enflammer la salle et à faire la fête. Ils sont aussi très soudés et foutraques, avec tout de même aussi beaucoup de classe. Leur leader, Emmanuel Lundgren, est épatant de charisme et de bonhommie. Pour fêter l’anniversaire d’une des choristes, les festivaliers ont droit à un lâcher de ballons rouges géants, qu’ils s’empressent de lancer à gauche et à droite. Et quand le groupe se met à entonner des perles telles que Mingus et Paper Planes tirées de leur dernier album, « Who Killed Harry Houdini ? », on est dans une autre dimension. Ils ont un feeling hallucinant avec le public qui le leur rend bien. Ils ne sont pas au grand complet ce soir-là, on se demande d’ailleurs comment ils feraient pour tenir tous sur la scène relativement grande de la Petite Maison dans la Prairie. Un super concert, dont on ressort un grand sourire aux lèvres.
Crédit photos: Kalimba et Akin / scenesdunord.fr