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Dieu sait que nous étions pour le moins circonspects quant à l’affiche du festival Beauregard 2017. Iggy Pop et Hubert-Félix Thiéfaine ont tout de même suffi à ce que l’on se décide à vous compter ces trois jours. Et comme à son habitude, Beauregard aura rempli son office. Profitant d’un climat parfait et d’une organisation de mieux en mieux huilée, malgré quelques délais d’attente encore à améliorer, la neuvième édition du festival bas-normand aura joui d’une superbe ambiance soutenue par une affiche, à défaut d’être parfaite, amplement satisfaisante.
Tout commence avec la prestation attendue et remarquée de N3rdistan, artistes protéiformes marocains, un peu trop hâtivement catalogués rappeurs. En l’occurrence, nous avons profité d’un set très hybride, entre rap, electro et rock. Le flow est effectivement hiphop, mais pour le reste on a affaire à une musique particulièrement entraînante, parfaite pour ce début de festival. Mélangeant moult influences sonores, l’énergie et la superbe touche métissée du groupe nous auront laissé une superbe impression, largement suffisante pour rester aux aguets de leurs futures productions. Malheureusement, l’ambiance chute d’un coup avec l’arrivée sur scène des locaux de Dais, et leur duo aux accents dépressifs, absolument pas à leur place sur ce festival, peut-être particulièrement mal placé dans la journée…
Mais cette dure épreuve sera vite zappée avec la prestation géniale de Warhaus et leur rock-soul acéré aux tendances noisy. Occupant à merveille la scène, la formation belge, en plus d’un set superbe sur le plan musical, aura su s’attirer rapidement l’adhésion du public. Nous resterons encore sous le coup de la trompette punk du chanteur et des solos acides et détournés du guitariste. Bien emballés par cette superbe heure passée auprès de nos amis, nous avions tout de même anticipé les longs moments de solitude qui allaient suivre. Her enchaîne donc avec leur pop soul pour le moins convenue mais efficace dans son style. Par contre, nous ne pourrons vous compter l’intervention de Benjamin Biolay, nous étant bien évidemment évité le supplice. Les traces de basses mollassonnes, qui nous parvenaient encore, auront largement validé ce choix. S’en est suivi Metronomy, que beaucoup ici respectent. Au risque de s’attirer quelques foudres, mon dieu que ce fut plat !!! Sans âme ni énergie, le groupe a traversé son heure comme un dur labeur, profitant d’une notoriété qui leur aura valu un minimum de retour du public. A ce titre, un tel retour de leurs fans impose le respect tant il semblait difficile de s’enflammer sur si peu d’ardeur, ni intimiste ni entraînant, les nuances supposées du groupes nous seront restées secrètes.
Après un long moment de pause, nous nous attelons à Midnight Oil et Placebo, dont les deux concerts auront en commun le fait d’avoir été de parfaits fan services. Pro, et à merveille dans leur rôle, les deux groupes nous aurons livré exactement ce que l’on attendait d’eux, avec leur lot de titres incontournables exécutés comme il se doit. Monsieur le ministre, Peter Garret, aura été bien plus empathique et communicant avec le public que Brian Molko, à l’image de leur cibles respectives. De cette description, il ne faut pas conclure que l’on a été déçu, nous avons passé deux très bons moments avec les deux groupes, satisfaits, faute d’avoir été surpris. Nous nous en allons ensuite, après les premiers beats de M0me, dont la bonne presse nous laisse encore plus pantois depuis ce week-end, son électro dancefloor nous ayant laissé particulièrement de marbre.
Notre expérience de ce second jour démarrera au mieux avec les riffs acérés / vaguement psyché du groupe garage Yak, qui sera à n’en pas douter un des groupes qui aura le plus donné de sa personne pour mener son set, le public l’aura vite ressenti. Puissant et percutant, leur garage rock aura vite fait de nous décrasser des excès de la veille. Au prix d’un set mené tambour battant, sans baisse de tension, Yak aura régalé, dans une position moyennement enviable (début de journée). Nous n’avons pas enchaîné sur le rappeur Vald, qui aura enchanté les plus jeunes générations, on vous laissera juge sur le choix de l’organisation de remplacer Grandaddy par le dit chanteur. S’en est suivi alors, un des gros morceaux indé de la programmation de cette année, j’ai nommé Editors. On peut reconnaître que la musique d’Editors et ses accents sombres et intimistes à la Interpol n’est certainement pas des plus simples à transposer sur la scène d’un festival en plein soleil et pleine chaleur. Mais de toute évidence, le groupe n’a pas trouvé la solution sur ce Samedi. Particulièrement ennuyeuse, la prestation nous aura vite propulsés vers les stand de restauration… Ensuite, la motivation de profiter au mieux d’Iggy Pop, nous fera « sécher » le concert des métalleux d’Airbourne. Peu enjoués jusque-là, malgré Yak, l’iguane va, l’espace d’une heure, justifier notre présence sur cette journée. Traversant le répertoire des Stooges, I Wanna Be Your Dog dès l’ouverture survoltée, Seek And Destroy, ou les standards solo, Passenger ou Lust For Life, notre vieil ami va faire preuve encore une fois d’une énergie imparable, au prix d’une interprétation toujours aussi habitée. Le public n’en sera pas ingrat, gesticulant aux moindres soubresauts du chanteur, une vraie épreuve physique.
Nous sortirons de la prestation regonflés à bloc, mentalement du moins. Ibrahim Maalouf, aura lui la lourde tâche de succéder à l’ouragan que nous venions de vivre. Il s’en sortira à merveille, communiant parfaitement avec le public, et ce, avec une trompette, messieurs dames. Entouré d’une bande bien fournie, l’artiste diffusera lui aussi une magnifique énergie, d’un tout autre genre, remportant la même adhésion de la foule. Sans chant, avec une musique très hybride, une forme de world music tendant parfois vers le post-rock, on se demande encore comment l’instrumentiste ravit un si grand nombre par son spectre musical énorme. On regrettera par contre ces longs moments où Ibrahim s’épanchera bien trop sur ses expériences personnelles, autant de moments perdus sur son set, et contre-productif quant à notre intérêt. Après ces deux moments, la place est faite à Phoenix, a priori considéré comme la grosse tête d’affiche de cette journée. Bon, soyons concis, il existe une frontière entre une musique accessible et une musique commerciale, Phoenix est largement passé du mauvais côté, enchaînant les poncifs d’une pop rock des plus convenue. Nous achevons alors notre journée avec les papys d’Echo And The Bunymen, frères des Cure et autre Joy Division. Il est toujours délicat de voir apparaître un ancien groupe des dizaines d’années après leur période faste. Le set commence, presque à notre étonnement, superbement, notamment à la grâce d’une magnifique reprise de Break On Through. Mariant et alternant des influences type Velvet, Doors ou encore 4AD, le groupe lève nos doutes initiaux. Malheureusement, le rythme va s’essouffler au fur et à mesure de la prédominance grandissante de leur cold wave d’origine, pour le coup trop brouillonne, manquant d’âme. Dans l’ensemble, le très bon début, assez déconcertant aura tout de même suffi à notre bonheur.
Nous entamons cette dernière journée doucement, avec le blues touareg des Tinariwen. Parfaite introduction à une journée succédant à deux jours bien « actifs », la sérénité des personnages et de leurs compositions réveilleront doucement les organismes. Communiquant et bienveillant, le collectif apportera une belle touche de sourire à l’ambiance. Bien que la prestation n’aie pas suffi à nous tenir en haleine jusqu’au bout, trop « soft », nous avons largement apprécié l’atmosphère. Nous nous sommes alors placés au plus près des House Of Pain, groupe culte de la scène hiphop des 90’s, Américains de leur état, mais Irlandais de cœur. Et quelle claque ce fut! Les légendaires interprètes de Jump Around vont enflammer la scène et la foule dès les premiers beats, transformant la foule en vagues de bras sautants. Parfaitement à son aise, le groupe va habiter cette heure comme des vrais animaux, un pur bonheur jouissif, parfaitement placé dans la chronologie de la journée, profitant d’un soleil encore éclatant. Sur la seconde partie du set, les rappeurs se mueront en sorte de folkeux patentés, toujours aussi impliqués à 100% dans leur rôles scéniques.
Cherchant surtout à préserver notre position pour le grand Hubert-Félix Thiéfaine, nous restons sur place. Dieu sait que la pop folk larmoyante de Michael Kiwanuka n’aura pas été un contre argument bien lourd. Entre temp,s nous allons tout de même pouvoir profiter des Jagwar Ma, qui auront assez régulièrement insufflé du peps à leur pop. Dans ces phases, le public répondra avec engouement. Sur les moments un peu plus intimistes ou psychés, il faut reconnaître que les Australiens auront plus de mal à nous emballer. Mais comme portés par l’ambiance générale, le groupe saura assez appuyer sur ses points forts. Foals prend alors place sur l’autre scène. Particulièrement emballés par les prestations précédentes du groupe, nous n’en serons que plus déçus du concert, nous remémorant les ultra commerciaux de Phoenix. Perdant la sève survoltée des début, Foals sera vraiment la déception de cette année, empressés, il faut le reconnaître, de profiter du concert suivant. Et voilà donc l’heure de Thiéfaine… S’accompagnant de l’orchestre régional de Normandie, l’artiste s’avance vers des rangs et des rangs de public conquis d’avance. Bien qu’orientant son set vers des morceaux peu enjoués ou entraînants de son répertoire, le chanteur impose d’emblée son aura naturelle. Le concert se passe comme un échange avec un ami proche, presque en intimité malgré la configuration des lieux. Et pourtant, l’orchestre et ses musiciens (son fils notamment, à la six cordes), ne seront pas en reste et joueront leur partition puissante, notamment sur l’extraordinaire final en solo à quatre mains de Alligator 427 ou les envolées lyriques sur les refrains de Confessions D’Un Never Been. Hypnotique et autoritaire Hubert-Félix aura réellement transcendé cette édition. Le set s’achèvera comme par obligation par La Fille Du Coupeur De Joints, mais dans une version sous speed, particulièrement punkisante qui clôturera superbement ce pur moment de grâce. C’est tout retournés que nous arrivons au dernier concert déjà bien fourni de Die Antwoord. Loin des débats, nous ne pourrons pas participer au mieux à la fête, mais clairement cette conclusion du festival restera dans les annales, à l’image des Ting Tings en 2011, les sud africains auront mis la fosse en fusion. Une dernière heure, sur laquelle lâcher ses dernières forces sur des beats déstructurés, endiablés et complètement fous.
La neuvième édition de Beauregard aura été traversée comme à son habitude par des lives classiques (Midnight Oil, Placebo), des moments creux, voire quelques déceptions mais aussi par de très bons moments (Yak, Warhaus, N3rdistant, Ibrahim Maalouf), de sublimes épisodes (Iggy Pop, House Of Pain, Die Antwoord) et un concert vécu comme une messe (Hubert-Félix Thiéfaine). Encore une fois, le festival ratisse large, ce qui fait qu’on peut réellement mal vivre certains instants, mais d’année en année, la boîte à souvenirs musicaux ne fait que s’étoffer de très bonnes choses.