"> Festival Villette Sonique @ Cité de la Musique - 25 / 30 mai 2012 - Live Report - Indiepoprock

Festival Villette Sonique @ Cité de la Musique – 25 / 30 mai 2012


Oh les filles ! Oh les filles ! Ainsi s’achève le cru 2012 du festival Villette Sonique qui, en ce mercredi 30/05, accueille bien plus de garçons que de filles avec Tristesse Contemporaine, doux nom derrière lequel se cache un trio anglo-nippo-suédois d’origine, parisien d’adoption, et, bien sûr, avec Girls, auteurs d’un dernier album fabuleux modestement intitulé "Father, Son, Holy Ghost". Révélation ?

29 mai (par Bertrand)

Les fans de cette nouvelle sensation que devient, malgré elle, la Californienne Julia Holter se divisent peut-être en 2 camps : ceux qui trouvent « Ekstasis » (2012) moins développé que « Tragedy » (2011), le premier album atmosphérique et évocateur qui a établi les talents de cette compositrice à l’oreille extraordinaire et à la voix évanescente jusqu’en Europe ; et ceux qui y entendent les mêmes éléments – voix, harmonies, et ce flottement inimitable – tournés de façon plus accrocheuse et plus séduisante.

Ce soir, entamant la soirée vers 20 heures, Julia Holter va largement privilégier le second, « Ekstasis », et laisser entrevoir le troisième, donnant un aperçu de la transe créative dans laquelle elle est engagée en continu depuis au moins un an et demi. Ce faisant, elle est accompagnée d’un violoncelliste et d’un batteur précis, délicat et parfois rudes – l’attitude de ces deux là, dont le jeu a été écrit de toutes pièces par Holter dans un temps suspendu puis transfiguré pour la scène, se résume à un mot : expérimentale.

C’est le slogan toujours attirant de cette nouvelle édition du festival de la Villette Sonique, une importante manifestation au sein de laquelle une affiche rassemblant un trio instrumental australien culte et une égérie de studio taillée pour le XXIème siècle n’entame plus la confiance d’un public accoutumé, mais a tôt fait de susciter la curiosité. La soirée qui nous concerne est articulée en deux temps, avec Peaking Lights et son dub plein d’infrabasses, surprenant à défaut d’être convaincant, pour faire le pont et laisser la moitié du public respirer en terrasse. A ce moment, je passe une poignée de minutes en compagnie de Julia Holter, qui me remercie d’avoir fait les chroniques de ses disques et dédicace mon fanzine.

Holter est debout, derrière un synthétiseur Nord Stage 2 qui a tout du bijou technologique, plongée dans une nappe de brume figée et féerique, le regard en haut, passant avec plus d’habitude que de concentration d’un son à un autre, l’enveloppe de ses chansons changeant sensiblement d’un morceau au suivant, tout en préservant l’intensité qui permettait sur « Ekstasis » de captiver l’auditeur. L’album était aussi dense que le set semble dépouillé, par nécessité d’adaptation et envie de se libérer de la contrainte. Dépouillé, mais cérébral, et plein de multiples ramifications reliées par des refrains mélodieux.

Si l’équilibre sonore entre les éléments doit rester, Holter ne peut évidemment pas reproduire le travail qu’elle a accompli en passant tant d’heures à mixer les plages sonores en studio. Ce qu’elle peut faire, c’est de se reconnecter aux rigueurs rythmiques de son assemblage de chansons et les mimer de la façon le plus convaincante possible. MarienbadFur Felix ou Moni Mon Amie son des chansons à la beauté instinctive, qui trouvent leur chemin sans effort apparent. Try to Make Yourself a Work of Art impressionne par sa tension, son aura glaçée. Cette façon à la fois errante et déterminée y culmine, le violoncelle gronde. En répétant l’impératif qui donne son nom à la chanson, Holter se rapproche le plus de ce qu’on pourrait appeler du contact avec le public. Sans doute est-ce la nature de sa musique qui affecte sa façon d’être.

La voix de Holter, superposée, répercutée comme un instrument, reste masquée par la gaze des atmosphères, d’une façon qui décontenance le public autant qu’elle suscite sa curiosité. Mais cette voix exprime aussi une forte émotion, sur Goddess Eyes par exemple, chanson qui sert de pivot à son duo de disques, y apparaissant de façon répétée. Au final, une prestation plutôt distraite, détachée, tout au long de laquelle on comprend la raison qui ont poussé Holter à changer son style entre ses deux albums, s’il devait y en avoir qu’une : le plaisir de pouvoir interpréter sa musique devant des audiences façonnées par la musique électronique et les gimmicks entêtants.

Cette contrainte de formats plus digestes, Dirty Three l’a aussi embrassée avec « Toward the Low Sun », son nouvel album événement paru en 2012, et qui a reçu un accueil critique mitigé. Les grands sites musicaux l’on généralement aimé, les fans du groupe l’ont sans doute compris, tandis que ceux qui étaient restés à distance de la formation, malgré ses liens avec Grinderman, Nick Cave et les Bad Seeds ou la bande originale de « The Assassination of Jesse James » – par l’intermédiaire de ce personnage clef qu’est Warren Ellis – ne s’en sont pas plus rapprochés. « Toward the Low Sun » présente des morceaux autour de 5 minutes, et c’est lié à une volonté des trois larrons de davantage faire dans la concision.

En live cependant, ils prennent le chemin inverse, n’hésitant pas à offrir de longues codas improvisées à leurs compositions échevelées. Mais ce n’est qu’après avoir complètement conquis le public. C’est vite fait : vers 22 heures 30, Warren Ellis déboule sur scène, costume, sourire espiègle, pilosité toujours impressionnante, et se met à pratiquer aussitôt un français châtié, mais aussi drôle que du québécois. Sa galaxie à l’élégance détraquée tourne autour d’un mot : psychédélique. Histoires noires et violentes, romance et solitude – ce qui n’empêche pas Ellis de rester enjoué à tel point que certains finiront par lui demander de se mettre à poil ! C’est un vœu qu’il a souvent prononcé en interview – que le public participe, n’ait pas seulement l’impression de regarder un concert, mais soit sollicité, et c’est le cas.

Les morceaux pourraient acheminer le chaos et le désespoir : ils provoquent l’euphorie au contraire, grâce au talent technique et à la vision du trio. Le batteur Jim White montre un amusement certain à mélanger tous les styles avec une maîtrise et une puissance qui galvanise le violon virtuose d’Ellis. Celui-ci attaque de longues phrases mélodiques, agressives ou mélancoliques, les accumule électroniquement jusqu’à créer un son dantesque, dans lequel se mélangent les mélodies de « Toward the Low Sun » et d’autres bribes de son imaginaire de western en phase terminale. Mick Turner (un croisement entre Poutine et un fermier australien) reste focalisé sur sa guitare, même si on sait qu’il est capable de jouer du piano.

Ce rôle, Ellis s’en charge avec une fougue grandiloquente sur Sometimes i forget you’ve gone, un morceau de « Toward the Low Sun » qui est porté à un niveau sonore terrible. Celui-ci sera encore représenté avec The Pier ou Furnace Skies. Le maëlstrom tourbillonnant est ponctué des acclamations nourries du public. On ne regrette pas Grinderman, seulement que les disques de Dirty Three n’aient rien de cette puissance écrasante et n’égalent jamais cette densité. Il est plus de minuit lorsque le groupe exécute Ashen Snow au sommet de son envoûtement avant de dire au revoir.

30 mai (par Louise)

Oh les filles ! Oh les filles ! Ainsi s’achève le cru 2012 du festival Villette Sonique qui, en ce mercredi 30/05, accueille bien plus de garçons que de filles avec Tristesse Contemporaine, doux nom derrière lequel se cache un trio anglo-nippo-suédois d’origine, parisien d’adoption, et, bien sûr, avec Girls, auteurs d’un dernier album fabuleux modestement intitulé « Father, Son, Holy Ghost« . Révélation ?

Le trio Tristesse Contemporaine investit la scène. La sobriété est de mise : rien ne dépasse, chacun dans son coin, la seule excentricité permise se trouve être le masque d’âne arboré par Mik, le chanteur aux inflexions trip-hop (Earthling fait toujours des siennes). Dit autrement, le groupe respire la branchitude. Aie. Puis la rencontre entre l’austérité de synthés cold wave à souhait et la sensualité d’un flow proche du trip-hop, ou Joy Division versus Massive Attack, donne finalement des choses assez intéressantes, quoiqu’inégales. I Didn’t Know reflète bien cette dualité et, bon, puisque le groupe nous gratifie de quatre titres inédits, nous dirons qu’ils nous ont convaincus ! « La tristesse durera toujours », qu’ils nous balancent à grands coups de merchandising. Message perso à Joy Division? La scène se vide, le bar se remplit ; restons vigilants, la bande de Christopher Owens arrivera d’une minute à l’autre.

Et la scène est toujours vide. Girls se fait désirer. Un peu… Beaucoup… Passionnément ? A la folie ! Paraît-il que ça ne leur arrive jamais. Si c’est Christopher Owens qui le dit ! Passons sur cette attente et laissons les premières notes d’Alex faire rougir nos oreilles de plaisir quand les bouquets de fleurs attachés aux pieds de micro flattent les mirettes. Honey Bunny suit, titre surf branché en haute tension, et l’abandon est total. Le groupe manie en effet bien mieux que quiconque l’art de retirer la substantifique moelle de ce qui s’est fait de meilleur depuis ces dernières décennies et de l’intégrer à des compositions résolument dans l’air du temps, c’est dire. L’étoffe et le charisme sont là, ça ne fait aucun doute. Puis s’enchaînent ballades pop et bijoux étincelants de mélancolie qui, à la longue, sonnent davantage comme une unique mélopée que les trois choristes peinent à relever malgré le sursaut amorcé sur Vomit. Voici peut-être le seul bémol de la soirée où l’impatience d’une audience un poil blasée aura raison de l’autisme du groupe et le choix assurément bancal de sa setlist. Aux plus timorés de partir. C’est dommage, de si beaux moments de musique auraient gagné à être sublimés. Un rappel et l’ordre revient : le génial Lust For Life et les envolées shoegaze de Hellhole Ratrace remettent tout le monde, ou ce qu’il en reste, d’accord tandis que Morning Light clôt le concert d’un riff embrasé et embrasant. Il nous en faudra certes plus pour voir le seigneur, mais c’était déjà grand. Amen.

Chroniqueur
Festival Villette Sonique @ Cité de la Musique - 25 / 30 mai 2012
  • Julia Holter

    Pas de concert en France ou Belgique pour le moment