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Un malencontreux contretemps ne nous a permis d’assister l’entièreté du set des Amazing Snakheads. Sur les derniers titres, la rage est clairement ce qui ressort le plus, du vrai rock primal, porté par le chanteur visiblement fâché avec la Terre entière et ses vêtements, et un batteur en pleine crise d’épilepsie. Un set visiblement joué avec une énergie indéniable, trop violente pour certains, mais parfaitement à l’image de leur excellent album chroniqué ici-même, c’est d’ailleurs aussi le défaut de leur performance, un live trop proche voir identique à leur opus, ce qui est déjà une bien bonne chose, mais pour du coup aux antipodes de la démarche de la tête d’affiche.
Car oui Jack White, faute d’avoir révolutionné la musique, a tout de même en lui l’essence même du jeu de scène et l’intro avec le Dead Leaves And The Dirty Ground des White Stripes en atteste: que ce soit avec ses propres titres ou ceux de ces idoles, le bluesman blanc de Détroit est un homme de cover. Des covers qui d’un live à l’autre ne seront jamais identiques, Jack White est par dessus tout et tous un artiste de l’instantané. C’est avec virtuosité que le bonhomme martyrise ses cordes, vocales, sur un manche ou dans son piano, et ré-invente sans cesse des titres que son public conquis se réjouit de redécouvrir pour une énième fois sous un autre jour. Comme à la lecture d’une nouvelle traduction d’un livre que l’on a déjà lu, nous voilà embarqué dans une vue rénovée de la vie artistique de Monsieur Jack, White Stripes, Raconteurs, œuvres solo ou titres qui ne sont pas de son fait.
Dans les dernières productions de l’artiste on croit déceler un calme naissant inévitable, ressemblant parfois à de la fatigue, une certaine usure qui laisse parfois un peu las et nostalgique de l’époque duettiste de White. Ce sentiment s’estompe en 30 secondes de scène. Avec une puissance purement heavy et une énergie intarissable, Jack s’embrase littéralement, transforme ses titres les plus softs de son répertoire en morceaux prenant, et les autres en purs bijoux. Il faut reconnaître qu’impressionner l’assistance avec un Seven Nation Army ou un Hotel Yorba dont, en bon fan, nous avons tous entendu des dizaines de versions, et bien cela force le respect, qu’à titre personnel, les derniers efforts du monsieur avaient quelque peu entamé.
Voilà donc ce qu’est un concert de Jack White, une jouissance de fan, une orgie musicale tant roots que pop ou punk d’un homme en mouvement perpétuel, circulaire certes, mais jamais inerte, un homme qui vous tiendra haletant pendant deux heures avec trois accords et une grosse caisse. Et là, il y a bien plus qu’une seule grosse caisse, il y a un batteur franchement scotchant s’appropriant l’efficacité de Meg White en y intégrant un jeu bien plus complexe. A ses côtés se trouve également un homme à tout faire (guitare basse contrebasse) tout en effacement, une violoniste envoûtante et un clavier habité d’une folie de tous les instants.
Nous avons donc tous vécu un live unique comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui suivront, béats devant la classe survitaminée d’un enfant de la balle génial, un artiste éternel.
Mention spéciale pour le public qui aura bien rendu au maître de cérémonie toute son énergie communicative…