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John Zorn est complètement timbré et c’est jouissif. Imaginez la scène : l’auditorium de la MC2 de Grenoble, conçue pour écouter de la musique classique, voit débarquer en son sein un espèce d’hurluberlu génial, fringué comme un sac et armé d’un saxophone alto. Il n’est pas seul : trois complices, un peu mieux habillés arrivent aussi. Il y a un bassiste avec une tête d’expert comptable (Greg Cohen), un batteur (vraiment) fou flanqué d’un col roulé (Joey Baron) et un trompettiste chauve (Dave Douglas) qui sait imiter le cri du poulpe avec son instrument. Comme à chaque fois avec Massada, c’est le nom de ce groupe, le public a l’impression d’assister à une répétition sur scène. Explications : il n’y a pas de set-list et les morceaux évoluent au gré de l’humeur du chef. Quelques indications, un main qui imite un bec de canard pour donner le tempo et c’est parti pour du jazz débridé. Le contraste entre le lieu, très classe, et la musique jouée, très sauvage, est saisissant. L’ambiance est spontanée, rigolote et improvisée.
En musique c’est très dur de faire du n’importe quoi correctement, mais ces quatre-là s’en sortent haut la main. Parce que justement, ils ne font pas n’importe quoi. Par des gestes plus ou moins discrets, John Zorn mène sa troupe avec autorité vers des contrées connues de lui seul. Ses compères le suivent presque aveuglement et il en ressort une cohésion de groupe impressionnante. Ils jouent un jazz résolument moderne, très loin du swing classique ? enfin, pas si loin que ça, disons que c’est une certaine vision du swing avec une grosse pincée d’improvisation joyeusement foutraque et une autre de musique juive traditionnelle. A voir d’urgence pour les amateurs de dépaysement musical !