">
Voici un retour sur le festival de La Route du Rock 2004.
Nous étions déjà partis un peu tard, cinq jeunes dans une voiture, la Gendarmerie Nationale : « Veuillez couper le moteur, fermez votre fenêtre et sortez de votre véhicule ». Bref, à contrôler chacun des occupants, un part un, avec des gants en plastique (…), on a perdu un bon quart d’heure, plus la foule (puisque 6000 personnes étaient attendues). Résultat on arrive à la bourre à la 14ème édition de la Route du Rock de Saint-Malo, dans le très joli cadre du Fort de Saint-Père.
Now It’s Overhead est en train d?interpréter ses deux derniers morceaux. Orenda Fink et Maria Taylor, également membres d?Azure Ray sont absentes, se consacrant à leurs projets parallèles. C?est donc un groupe entièrement masculin, tenu de main de maître par le minuscule Andy LeMaster, qui réalise une pop mélodique qui n?est pas sans rappeler les Frank & Walters, en un peu plus énergique. Un rappel en duo guitare/batterie, très à la mode en ce moment, et une prestation malheureusement déjà terminée.
Après un changement de plateau assez long, une constante durant la soirée qui permet néanmoins au tout à chacun d’ingurgiter galettes-saucisse et litres de boisson, The Beta Band, qui a récemment annoncé sa séparation, s’empare de la scène. Look de branleurs anglais à la Gallagher, le chanteur semblait plutôt aller faire du ski que de participer à un festival en bord de mer. Peut-être cela eut-il été une sage décision car le set, très ancré dans les années 90, reste linéaire et sans consistance, même leur tube laitier garde un goût amer… Un au-revoir sans regret…
The Kills, groupe en « THE » à la rock-garage attitude, décide de secouer un peu les choses à la nuit tombée. Malgré la formation de duo et les batteries enregistrées, l’énergie est là ! Hotel devient l’espace d’un set le « Monsieur 100.000 Volt » de la soirée et la longiligne VV, est sans aucun doute en train de devenir, malgré une certaine nonchalance, l’une des nouvelles égéries du rock. Bref, ils ont fait ce que l’on attendait d?eux et c’est déjà pas mal.
De retour à Saint-Malo, qu’ils avaient quitté en 1999 et dont ils gardent un très bon souvenir, dEUS réalise sans aucun doute la meilleure prestation de la soirée. Saupoudrant de quelques nouveautés, les morceaux incontournables de leur répertoire, le groupe belge montre qu?il demeure encore l?un des plus excitants et innovants fleurons de la pop indé de ces dix dernières années. Poursuivant ce jeu des sonorités, des variations et des dissonances, on est impatient de découvrir leur nouvel album qui devrait sortir en février/mars 2005.
S?en suit la prestation de la nouvelle sensation new-yorkaise LCD Soundsystem qui malheureusement, comme souvent pour ces groupes « intello-arty » de la grosse pomme, se révèle rapidement ennuyeux. Le chant est scandé ou psalmodié, et, malgré quelques bonnes choses, notamment la pertinence de certaines rythmiques (batterie, percu, machines et deux basses) qui permettent d?entraîner nos corps vers une esquisse de danse, le tout reste globalement décevant…
Enfin, pour clore la soirée, on s’excitait d’avance de la prestation de RJD2, apôtre d?un abstract hip-hop souvent electro, pour un mix à quatre platines et un sampler. Si l’américain se dévoile bon technicien et propose des choix éclectiques de qualité, l’absence de balance pour cause de retard se révèle désastreuse pour profiter pleinement du talent de l?artiste et se laisser entraîner par la musique. Des regrets sans aucun doute !!!
La journée a été ensoleillée et c’est avec un plaisir non dissimulé que les festivaliers se laissent bercer, comme la veille, sur la Plage de l’éventail (rebaptisée FNAC pour l’occasion…), par les lives et les mixes qui leurs sont offerts. On peut noter l’agréable prestation de Nouvelle Vague qui fait passer à la sauce bossa les standards de la new wave. Les voix sont douces et l’une n’est pas sans rappeler l’un des chanteuses de CocoRosie en concert la veille au Palais du Grand Large. Bref, des conditions idéales pour prendre deux-trois coups de soleil en faisant la sieste.
De retour sur le site de Saint-Père, le public, encore baigné par cette ambiance de farniente, découvre les anglais de Flotation Toy Warning, dont la pop orchestrée et mélancolique n’est pas sans rappeler l’esprit d?un Grandaddy ou d?un Mercury Rev. Une jolie découverte qui devrait sans aucun doute prendre toute son ampleur sur disque qui sort en France mardi prochain.
Valerie Trebeljahr, pénètre sur scène dans une petite robe rose et on se laisse rapidement séduire par le charme discret de cette jeune femme policée. Sa voix et ses mélodies electro-pop donnent une certaine mélancolie à Lali Puna qui est contrebalancée par le côté noise, répétitif et hypnotique des trois garçons (dont des membres de Notwist et Console) qui l’entourent à la guitare-basse-batterie. Le public accroche ! Espérons qu?il les suive également sur « Faking the Books », leur dernier album en date, sorti sur l?excellent label Morr Music.
Il s’était en tout cas déplacé en masse puisque l’organisation tablait en cette soirée sur 8000 personnes venues sans aucun doute pour suivre la prestation des survivants de la French Touch : Air. Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel ont bien évolué, ils ont désormais du métier et les moyens d’assurer tranquillement une bonne prestation. Carré, le groupe enchaîne les tubes, avec un plaisir non dissimulé. On se presse, on se serre et jubile sur les singles de « Moon Safari » : Sexy Boy et Kelly watch the stars. Succès également lorsque Gordon Trax (Phoenix), les rejoint pour un très bon Playground Love, première fois depuis l’enregistrement du titre pour la BO de « Virgin Suicides » et de bon augure pour la suite des évènements.
En effet, car pour poursuivre la soirée sous l’égide de la connexion versaillaise et après un mix consacré aux intermittents, Phoenix s’empare de la scène pour asséner le set le plus dansant du Festival. Un groove riche, des mélodies accrocheuses quoiqu’un peu évidentes, il n’en faut pas plus pour voir le Fort s’agiter, se dandiner et trépigner pour mieux communier avec le groupe qui réalise sans doute l’une des prestations les plus longues de la Route du Rock.
Le succès de ce groupe grand public aurait pu entraîner une réserve voire une certaine hostilité de la foule face au soul-rock noise parfois aride de Tv On The Radio, d?autant que leur prestation débute sur une chanson voix/guitare en suspend. Il n’en n’est rien dès que le gros son et l?énergie du groupe new-yorkais se répandent comme une onde de choc. Ce qui marque, à part la très jolie barbe et la capillarité touffue du guitariste, c’est bien que Tv On The Radio est un groupe à voix. Profondes, chaudes et harmonieuses, elles viennent se frotter aux guitares rêches dans un mariage qui pourra en dérouter certains.
Alors que la fatigue commence à se faire sentir, entre en scène l’emblématique et sulfureuse Peaches, seule, pour le set le plus extrême. Elle qui s’est fait conspuer lors de ses prestations en premières partie des White Stripes, Björk, Marilyn Manson, etc. rencontre enfin un public scotché par le spectacle qui se déroule sous leur yeux. C’est un peu comme si un puceau pour sa première fois était confronté à la plus déviante des nymphomanes. Le sexe est alors érigé comme un étendard, bandant à tout va… Elle est parfois rejointe sur scène par deux danseuses tantôt équipées de gode-ceintures, tantôt déguisées en routier ou en catwoman sadomaso, qui se trémoussent, se caressent ou attachent Peaches avec des cordelettes. L’artiste, proche de la performance, bondit dans tout les sens, change de tenues tout au long du concerts (body, mini-short, sous-tif cuir ou vinyl), se lèche les aisselles et nous incite à en faire autant, nous fait quelques gestes obscènes de rigueur, va se cogner la tête dans les projecteurs. Elle feindra plus tard une blessure pour mieux cracher du… sang… sur les premiers rangs. Si la musique est souvent réduite à sa plus simple expression (boîte à rythme binaire, guitare disto et cri/chant pour des textes minimalistes), le spectacle grand guignolesque est sans aucun doute à voir une fois dans sa vie et clôt en apothéose une très bonne deuxième journée.
L’après-midi avait pourtant été ensoleillé, mais passé 17h00, une première averse, puis une autre, commencent à inquiéter, comme il se doit, les festivaliers. C’est donc dans la gadoue que le public commence son Festival avec la douceur de la néo-folk country de Mojave 3. Les américains nous rappellent tout le bien que nous avons pensé de leur album tout en nous faisant oublier la triste escapade solitaire de Rachel Goswell. Downtempo et ambiance évocatrice pour un groupe que l?on aura peut-être plus plaisir à voir sur scène confortablement installé… en toute quiétude.
Ce sont alors nos six chouchous de Girls In Hawaii qui viennent dévoiler « on stage » la plupart des titres de leur premier album. Une pop sucrée estampillée « Made in Belgium » qui s’assure l’adhésion du public grâce à ses petites perles calibrées. Seul regret peut-être : l’absence de choeurs, qui font habituellement l?un des charmes de leur musique. Ils terminent leur tour par le tonitruant Bees & Butterflies. Un franc succès !
Puis vient le tour d’un des groupes cultes de la scène indé : les américains de Blonde Redhead. Kazu Makino, petite robe jaune rétro et SG blanche et les jumeaux italo-américains, Simone et Amedeo Pace, créent sur scène des ambiances moins noise qu’à leurs débuts mais plus riches et sans doute plus torturées. Avec la maturité, le groupe s?est calmé et la souffrance se cache dans l’ombre. Malheureusement, la pluie qui avait refait son apparition en début de set, redouble au bout de cinq-six chansons, les spectateurs commencent à chercher refuge dans les stands, idem dans la zone VIP, des coupures de courants interviennent, les câbles électriques trempent dans l’eau. Blonde Redhead écourte sa prestation et le Festival s?interrompt pour des raisons de sécurité.
Pendant prêt d’une heure d’orages et de pluies diluviennes, le spectacle demeure entre stand-by et supputations d’annulation… Heureusement, l’intempérie finit par cesser et c’est dans un parterre de boue, que le public peut enfin extérioriser sa joie et exulter à l’arrivée de Dionysos. Le groupe fait preuve, comme à son habitude, d’une énergie communicative et c’est toujours un plaisir de voir Mathias, survolté, traverser la foule à la nage pour aller escalader, ici une camera sur perche, là un échafaudage. La pluie a repris mais les gens veulent profiter pleinement du concert. Quitte à être trempé autant en profiter et le show en vaut la chandelle. Leur dernier concert de la tournée est à la hauteur de nos attentes, les Jedi et autres Don Diego 2000 nous entraînant à Danse(r) dans nos anoraks mouillés. Un très bon moment qui se terminera par une reprise de Léo Ferré, nous rappelant qu’il n’y a pas que le rock dans la vie.
La pluie cesse et c’est le légendaire Jon Spencer qui assure à son tour le spectacle au sein de son Jon Spencer Blues Explosion . Un rock qui va à l’essentiel : le son brut de décoffrage. Efficace, mais il faut accrocher car avec une voix plus éraillée on penserait presque à un certain groupe australien dont l’un des guitaristes porte encore la culotte courte… Bref, pas très innovant mais on appelle ça culte alors… Un peu gelé, mouillé, fatigué et sans plus de courage, nous quittons avec regret le Fort de Saint-Père sans écouter l’électro cinématographique des Troublemakers qui ont sorti en juin, « Express Way », un nouvel album sur le label de jazz Blue Note.
Malgré ce dernier jour calamiteux on peut sans aucun doute se réjouir du succès de cette 14ème édition qui aura vu pas moins de 20.000 spectateurs, qui dans une ambiance bon-enfant, se sont déplacés pour l’événement. Félicitons l’équipe de la Route du Rock pour cette programmation très réussie, de qualité, bonne alternative entre groupes à succès et découvertes. Réjouissons-nous également car on évoque déjà une version hivernale de ce Festival… Affaire donc à suivre.
(tab:END]